Donald Trump, le calife

Le 20 mai dernier, vous avez vu comme moi les images du président américain flanqué de son épouse et de sa fille en train de fouler la terre du Prophète — en principe interdite aux non-musulmans.

Donald Trump lors de sa visite en Arabie saoudite, le 21 mai 2017. © Evan Vucci/AP/SIPA

Donald Trump lors de sa visite en Arabie saoudite, le 21 mai 2017. © Evan Vucci/AP/SIPA

Fawzia Zouria

Publié le 2 juin 2017 Lecture : 3 minutes.

Vous avez vu Melania et Ivanka, cheveux au vent — alors que toute musulmane surprise sans voile aurait été fouettée sur place. Vous avez vu Donald Trump à l’inauguration du Centre international pour la lutte contre l’idéologie extrémiste — et vous avez dû penser : c’est comme inaugurer un pavillon écologique dans une centrale nucléaire. Vous avez constaté le faste avec lequel fut reçue sa famille. Le tapis rouge, les insignes honneurs, les bijoux incrustés de diamants, sans compter la trentaine de chefs d’État arabo-musulmans venus ramper devant sa seigneurie d’Amérique. C’est à se demander si l’on n’est pas revenu au système d’allégeance de jadis, lorsque, à Bagdad, les chefs des différents émirats venaient assurer de leur loyauté le califat central.

110 milliards de contrats militaires immédiats

En plus du faste, il y eut le montant, faramineux, des transactions immédiates ou à venir accordées au calife Trump. Pas moins de 380 milliards de dollars (339 milliards d’euros) sur les dix prochaines années, dont 110 milliards de contrats militaires immédiats. À elle seule, Ivanka Trump s’est vu doter d’un trousseau à rendre jalouses les filles de la terre entière : 100 millions de dollars (89 millions d’euros) au profit de sa World Bank’s Women Entrepreneurs Fund, censée aider les femmes créatrices d’entreprise dont elle a plaidé la cause devant de richissimes Saoudiennes. On croit rêver : des princesses du Golfe fournissant de quoi émanciper les femmes du monde pendant qu’elles-mêmes croupissent dans les harems !

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Moi, je ne vous le cache pas : c’est le chèque de 380 milliards de dollars qui m’intéresse. Comme il intéresse tous mes semblables de l’ex-Tiers Monde, les pauvres et les miséreux, les mères célibataires qui errent dans les rues, les poètes qui végètent, les vieux Somaliens aux yeux mangés par le trachome, les bébés soudanais qui n’ont plus que la peau sur les os, les chômeurs tunisiens acculés à mettre en péril la stabilité de leur pays. Un chèque qui fait justement plus de vingt-cinq fois le budget de l’État tunisien !

L’argent de nos pèlerins sert à radicaliser nos jeunes ou à les faire massacrer

Contre ce chèque, la tribu américaine protégera la tribu des Saoud. Elle lui fournira les armes nécessaires. Lesquelles serviront à tuer d’autres Arabes et musulmans, Yéménites, Syriens et autres chiites. C’est en tout cas ce que disent, indignés, les internautes musulmans qui appellent à boycotter le pèlerinage de La Mecque : « L’argent de nos pèlerins sert à radicaliser nos jeunes ou à les faire massacrer. » Encore faut-il convaincre le croyant lambda de renoncer au rituel du hajj. Il se fiche de la moralité des maîtres des lieux saints et se ruinerait pour se recueillir sur la terre où le ciel lui fut promis. Donald, t’as encore de beaux contrats devant toi…

« Je serai toujours du côté d’Israël »

Le 22 mai. Autres images. Trump est reçu par le Premier ministre israélien et sa femme, et cela suffit à changer l’atmosphère. Mme Trump a troqué sa robe noire de nonne contre une robe d’une blancheur éclatante. Elle semble soulagée. On devine ce qu’elle pense : « Au moins de ce côté-ci, la mixité prévaut… »

À l’aise, Trump se hâte vers le Mur des lamentations — en Arabie, personne n’aurait osé lui demander de se pencher sur la Kaaba, exercice aussi haram que la mixité. Le président américain met la calotte sans se faire prier. Il n’a pas reçu de chèque et n’a rien vendu. Et pourtant il fait cette déclaration qui vaut son pesant en or : « Je serai toujours du côté d’Israël. » Comme quoi, on ne s’achète pas une réputation avec de l’argent. Tout est dans la manière de se faire respecter. En commençant par respecter la dignité des siens. 

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