Gouvernance : le groupe BGFIBank à l’épreuve de la fraude

S’il affiche ses bons résultats, le groupe bancaire BGFIBank doit renforcer ses systèmes de contrôle et de sécurité : sa filiale la plus importante, au Gabon, a été la cible d’une attaque informatique.

BGFIBank (ici à Libreville) a enregistré un bénéfice net en hausse de 31 % en 2016. © Xavier Bourgois pour JA

BGFIBank (ici à Libreville) a enregistré un bénéfice net en hausse de 31 % en 2016. © Xavier Bourgois pour JA

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Publié le 7 juin 2017 Lecture : 4 minutes.

Le groupe Ecobank propose une application mobile qui permet d’accéder à des services classiques jusqu’ici proposés seulement en agence. © sia kambou/AFP
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L’exercice 2016 aurait pu être une année difficile pour BGFIBank. Il n’en a rien été. Alors que sa région de prédilection, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), malmenée depuis deux ans par la chute du prix du pétrole, est plongée dans une profonde crise économique, le groupe financier gabonais a annoncé un bénéfice net en hausse de 31 %, à 39 milliards de F CFA (59,5 millions d’euros). Le total de bilan a quant à lui atteint 2 935 milliards de F CFA, soit une baisse de 1,87 % en un an.

« Toutes les filiales, à l’exception de celles de Madagascar et de São Tomé-et-Príncipe, ont affiché un résultat positif », s’enthousiasme-t-on à la direction générale du groupe. Ajoutant que, si la Guinée équatoriale ou le Congo ont vu leur résultat net reculer durant l’exercice clos le 31 décembre, des pays comme le Cameroun et le Gabon ont bien « performé ». Ce dernier a par exemple vu son bénéfice net progresser de 14 %.

Notre diversification est géographique et, par conséquent, sectorielle, parce que les pays dans lesquels nous sommes implantés ne dépendent pas tous du pétrole

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« Notre diversification est géographique et, par conséquent, sectorielle, parce que les pays dans lesquels nous sommes implantés ne dépendent pas tous du pétrole », poursuit un haut cadre du groupe présent dans onze pays en Afrique de l’Ouest, dont la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Bénin, pour expliquer de façon générale ses bons résultats.

D’après lui, un autre élément est à prendre en compte : le coût de gestion du risque, qui a été moins élevé en 2016 que l’année précédente. En 2015, le groupe a dû faire face à une forte hausse de ses provisions en raison d’une nouvelle réglementation du régulateur du secteur dans la zone Cemac, obligeant les établissements financiers à couvrir désormais 0,5 % des crédits sains. « Pour cette année de démarrage, nous avons dû provisionner un gros montant – près de 48 milliards de F CFA, contre un peu plus de 33 milliards un an plus tôt. Mais, les années suivantes, nous payons le delta, et c’est moins coûteux », explique notre haut cadre.

Point noir au tableau

Il faut cependant mettre un bémol à ce tableau très optimiste. Celui-ci concerne le contrôle et la sécurité. En début d’année, la filiale gabonaise, la plus importante (39 % des actifs du groupe), a ainsi été victime d’une vaste fraude à la carte Visa prépayée menée par des hackers. Montant du préjudice : 1,9 milliard de F CFA.

« Toutes les banques sont exposées à ce type de fraude. Dans notre cas, elle a été très vite circonscrite et n’a eu aucun impact sur nos clients », se défend-on à la direction du groupe, tout en assurant que des mesures ont été prises pour empêcher que ce genre d’incident ne se reproduise, que ce soit au Gabon ou dans d’autres implantations du groupe.

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BGFIBank a en effet eu recours à des consultants extérieurs, comme Airbus CyberSecurity, Oracle ou encore Verizon, pour mettre en place une nouvelle gouvernance du système d’information et renforcer son dispositif sécuritaire. De même, le cabinet EY a été sollicité pour trouver la faille qui a permis aux hackers d’entrer dans les systèmes de la banque et pour sécuriser ces derniers.

Parallèlement, Henri-Claude Oyima, le PDG de BGFIBank, a resserré la vis du côté du management et au niveau de la stratégie au sein de BGFIBank Gabon. Edgard Théophile Anon a d’abord été limogé de son poste d’administrateur directeur général, de même qu’une dizaine de dirigeants de cette filiale. Un conseil d’administration tenu début mars a appelé à une « gouvernance optimisée », avec une nouvelle organisation en trois pôles (opérationnel, support, contrôle) pilotés par un directeur général adjoint, et trois directeurs (audit interne, risques et contrôle permanent, conformité).

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Remotivation

Ensuite, les administrateurs de l’établissement ont appelé les dirigeants de BGFIBank Gabon à un « recentrage sur les métiers fondamentaux du groupe que sont la banque des entreprises et celle des particuliers haut de gamme ». Les activités de la banque de détail en direction des jeunes actifs et des populations sous-­bancarisées, avec le mobile money et les financements spécifiques, doivent ainsi être exclusivement réservées aux filiales Finatra et Loxia, respectivement spécialisées dans les crédits à la consommation et le microcrédit.

Si tant de mesures ont été prises à la suite de la fraude, c’est que cet incident a inévitablement rappelé la crise de 2012-2013, qui avait ébranlé BGFIBank Bénin et provoqué le renvoi d’une vingtaine de cadres, sur fond de ­soupçons de mauvaise gouvernance et de malversations. Mais l’entreprise dirigée par Henri-Claude Oyima assure que tous ces problèmes sont résolus. Et que la direction est désormais dans une phase de remotivation des troupes.

Libreville chapeauté par des intérimaires

À la suite des fraudes à la carte Visa, Edgard Théophile Anon a été suspendu de son mandat de directeur général au sein de BGFI­Gabon. L’intérim est assuré par Emmanuel Berre et Marie-Ange Ndoungou, en attendant la nomination de son successeur, en juin ou en juillet.

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