Côte Ivoire : pourquoi Jean Kacou Diagou s’allie à Swiss Re

À la surprise générale, le patron ivoirien a ouvert le capital de son holding familial au réassureur helvète. Objectif : financer la croissance de NSIA, son groupe de bancassurance. L’opération pose plusieurs questions.

Avec cette opération, le patron ivoirien permet à sa famille de garder le contrôle du Groupe NSIA. © Ananias LEKI- DAGO pour JA

Avec cette opération, le patron ivoirien permet à sa famille de garder le contrôle du Groupe NSIA. © Ananias LEKI- DAGO pour JA

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 7 juin 2017 Lecture : 4 minutes.

Sorti par la petite porte, Swiss Re revient par la fenêtre. Il y a exactement deux ans, le consortium formé par Banque nationale Canada (BNC) et le capital-investisseur Amethis avait été préféré au géant suisse de la réassurance pour reprendre les parts (26,3 %) d’Emerging Capital Partners (ECP) au capital de NSIA Participations, la maison mère de l’ivoirien Groupe NSIA. L’opération, alors estimée à plus de 100 millions d’euros, avait été accueillie avec enthousiasme par Jean Kacou Diagou, le fondateur et président du leader des assurances en Afrique subsaharienne francophone, qui cherche depuis longtemps à développer son activité bancaire.

Janine Bénédicte Diagou, sa fille, aujourd’hui directrice générale du groupe, nous confiait alors que le projet porté par BNC (20,9 %) et Amethis (5,4 %) s’inscrivait dans la durée et était en « parfaite adhésion » avec les ambitions de son père.

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La surprise a donc été totale au sein de la communauté financière lorsque, le 22 mai, un communiqué publié dans le quotidien ivoirien Fraternité Matin annonçait une prise de participation minoritaire de Swiss Re au capital de Manzi Finances, le holding familial de Jean Kacou Diagou, qui contrôle un peu plus de 60 % de NSIA Participations. L’opération, de 100 millions d’euros, qui était en négociation depuis six mois, suscite une foule de questions.

Que contient le deal ?

Les détails de l’opération n’ont pas été officialisés. Le communiqué diffusé par Manzi Finances est assez laconique. Il indique certes le montant de l’opération (100 millions d’euros), mais ne précise pas la part du capital à laquelle il donne droit. D’après les informations obtenues par Jeune Afrique Business+, Swiss Re, via cet investissement, contrôle désormais un peu moins de 30 % de Manzi Finances. L’objectif, selon la famille Diagou, est de permettre à son holding d’assurer la « pérennité de ses intérêts, parmi lesquels le Groupe NSIA ».

Interrogée par Jeune Afrique, Janine Bénédicte Diagou, la directrice générale adjointe de Manzi Finances, pressentie pour succéder à son père à la tête du groupe explique que Swiss Re a évidemment négocié une clause de sortie, comme c’est toujours le cas dans ce type d’opération. « Mais c’est un partenariat de long terme, prévu pour durer au moins quinze ans », assure-t-elle.

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Pourquoi le suisse n’est pas entré au capital de NSIA Participations ?

C’est la principale question qui taraude la communauté financière. Réponse de Jean Kacou Diagou : « Je ne voulais pas être dilué dans NSIA Participations parce que je souhaite préserver l’identité du groupe. » En faisant entrer Swiss Re dans Manzi Finances (une opération pour laquelle il n’a pas besoin de l’aval de BNC-Amethis), le patron ivoirien permet à sa famille de garder le contrôle du Groupe NSIA tout en ayant un allié financièrement solide pour l’aider à suivre les augmentations de capital nécessaires à l’expansion du groupe dans le domaine bancaire.

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Il faut dire que l’homme d’affaires a face à lui, dans NSIA Participations, un coactionnaire (BNC) pesant plus de 150 milliards de dollars de total de bilan. Depuis l’entrée du consortium BNC-Amethis, seule une modeste augmentation de capital, portant sur un montant de 15 milliards de F CFA (22,9 millions d’euros), a été réalisée à la fin de 2015.

Le consortium BNC-Amethis y avait largement souscrit, diluant légèrement la famille Diagou. Pour les analystes interrogés par Jeune Afrique, l’accord signé entre la famille Diagou et le géant helvète de la réassurance signifie sans doute qu’une opération majeure pour Groupe NSIA est en préparation. Ce que l’on confirme du bout des lèvres à la tête du spécialiste ivoirien de la bancassurance.

Qu’en pensent les partenaires BNC et Amethis ?

Chez NSIA et Swiss Re, on assure que l’opération annoncée le 22 mai a été menée en « bonne intelligence » avec les différents partenaires. Et que les dirigeants du géant suisse et ceux du consortium BNC-Amethis se sont rencontrés en amont de sa conclusion.

Il n’empêche que l’arrivée de Swiss Re aux côtés de la famille Diagou n’est pas forcément une bonne nouvelle pour le groupe bancaire canadien et son partenaire capital-investisseur. Contactés, leurs dirigeants n’ont d’ailleurs pas souhaité commenter cette opération. Et pour cause.

D’après nos informations, des tensions étaient apparues assez vite entre la famille Diagou et BNC-Amethis au sujet du choix du groupe bancaire, dont l’acquisition pourrait permettre à NSIA, qui ne compte que deux filiales bancaires (Côte d’Ivoire et Guinée), d’accélérer sa croissance dans ce domaine. Désormais, avec son nouvel allié, le groupe ivoirien va pouvoir être plus persuasif.

Racheter un groupe bancaire… et vite

Dans l’entretien qu’il nous a accordé à la fin de 2015, Jean Kacou Diagou déclarait au sujet d’Oragroup, détenu par son ancien partenaire ECP : « S’il [ECP] envisageait de céder ses parts dans cette banque, cela pourrait être une belle opportunité », tout en précisant qu’il n’y avait aucun contact avec le capital-investisseur.

Les choses ont-elles évolué depuis ? Rien n’est exclu. Mais, d’après des spécialistes du secteur, le groupe, dirigé par la malienne Binta Touré Ndoye, présent dans douze pays, a pris beaucoup de valeur depuis qu’il a absorbé avec succès le réseau BRS et serait désormais hors de portée des capacités de NSIA (211 milliards de F CFA de chiffre d’affaires).

Reste que les opportunités dans la sous-région sont devenues rares. Parmi celles dont le prix pourrait être abordable, le nigérian Diamond Bank, implanté dans cinq pays d’Afrique de l’Ouest, ou encore le burkinabè Coris Bank.

L’offensive d’un géant

En raison de la stagnation des marchés occidentaux, le géant de Zurich (35,6 milliards dollars de revenus en 2016) s’est tourné vers l’Afrique depuis quelques années. En juillet 2016, soit un an après l’échec de sa tentative de rachat des parts d’ECP dans NSIA, le réassureur suisse a racheté 25 % du nigérian Leadway Assurances.

Deux ans plus tôt, en octobre 2014, c’est dans le groupe d’assurances kényan Apollo Investissements qu’il avait pris une participation minoritaire

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