Emploi : les Tunisiens, recrues de choix pour l’Algérie

Ils sont de plus en plus nombreux à partir travailler de l’autre côté de la frontière. Si Alger est également confronté au chômage, autorités et employeurs apprécient les profils spécialisés du pays voisin.

L’Algérie attire les travailleurs tunisien et réciproquement. © CC0 Public Domain

L’Algérie attire les travailleurs tunisien et réciproquement. © CC0 Public Domain

Publié le 22 juin 2017 Lecture : 3 minutes.

Aux yeux des travailleurs tunisiens, l’attractivité de l’Algérie grandit. Ils sont de plus en plus nombreux à passer la frontière pour y trouver un emploi. Une tendance amorcée en 2014, au moment de la réactivation de la convention de libre circulation entre les deux pays. Signée en 1960, mais suspendue de manière officieuse par le régime de Ben Ali durant la décennie noire des années 1990, celle-ci permet à nouveau officiellement aux Tunisiens de travailler en Algérie, ou d’y installer des entreprises, sans tracasseries administratives, et inversement pour les Algériens en Tunisie.

Les tunisiens préféraient la Libye, le Moyen-Orient et l’Union européenne

« Malgré une proximité culturelle, des similitudes de mode de vie, l’Algérie n’était initialement pas la première destination des Tunisiens à l’étranger en ce qui concerne l’emploi. Ces derniers préféraient la Libye, le Moyen-Orient et l’Union européenne, rappelle Sarra Hanafi, juriste consultante pour le Bureau international du travail (BIT) à Tunis. Mais la conjoncture géopolitique régionale, les effets de la crise économique en Europe et la chute des cours du pétrole ont rendu difficile la migration économique vers ces zones, et changé la donne. » À cause du conflit libyen, qui perdure depuis 2011, l’embauche de la main-d’œuvre tunisienne à Tripoli s’est tarie. Et celle-ci est revenue au pays grossir les rangs des quelque 350 000 chômeurs.

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Profils spécialisés

« La Libye avait besoin d’ouvriers, tandis que l’Algérie recrute des profils spécialisés », précise toutefois Jamel, un ingénieur tunisien en électromécanique qui accomplit régulièrement des missions auprès d’entreprises de l’Ouest algérien. Des compétences spécialisées, son pays n’en manque justement pas. Dans le secteur du tourisme notamment : ses cadres étaient jusqu’ici recherchés par les cabinets de recrutements du Moyen-Orient.

Or le gouvernement algérien a annoncé, fin avril 2017, la construction de 450 unités hôtelières et thermales, dont 100 seront réceptionnées en 2017 ; une aubaine pour les Tunisiens du secteur de l’hôtellerie en quête d’emploi.

Formation

Alger compte sur ces recrues étrangères pour former leurs homologues algériens, dans ce secteur comme dans d’autres. « Il y a en ce moment même 200 techniciens tunisiens qui travaillent dans le cinéma et l’audiovisuel dans notre pays », affirme Hisham Ben Khamsa, qui opère dans ce domaine. Une centaine d’entreprises tunisiennes se sont installées de l’autre côté de la frontière, en partenariat avec un investisseur algérien, qui détient 51 % des parts. Elles évoluent dans le tourisme, mais aussi dans la distribution (lire ci-dessous), l’industrie automobile, l’ingénierie, les nouvelles technologies et l’habillement.

Les Tunisiens disposent d’atouts majeurs, d’autant qu’ils acceptent des salaires moins élevés que d’autres cadres étrangers, moyen-orientaux ou européens

« L’Algérie est elle aussi confrontée à un chômage endémique mais ces créneaux spécialisés ne trouvent pas preneurs et restent porteurs, affirme Sarra Hanafi. Son modèle économique, en pleine mutation, vise à réduire ses importations et à augmenter la production locale et, dans ce contexte, les Tunisiens disposent d’atouts majeurs, d’autant qu’ils acceptent des salaires moins élevés que d’autres cadres étrangers, moyen-orientaux ou européens. »

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Un filon exploité par carrefour

Le géant français de la grande distribution Carrefour avait dû quitter l’Algérie en 2009 après un différend stratégique avec son partenaire Arcofina. Il y est revenu en juin 2015, en s’appuyant sur le tunisien Ulysse Trading & Industrial Companies (Utic). Piloté par Nabil Chaïbi, ce groupe familial gère déjà à domicile quelque 80 supermarchés de l’enseigne. Utic a en effet créé avec la Société algéro-saoudienne d’investissement (Asicom) la coentreprise Hyper Distribution Algérie (HDA), qui exploite l’enseigne Carrefour en Algérie. Pour le moment, HDA, dont tous les cadres ont suivi une formation en Tunisie, n’a ouvert qu’un seul hypermarché Carrefour, à Alger, dans le quartier des Bananiers. Mais il prépare une seconde implantation à Bordj Bou Arreridj et d’autres pourraient suivre à Sétif et à Oran.

Christophe Le Bec

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