Bachir Derrais : « Il faut libérer le cinéma algérien »

Ce réalisateur et producteur dénonce l’ingérence de l’État dans le septième art et déplore la fermeture de nombreuses salles. Pour relancer le secteur, il prône sa refonte totale.

Sur le tournage du film Ben M’hidi. © Facebook

Sur le tournage du film Ben M’hidi. © Facebook

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Publié le 13 juin 2017 Lecture : 2 minutes.

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Réinventer l’Algérie

Tarissement de la manne pétrolière, crise financière, désenchantement, lourdeurs administratives… La liste des difficultés qui empêchent le pays d’exploiter tout son potentiel est longue. Pourtant, les idées ne manquent pas. Tour d’horizon de ces solutions qui pourraient le faire redécoller.

Sommaire

Réalisateur, producteur et scénariste, Bachir Derrais est nostalgique de cet âge d’or du cinéma algérien qui a vu Mohammed Lakhdar-Hamina décrocher la Palme d’or à Cannes en 1975 pour Chronique des années de braises. Alors que son film Ben M’hidi sortira à l’automne 2017, il espère voir le cinéma algérien renaître de ses cendres. Et nous livre ses idées sur les réformes à engager.

Jeune Afrique : Quel est l’état actuel du cinéma algérien ?

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Bachir Derrais : Depuis quelques années, il est devenu un cinéma de commande étatique. Des fonctionnaires dans différents ministères se retrouvent à s’occuper de la production, métier dont ils n’ont ni les connaissances ni la maîtrise. Les films, ainsi lourdement financés et supportés par l’État, ne sont même pas projetés car il n’y a plus de salles.

Il faut libérer le cinéma algérien

À l’indépendance, en 1962, nous en avions 300. Aujourd’hui, elles sont toutes fermées. De plus, on se retrouve avec des quantités énormes de films qui ne répondent pas aux normes internationales. Seuls les longs-métrages algériens coproduits en majorité avec des Européens et gérés par les producteurs français arrivent à s’imposer dans les grands festivals et à sortir dans les salles à l’étranger. Il faut libérer le cinéma algérien.

Comment accéder à un nouvel âge d’or, comme celui des années 1970 ?

La production de films destinés à une vraie programmation en salle, à l’exportation et aux festivals internationaux demande une économie stricte et des moyens techniques précis. Un film qui ne serait pas fait dans les normes serait condamné à être privé de sortie nationale et de diffusion internationale et risquerait de ne plus être accepté dans les grands festivals faute d’une qualité technique satisfaisante.

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Quels sont les investissements à réaliser en priorité ?

Il faut d’abord réformer la loi actuelle, car elle ne facilite pas les investissements. Trop de lourdeurs bureaucratiques font fuir ceux qui souhaitent mettre de l’argent dans ce secteur. L’État contrôle l’industrie cinématographique, l’importation et la distribution des films. Il finance ceux-ci comme il subventionne la santé ou l’éducation. Nous sommes encore dans l’ère du régime socialiste. Mais le monde a changé.

Tourner une grosse production dans le Sud algérien nécessite des infrastructures, or nous ne les avons pas

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Pour que le cinéma devienne un business et un spectacle, il est nécessaire de construire des multiplexes, d’alléger les taxes et de dépoussiérer la réglementation. Il faut aussi investir dans le tourisme pour accueillir les professionnels du secteur. Tourner une grosse production dans le Sud algérien, comme on le fait par exemple à Ouarzazate, au Maroc, nécessite des infrastructures pour loger les équipes. Or nous ne les avons pas.

Dans les années 1970 et 1980, nous étions en avance sur nos voisins du Maghreb, qui faisaient appel aux techniciens algériens. À cette époque, le pays possédait également des écoles et des instituts de formation. Tous les réalisateurs, acteurs et techniciens y ont été formés. Ils ont presque tous disparu. La réhabilitation du cinéma, qui est le reflet du pays, passe aussi par l’ouverture de ces lieux de formation et par la fin du recours au secteur informel.

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