Investissement : Depuis Abidjan, le patron de Abax Corporate Services, Richard Arlove, négocie son tournant ouest-africain

Alors que les transactions de Maurice avec l’Inde diminuent, le patron de la société de conseil Abax Corporate Services se réoriente vers le continent. Avec pour porte d’entrée la capitale ivoirienne.

Richard Arlove, directeur général depuis 2001 de la société de conseil et d’affaires Abax Corporate Services © DR

Richard Arlove, directeur général depuis 2001 de la société de conseil et d’affaires Abax Corporate Services © DR

Rémy Darras © Francois Grivelet pour JA

Publié le 7 juin 2017 Lecture : 5 minutes.

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Ce 3 février, sous les lambris de l’hôtel Potocki, siège de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris Île-de-France, souffle un vent d’afro-optimisme. De nombreux chefs d’entreprise, businessmen, avocats et communicants s’affairent, venus participer au Forum Afrique 2017, organisé par le magazine Le Moci et le Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian). Parmi eux, un grand homme à cravate rouge aussi discret qu’affable, entouré de deux associés. Directeur général depuis 2001 de la société de conseil et d’affaires Abax Corporate Services, domiciliée à Maurice, Richard Arlove est venu présenter les activités de son septième bureau, qui a été inauguré en avril à Abidjan.

Une première en Afrique de l’Ouest pour cette société fiduciaire de gestion née en 1992 (sous le nom de BCM Trustees), déjà présente à Nairobi, à Johannesburg, à Singapour, à Londres et à Dubaï. L’entreprise gère aujourd’hui 24 milliards de dollars (environ 22,5 milliards d’euros) d’actifs et emploie 250 personnes.

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Stabilité

Si elle a choisi de s’établir dans la capitale ivoirienne, c’est parce que celle-ci fait figure de porte d’entrée privilégiée des investissements en Afrique de l’Ouest, mais aussi pour ses liens avec l’Europe. « Aujourd’hui, c’est à Abidjan qu’une entreprise qui veut faire du business dans la zone s’implantera d’abord. Ces dernières années, la capitale ivoirienne a en effet démontré qu’elle était parvenue à assurer une grande stabilité politique et économique ainsi qu’une croissance sérieuse associée à la mise en place d’un écosystème qui favorise l’établissement des entreprises.

Pour mieux capter les flux, un client a besoin d’une présence multiple dans des hubs financiers complémentaires qui offrent les meilleures perspectives pour investir et entreprendre », plaide cet expert-comptable de formation. Et Abax ne compte pas s’arrêter là : la société devrait prochainement ouvrir d’autres bureaux, à Accra et à Lagos.

Marié et père de trois enfants, Richard Arlove a fait ses armes au sein du cabinet de conseil américain Pricewaterhouse (aujourd’hui PwC) à Maurice et au Royaume-Uni, au sein duquel il est resté une décennie. Puis il a travaillé dix autres années dans le domaine du marketing de marques, avant de « mixer les deux expériences ».

Fiscalité avantageuse de Maurice

Sa société n’est pas un fonds d’investissement ou un chasseur de deals, précise-t‑il tout de suite, mais plutôt une structure qui fournit des services dans les domaines de la gestion administrative et financière, de l’enregistrement de la propriété intellectuelle, des ressources humaines et des transactions transfrontalières à tout un portefeuille de clients composé de multinationales, de fonds d’investissement, de fonds de private equity et de riches entrepreneurs, dont il taira soigneusement les noms.

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Compte tenu de la fiscalité avantageuse qu’offre Maurice (3 % d’imposition sur le bénéfice) – à laquelle Richard Arlove refuse d’associer les termes de « centre offshore » et de « paradis fiscal » –, son entreprise a jusque-là servi de plateforme à ces acteurs internationaux pour investir en Inde. L’île héberge en effet bon nombre de holdings actifs dans ce pays. « Si une société dont le holding est basé à Maurice fait appel à nos services, nous entrons dans son conseil d’administration, avec pour objectif de toujours chercher le meilleur moyen de valoriser ses actifs », explique-t‑il.

