« L’âge du capitaine… »

Nouvelles générations. Sous ce titre, j’ai signé ici même, la semaine dernière, un « Ce que je crois » qui, plus que d’autres, a fait réagir.

Emmanuel Macron, se rend sur la tombe du soldat inconnu peu après son investiture en tant que nouveau Président de la République, le 14 mai. © Alain Jocard/AP/SIPA

Emmanuel Macron, se rend sur la tombe du soldat inconnu peu après son investiture en tant que nouveau Président de la République, le 14 mai. © Alain Jocard/AP/SIPA

ProfilAuteur_BBY

Publié le 25 mai 2017 Lecture : 4 minutes.

Un de nos lecteurs, M. Abderrahmane Ben Hida, ingénieur à Kenitra (Maroc), a marqué son désaccord. Ci-dessous, je cite intégralement son message pour ne pas risquer, en le résumant, de le dénaturer.

*

la suite après cette publicité

Vous verrez qu’il commence par des compliments qui me paraissent sincères, auxquels je suis sensible, mais que je juge quelque peu excessifs. Il passe ensuite à plus important : une critique qui est à la fois vive et pertinente :

« Je suis un fidèle lecteur de JA, notamment de la rubrique Ce que je crois, de BBY. Je la trouve souvent éclairante, pertinente, voire parfois prophétique, mais celle du numéro 2940 sur le renouvellement de génération opéré par le roi Mohammed VI, dont BBY dit que “le Maroc s’en est très bien trouvé”, est à nuancer.

Il n’y a en effet que deux domaines où ce rajeunissement a vraiment porté ses fruits : la sécurité et le business dans les hautes sphères.

Pour le reste, dans quel domaine le Maroc s’en est-il bien trouvé ? Sur le plan politique, la nomination d’un gouvernement hétéroclite a vidé de leurs sens les élections législatives, et la promulgation de la nouvelle Constitution a consacré le pouvoir absolu.

la suite après cette publicité

Quant à la situation économique et sociale, elle est préoccupante (enseignement, santé, logement, emploi, etc.). Dans d’autres domaines, comme le climat des affaires, la justice, la liberté de la presse, les libertés individuelles, le développement humain, la lutte contre la corruption, le Maroc a même régressé, classements internationaux à l’appui. »

Mon contradicteur conclut :

la suite après cette publicité

« Le renouvellement de génération, c’est bien, mais tout dépend de l’objectif qu’on lui assigne. Aussi convient-il de se demander s’il profite à toute la nation, peuple en tête, ou seulement à une minorité, en l’occurrence la classe dirigeante. C’est pourquoi le parallèle dressé par BBY entre le Maroc et la France en matière de changement de génération me paraît très discutable. »

Le débat est donc ouvert. À mes yeux, il est fondamental.

Je vous soumets ci-dessous quelques observations complémentaires. Et vous invite à y participer.

*

Je vous engage tout d’abord à suivre attentivement le renouvellement qui débute en France et que les mois à venir mettront en lumière.

Il est inespéré, sera spectaculaire et, croyez-moi, je suis sûr de ne pas me tromper en lui donnant une grande importance.

Chloroformé, bloqué depuis une trentaine d’années, ce pays – puissance européenne et mondiale – ne croyait plus en lui, avait cessé d’être un exemple.

Les générations de sexagénaires et de septuagénaires qui le dirigeaient étaient arrivées en bout de course. Elles avaient donné ce qu’elles pouvaient donner : un pays ossifié et qui tournait en rond.

Au moment où on en désespérait, la France vient de trouver la voie pour se renouveler, changer de système et, à très court terme, de classe dirigeante.

Son nouveau président est un rénovateur ; la nouvelle génération d’hommes et de femmes dont Emmanuel Macron s’est entouré part avec de grandes chances de refaire de la France un modèle, « un cheval qui saute l’obstacle ».

La sociologue Dominique Schnapper soutient la même thèse : « Une lueur d’espoir vient d’Emmanuel Macron : s’il est fidèle à ce que ses partisans prétendent qu’il est, le leader d’En marche ! pourrait, une fois élu président, être le catalyseur d’une renaissance française. »

*

Y a-t-il un âge optimal pour diriger un pays, y exercer les plus hautes fonctions ? Je ne le pense pas, car on a vu réussir de jeunes présidents, aussi bien que des hommes et des femmes dotés d’une grande et longue expérience.

La réponse la plus juste serait cependant : oui et non.

Quoi qu’il en soit, ceux d’entre nous qui font du « jeunisme » et soutiennent que la jeune génération est supérieure à l’ancienne se trompent autant que ceux qui affirment, à l’inverse, que les personnes les plus âgées ont le monopole du savoir-faire et de la sagesse. Généraliser reviendrait donc à se fourvoyer.

Mais il existe néanmoins des règles et des normes que nous enseignent l’observation et l’Histoire.

• Les hommes et les femmes qui ont accédé au pouvoir suprême dans un pays ou une grande entreprise à l’âge d’environ 50 ans sont les mieux lotis. Ils savent déjà et peuvent encore ; ils ont de l’expérience, sont dans la force de l’âge et ont du temps devant eux.

Le général de Gaulle et après lui François Mitterrand, qui sont devenus présidents alors qu’ils étaient presque septuagénaires, se sont tous les deux plaints d’être arrivés au pouvoir trop tard.

L’un et l’autre, comme d’ailleurs les grands Africains, de Bourguiba à Houphouët, de Senghor à Mandela, ont su s’entourer d’une pléiade de jeunes : ils ont associé les générations, cherché les talents là où ils étaient, sans craindre leurs « dents longues ».

*

• En ce moment, la Tunisie et le Zimbabwe ont pour présidents deux nonagénaires, alors que l’âge moyen de leurs concitoyens est respectivement de 31 ans et de 20,6 ans.

Un tel rapport – de 1 à 3 et de 1 à 4 – est trop important. Conséquence : le grand-père a beaucoup de mal à comprendre la psychologie de ses petits-enfants et à leur faire accepter la sienne1.

Est-ce un hasard si Emmanuel Macron est, de tous les chefs d’État, celui dont l’âge, 39 ans, se rapproche le plus de l’âge moyen de ses concitoyens, qui est de 41 ans ?

1. Âge médian de la population de quelques pays africains (en 2015) : Tunisie 31,2 ; Maroc 28,0 ; Algérie 27,6 ; Afrique du Sud 25,7 ; Égypte : 24,7 ; Nigeria 17,9 ; RD Congo 16,9.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image