Arts plastiques : Al Qassemi, le sultan du Tweet

Noble, collectionneur et éditorialiste engagé, l’émirati Al Qassemi dirige la Fondation Barjeel, dont certaines pièces sont actuellement exposées à l’Institut du monde arabe.

Son audace véhicule une image moderne 
de son pays. © Warren Little/Getty Images

Son audace véhicule une image moderne de son pays. © Warren Little/Getty Images

CRETOIS Jules

Publié le 15 juin 2017 Lecture : 3 minutes.

Défenseur de la liberté d’expression, l’homme détonne dans le paysage médiatique des Émirats arabes unis. « Une exposition à l’Institut du monde arabe [IMA], il en avait envie depuis la création de la Barjeel Art Foundation, en 2010 », glisse-t-on du côté de l’IMA, à Paris, à propos de Sultan Sooud Al Qassemi, patron de la Fondation Barjeel, qui a prêté des pièces pour l’exposition « 100 chefs-d’œuvre de l’art moderne et contemporain arabe » (jusqu’au 2 juillet 2017).

L’un des meilleurs fils Twitter

Cet Émirati, né à Chardja en 1978, est connu en France pour ses activités de collectionneur. Lui se présente bien volontiers comme éditorialiste, un terme souvent utilisé à son sujet dans le monde anglo-saxon, alors que, dans le monde arabe, il est considéré la plupart du temps comme blogueur. Al Qassemi est un touche-à-tout jovial et ultra-connecté, tantôt en dishdasha, un keffieh serré par un agal traditionnel sur la tête, tantôt en costume et chemise à pois.

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Sa biographie autorisée cite son compte Twitter : le magazine Time l’a classé dans les 140 meilleurs fils Twitter pour 2011. Cette année-là, il était devenu une référence en publiant des nouvelles de toute la région, en pleine ébullition. Lors de ses voyages, il rencontre d’autres blogueurs arabes, « des gens parfois en exil ou qui sortent de prison », précise-t-il.

De tweets en conférences, Al Qassemi rejette les divisions entre nations et obédiences religieuses

Al Qassemi appartient pourtant à la famille royale qui règne sur deux émirats, Chardja et Ras al‑Khayma. « Mais il n’est qu’un cousin éloigné, cela ne signifie pas tant en vérité », éclaire une personne qui l’a rencontré à plusieurs reprises. Et d’ajouter : « Par ailleurs, son audace véhicule aussi une image moderne et positive de son pays comme de sa culture. »

De tweets en conférences, Al Qassemi rejette les divisions entre nations et obédiences religieuses. « On ne peut pas citer Amnesty International quand l’ONG critique la Syrie et l’Iran puis la dénoncer quand elle critique les nations du Golfe », assume-t‑il en ligne. Un discours audacieux. « Je ne sais pas si le terme militant lui convient, mais la liberté d’expression est quelque chose qui devrait aller de soi, selon lui », dit Omar Berrada, éditeur et militant culturel qui vit entre le Maroc et les États-Unis. Al Qassemi, lui, se dit « réformiste ». Partisan d’une démocratisation endogène, il affirme : « Je ne vois pas pourquoi je devrais me conformer à la définition occidentale du libéralisme. »

« Il achète ce qui le touche »

Son activité dans l’art reflète cet état d’esprit. La collection arabe de Barjeel, qu’il finance personnellement, est composée de centaines d’œuvres engagées ou politiques. Des œuvres qui « interrogent le public et offrent une vision différente de celle que proposent les gouvernements de la région ». Et qu’il n’hésite pas à présenter, aux Émirats mêmes.

Al Qassemi est appelé aujourd’hui à donner des séminaires dans des universités occidentales et anime une petite émission sur Al-Jazira

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Comme lors de l’exposition « Strike Oppose », en 2011, où les spectateurs pouvaient par exemple contempler Demoncracy, œuvre parlante et toute en néons de l’Algérien Kader Attia. « Il achète ce qui le touche, ce qu’il considère porteur d’un message », assure Hicham Daoudi, qui dirige la principale salle de vente et d’enchères d’art du Maroc, la CMOOA. Berrada précise en outre : « Il mène un vrai travail de documentation et de vulgarisation. »

Al Qassemi est appelé aujourd’hui à donner des séminaires dans des universités occidentales et anime une petite émission sur Al-Jazira, où il commente une œuvre de manière hebdomadaire. Pudique, Al Qassemi rechigne à nommer un artiste favori, mais cite des œuvres de Marwan Kassab Bachi, un Syrien récemment décédé. « Si vous lui demandez de parler de Marwan, ses yeux pourraient bien s’embuer », prévient Daoudi, pour illustrer la sincérité de l’Émirati.

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