États-Unis – Arabie Saoudite : « Qui se ressemble s’assemble… »
Que s’est-il réellement passé entre Donald Trump et ses hôtes saoudiens ?
Ils l’ont reçu dans leur capitale, Riyad, les 20 et 21 mai, et lui ont acheté pour 380 milliards de dollars de divers produits américains, dont 110 milliards d’armes modernes. Les deux parties se sont liées à long terme car cette commande faramineuse s’étalera sur dix ans. Je suis sûr qu’il vous intéresse d’avoir une évaluation sérieuse des échanges entre Trump et les dirigeants saoudiens. Voici la mienne.
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1) Donald Trump a repris son métier de V.R.P. et a conclu, le 21 mai, pour les États-Unis, « le contrat du siècle » : plusieurs ventes, s’échelonnant sur une décennie et dont le montant est mille fois plus important que tous les contrats qu’il a pu conclure dans le passé comme agent immobilier.
Ce méga-deal restera dans les annales des transactions internationales, car son montant est sans précédent et sans équivalent.
Trump voulait redresser la balance commerciale des États-Unis, donner du travail aux industriels et aux ouvriers américains. Il a été servi et s’en est félicité en s’écriant : « Jobs, jobs, jobs »… Cette moisson de contrats comble les industries d’armement, et l’on célèbre en Amérique « le plus gros contrat de l’Histoire ».
Les engagements seront-ils tous honorés ? Non, bien sûr. N’y a-t-il pas un effet d’annonce ? Certainement, mais, en ce 21 mai 2017, la mise en scène a été particulièrement soignée.
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Les États-Unis ne seront pas seuls à profiter de cette pluie de dollars (380 milliards de dollars sur dix ans et donc 38 milliards en moyenne par an), car les dirigeants saoudiens ont pour vieille habitude de prélever leur dîme, et la famille Trump étant toujours dans les affaires, soyez assuré que les uns et les autres ramasseront de grosses miettes.
Ils seront en bonne compagnie ! Je lis, en effet, dans le New York Times : « M. Stephen A. Schwarzman, président de Blackstone Group, conseiller de Trump et du prince Mohammed Ibn Salman, fils du roi d’Arabie saoudite, était à Riyad en même temps que le président des États-Unis et serait l’un des principaux bénéficiaires des accords signés. »
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2) L’Arabie saoudite subit depuis la mi-2014 une chute spectaculaire des cours de sa principale source de revenus : les hydrocarbures, dont le prix a été réduit de moitié.
Son budget accuse un déficit colossal de 80 milliards de dollars par an, soit plus de 200 millions de dollars par jour, et ses réserves de change fondent comme neige au soleil 1. En signant avec les États-Unis et Donald Trump, les dirigeants saoudiens ont donc cassé leur (grosse) tirelire.
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Pourquoi sont-ils allés à cette extrémité ? Pour donner à Trump ce qu’il voulait le plus au monde et obtenir de lui ce qui leur importait par-dessus tout : la consolidation de leur alliance avec les États-Unis, le renforcement de la protection que leur accordent ces derniers depuis plus de soixante-dix ans (et qu’ils ont craint de perdre avec Barack Obama).
Et, last but not least, ils ont « acheté » l’Amérique et son actuel président, les embrigadant – pour dix ans – dans leur guerre contre l’Iran.
Juste après la signature des contrats, le flibustier Trump a déclaré que l’Iran était « le responsable de l’instabilité et du terrorisme dans la région, et qu’il convenait de le refouler » ! Il « renvoyait l’ascenseur », engageait la première puissance mondiale dans l’aventure d’un nouvel affrontement.
Au moment où l’Iran réélit un homme et une équipe qui veulent l’entente et la coopération avec le reste du monde, Trump replace ce pays dans « l’axe du mal ». Ses alliés dans cette nouvelle équipée ont pour nom l’Arabie saoudite et l’Israël de Netanyahou.
Qui se ressemble s’assemble !
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Homme de droite, Donald Trump a choisi de faire affaire avec les dirigeants du plus intégriste des pays musulmans. Et leur a enjoint de s’entendre avec la droite israélienne et son chef, Benyamin Netanyahou.
Les Saoudiens, eux, ont tenu à montrer à leur partenaire Donald Trump et à sa délégation qu’ils bénéficient de l’assentiment de leurs homologues (sunnites) des pays musulmans, que leur influence va même au-delà.
Les 20 et 21 mai, il suffisait aux Américains de regarder autour d’eux pour voir cinquante chefs d’État de pays musulmans : conviés à la hâte par les Saoudiens, ils ont fait « le voyage de La Mecque » pour écouter Donald Trump se dédire sans vergogne et dire que « l’islam est l’une des grandes religions du monde ».
Bien en vue au premier rang de ce parterre, le maréchal Abdel Fattah al-Sissi, président de l’Égypte : par nécessité, sans doute, il s’est placé dans l’orbite mondiale des Américains et dans celle, régionale, des Saoudiens.
Pour contrôler le Moyen-Orient, Donald Trump a donc formé sa coalition : États-Unis, Arabie saoudite, Israël, Égypte. Ces quatre pays sont dirigés par des formations de droite ou d’extrême droite qui se ressemblent : ils disposent ensemble d’une formidable puissance.
Leur faiblesse ? La raison principale de leur échec programmé ? Ils ne s’inscrivent pas dans le sens de l’Histoire.
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1. À titre de comparaison, le budget 2017 de la Côte d’Ivoire est de 11 milliards de dollars. Ceux de la Tunisie et du Maroc sont respectivement de 12,4 et de 18,7 milliards de dollars. Le budget militaire de la France est de 44 milliards de dollars ; celui de l’Algérie de 10 milliards.
Comparaisons
- Le déficit budgétaire américain s’est élevé, en 2016, à 810 milliards de dollars, soit 2,22 milliards par jour. Le budget annuel de la Tunisie représente moins de six jours de ce déficit, celui du Maroc moins de quatorze jours et celui de la Côte d’Ivoire moins de quatre jours !
- 38 milliards de dollars par an, c’est 90 % du PIB de la Tunisie, 11 % du PIB de l’Égypte, 52 % de celui de l’Éthiopie, 37 % du Maroc et 107 % de la Côte d’Ivoire.
- 38 milliards de dollars, c’est le coût d’investissement pour 60 000 lits d’hôpital !
- 38 milliards de dollars, c’est 76 % du budget militaire de la France, 160 % de celui de l’Italie et 527 % de celui de l’Espagne…
- 380 milliards de dollars, c’est aussi 24 % du PIB de l’Afrique (2016)
En affectant autant d’argent à ce méga-contrat, l’Arabie saoudite a acheté l’alliance contre l’Iran, peut-être aussi l’immunité dans les procès évoqués à propos des attentats de 2001.
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