Stratégie : le Maroc parie sur le modèle islamique
Même si le chantier fiscal a pris du retard, la banque centrale du Maroc a déjà octroyé cinq agréments. Sa référence : la réussite de la Malaisie.
Banques africaines : le tournant de la digitalisation
Menacées sur leur propre terrain par les opérateurs de télécoms, les banques africaines ont entamé une mue numérique depuis trois ans, avec l’aide de nouveaux acteurs pour contourner les difficultés technologiques. Objectif : rationaliser leur fonctionnement et gagner des clients.
«Dans le domaine de la finance islamique, le Maroc a le potentiel pour être la Malaisie du continent africain. » Le constat est de Mohamed Damak, responsable en chef de la finance islamique chez Standard & Poor’s (S&P), qui relève que le royaume a suivi les traces de ce pays d’Asie en instaurant un cadre réglementaire spécifique à cette activité avant de l’autoriser.
Ce n’est qu’en début d’année, soit trois ans après l’adoption d’une nouvelle loi bancaire introduisant la finance islamique (dite participative), que la banque centrale marocaine a fait le grand saut : elle a accordé cinq agréments de banques islamiques et autorisé trois autres établissements conventionnels à commercialiser des produits conformes à la charia.
Dans les starting-blocks, de grands noms du secteur (Qatar International Islamic Bank, Al Baraka Banking Group ou encore la Banque islamique de développement) qui ont établi des partenariats avec les principales banques marocaines. « Deux banques ont déjà accompli toutes les démarches nécessaires. Le déploiement de leur réseau est imminent », nous confie une source au sein de la banque centrale. « Nous allons profiter du mois sacré de ramadan pour lancer les premiers produits », confirme de son côté le responsable d’une nouvelle banque islamique.
Un grand potentiel
Selon plusieurs spécialistes, ces établissements de crédit, labellisés halal, devraient permettre de capter une nouvelle clientèle. Et le potentiel est énorme. Une étude de S&P estime que « la finance islamique au Maroc peut représenter, dans une dizaine d’années, 10 % à 15 % de l’actif bancaire ». Et les perspectives du développement vont au-delà du seul marché domestique.
« La forte implantation des banques marocaines peut permettre une expansion soutenue sur le continent, affirme Mohamed Damak. Au-delà de la commercialisation de produits islamiques auprès des particuliers, leurs filiales peuvent contribuer au montage de sukuks souverains ou corporate pour le financement de grands projets d’infrastructures. »
De tous les instruments qui s’offrent actuellement à l’Afrique pour résorber son déficit de financement, la finance islamique s’impose de plus en plus comme l’un des plus crédibles.
En effet, de tous les instruments qui s’offrent actuellement à l’Afrique pour résorber son déficit de financement, estimé à environ 100 milliards de dollars par an, la finance islamique s’impose de plus en plus comme l’un des plus crédibles. Le continent rattrape timidement son retard pour pouvoir enfin profiter de cette manne de 2 000 milliards de dollars qui se déverse dans l’économie mondiale. Selon un rapport de la Banque islamique de développement, les actifs bancaires de cette industrie en Afrique représentent à peine 1 % de l’actif mondial. Et les opérations de sukuks restent rares.
Mais, avant de pouvoir exporter son modèle, le Maroc doit faire ses preuves en la matière. « Il nous reste encore à régler la question fiscale, nous avons pris du retard sur ce sujet », nous explique notre source à la banque centrale.
Brèches
Les spécialistes de la finance islamique relèvent aussi quelques brèches juridiques dans la réglementation actuelle, notamment sur la manière de gérer les pénalités de retard en cas de défaut de paiement. « Il y a, aussi, la question de l’assurance islamique takaful dont dépend toute la panoplie des produits, ajoute cette source. Vu le retard pris dans ce dossier, nous allons devoir autoriser les banques islamiques à s’appuyer sur les fonds créés dans les pays du Golfe pour gérer ce genre d’assurance, le temps de créer les nôtres. »
Mais l’essor de la finance islamique dépend aussi d’un coup de pouce des pouvoirs publics. L’État étant lui-même le premier intervenant sur le marché de la dette, une émission souveraine de sukuks est attendue pour dynamiser ce nouveau marché de capitaux. « Nous prévoyons de mener une telle opération au cours du troisième trimestre afin justement de donner une impulsion à ce marché », nous confie Mohamed Boussaïd, le ministre des Finances.
Troisième acteur en Tunisie
Depuis fin avril, Wifak Bank, créée en 2015 après la transformation de la société El Wifack Leasing en banque universelle, opère conformément aux dispositions de la finance islamique. C’est la troisième banque à évoluer sur ce créneau en Tunisie après Banque Zitouna et Al Baraka Bank. La finance islamique représente 7 % du marché bancaire tunisien.
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