Mais, ces dernières années, l’homme a noté de nombreux changements dans les flux d’investissements internationaux, en majorité américains : près de 50 % de ceux qu’il voit passer se dirigent désormais vers l’Afrique. C’est donc logiquement que son entreprise a pris un tournant stratégique vers le continent.

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Diversification

Un autre aspect a particulièrement motivé l’ouverture du bureau d’Abidjan. Alors que l’accord de non-double imposition établi entre l’Inde et Maurice a pris fin le 31 mars et que l’on constate depuis deux ans une baisse des échanges financiers entre les deux pays, il apparaît urgent pour l’île de diversifier ses affaires. « Tous les partenaires de l’Inde, comme Chypre et Singapour, ont été touchés par la révision de ces accords, mais cela a davantage frappé Maurice, car il y était le principal investisseur, représentant plus de 35 % des investissements directs étrangers. »

« Nous avons amorcé cette stratégie de diversification dès 2007, poursuit-il. Les clients qui investissent en Inde, autrefois majoritaires, constituent maintenant une petite partie de notre portefeuille. » En avril 2016, à Abidjan, lors du forum économique organisé par la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI), Richard Arlove a ainsi suivi de très près le rapprochement entre Port-Louis et le secteur privé ivoirien.

« Nous avons joué un rôle de facilitateur »

Les deux pays ont conclu un accord-cadre incluant la protection réciproque des investissements, une convention fiscale, une harmonisation des politiques économiques financières, ainsi que la création d’un SPV (Special Purpose Vehicle, fonds commun de créance). « Celui-ci donnera des avantages à des acteurs internationaux souhaitant investir en Côte d’Ivoire via la plateforme mauricienne », assure Richard Arlove.

« Nous avons joué un rôle de facilitateur », confirme l’économiste Laurent Chabrut, manager régional pour l’Europe francophone et le Maroc, qui pilote le bureau d’Abidjan. L’accord-cadre se traduira par une règle de non-double imposition, bientôt ratifiée. « Beaucoup de fonds attendent impatiemment la mise en application de ce traité pour investir dans les infrastructures, l’agroalimentaire… Maurice permet de faire plus facilement des décaissements et des levées de fonds. Depuis l’île, on peut investir partout dans le monde, alors qu’en zone Uemoa, la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) ne propose que 40 actions.

Par ailleurs, convertir des francs CFA en dollars occasionne beaucoup de tracas », réagit l’Ivoirien Youssouf Carius, directeur général de Pulsar Partners et client d’Abax, qui dispose de deux véhicules d’investissement actifs en Côte d’Ivoire, mais domiciliés à Maurice. Alors que Yamoussoukro mise sur l’expertise de Port-Louis pour développer le projet pilote du Village des technologies de l’information et de la biotechnologie (Vitib) de Grand-Bassam, Richard Arlove compte orienter les investissements de ses clients vers des secteurs porteurs : la technologie, la finance, les fintechs, l’agriculture, l’énergie, l’immobilier…

Jonglant avec les langues de Molière et de Shakespeare, l’homme vante le bilinguisme et le multiculturalisme de son île. S’il ne détaille pas plus avant les projets dans lesquels il s’engagera, il affirme vouloir faire des atouts de Maurice les cartes maîtresses de la réconciliation de l’Afrique francophone et de l’Afrique anglophone sur le terrain des affaires.

Des zones économiques soutenues par Maurice

Fer de lance des investissements de l’île, le Mauritius Africa Fund (MAF) finance des programmes de développement de zones économiques spéciales sur le continent africain. Outre le Village des technologies de l’information et de la biotechnologie (Vitib), qui s’étend sur 700 hectares dans le nord de Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire, des accords ont été signés avec le Sénégal pour la prise en charge à hauteur de 8,7 millions de dollars de la ville nouvelle de Diamniadio. L’île est également en discussion avec le Ghana pour participer à la construction du parc technologique et logistique de Dawa, situé à 70 kilomètres d’Accra, ainsi qu’avec Madagascar pour l’établissement d’une zone pilote à Fort-Dauphin, dans le sud-est de la Grande Île, orientée vers la logistique, l’industrie, les services financiers et les activités touristiques.

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