Sénégal – Tourisme : Aimé Sène accélère sa diversification dans l’hôtellerie
Après s’être imposé sur le marché sénégalais de la location de voitures sous la franchise de l’américain Hertz, l’entrepreneur lance sa propre marque d’établissements de moyenne gamme.
Le patron de Groupe Aimé-Sène (GAS) est un homme au contact facile. Lorsqu’il reçoit Jeune Afrique dans son bureau perché au 5e étage de l’hôtel Fleur de Lys, situé en plein cœur du Plateau dakarois et dont il est le propriétaire, il se montre volontiers blagueur. Mais ce grand admirateur du poète-président Senghor est aussi l’un des patrons les plus influents du Sénégal.
À l’invitation du président Macky Sall, il vient d’ailleurs de participer à Bruxelles, avec une poignée de patrons locaux, à une rencontre Doing Business de haut niveau organisée par l’Agence sénégalaise de promotion des investissements et grands travaux (Apix) sur les perspectives d’investissement au Sénégal.
« Je suis un pur produit de la franchise », clame fièrement l’entrepreneur. Aimé Sène a en effet bâti son groupe et sa fortune grâce à ce système inventé aux États-Unis et qu’il a été le premier Africain à adopter en Afrique de l’Ouest.
Le directeur de la franchise avait tellement confiance en moi qu’il m’a littéralement porté dans cette affaire
« Pour qu’on me donne le droit [d’exploiter l’enseigne américaine Hertz via sa société de location de voitures Transacauto], il a fallu une grande réunion à Paris, car c’était une première, se souvient-il. J’ai subi un “examen de passage”, mais le directeur de la franchise avait tellement confiance en moi qu’il m’a littéralement porté dans cette affaire. »
La suite donne raison à ce dernier : lors de son rachat en 1990, l’affaire tenait dans un hangar de type colonial dans le quartier du Plateau dakarois, avec ses dix collaborateurs et ses quarante véhicules. Aujourd’hui, Hertz Sénégal travaille avec une centaine de chauffeurs journaliers, une flotte de plus de 300 voitures et bus touristiques, 60 collaborateurs permanents.
Même si l’activité de location a un peu ralenti à cause de la baisse du tourisme depuis une dizaine d’années, elle demeure le vaisseau amiral de GAS (10 milliards de F CFA, soit 15 millions d’euros, de chiffre d’affaires en 2016), constitué de six sociétés actives sur la chaîne de valeurs touristique (location de voitures, agence de voyages, campement de vacances, hôtels d’affaires), dans l’immobilier et les médias.
Franchise Fleur de Lys
Si la diversification d’Aimé Sène dans l’hôtellerie a commencé il y a près d’une décennie, elle vient de s’accélérer considérablement. Il est en effet en train de construire son troisième établissement étoilé à Dakar, dans le quartier résidentiel du Point E, pour un coût global estimé à 11 milliards de F CFA. Le nouvel édifice viendra compléter la chaîne Fleur de Lys, qui comprend déjà deux hôtels – l’un ouvert en 2010 dans la zone très chic des Almadies et l’autre en 2015 au Plateau – et offre aujourd’hui une capacité de plus de 120 chambres (suites comprises).
« Nous proposons un nouveau concept hôtelier avec une architecture monobloc où tout est à portée. Restaurant-terrasse et piscine surplombent la ville. Le tout avec une offre de services conforme aux meilleurs standards internationaux, sans oublier des salles de réunion et de séminaires », explique-t-il non sans une pointe de fierté dans le regard.
On peut mesurer le dynamisme d’un pays par le nombre de ses franchisés.
Pour la gestion de ces établissements, il a créé la franchise Fleur de Lys et l’a déposée auprès de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (Oapi). « La franchise appartient à la Bourse de l’immobilier, une société de patrimoine propriétaire des bâtiments de l’hôtel Fleur de Lys. Et je la vends même à mes propres structures », explique-t-il, assurant que la recette fait déjà ses preuves.
Fondateur et président de la Fédération des entreprises de franchise au Sénégal, Aimé Sène veut créer une organisation sur le continent, où le concept est surtout développé en Afrique du Sud, au Maroc, en Tunisie et au Sénégal.
« Il est essentiel que les Africains s’emparent de cet important outil de développement économique, assure-t-il. On peut d’ailleurs mesurer le dynamisme d’un pays par le nombre de ses franchisés. »
Success-story à l’américaine
L’itinéraire de ce fervent catholique présent tous les jours à la messe de 7 heures du matin et président de l’Union des patrons chrétiens du Sénégal est semblable à une success-story à l’américaine.
En 1973, il entre comme « planton » à Pierre Auto, devenu ensuite Sénégal Auto, l’une des pionnières de la vente de véhicules à Dakar. À l’époque, il enfourche son vélo et sillonne les artères de la capitale pour distribuer le courrier.
Mais son patron remarque rapidement son intelligence et lui propose un poste au sein de l’équipe administrative et commerciale, avant d’en faire quelques années plus tard son adjoint.
Sens prononcé des affaires
Le secret de cette ascension ? Son sens prononcé des affaires. « Au lendemain du choc pétrolier de 1973, les véhicules ne se vendaient plus, et l’entreprise traversait une situation difficile. J’ai alors conseillé au patron de nous lancer dans la location, se souvient-il. Le succès a été au rendez-vous, et l’entreprise a sorti progressivement la tête de l’eau. Elle s’est constitué une grosse flotte et la location de véhicules est devenue notre principale activité. »
Autre exemple : pendant l’été 1977, il prend ses vacances et se rend en France, emportant dans ses valises des tarifs de location de voitures de la société. Il les dépose à l’ambassade du Sénégal à Paris et dans les offices de tourisme. Avant même la fin de ses vacances, les touristes appellent depuis Paris pour des réservations.
En 1990, il quitte Sénégal Auto, a vent de la cession de Transacauto et le rachète pour un peu plus de 300 millions de F CFA. Trente ans plus tard, il en a fait le leader sénégalais de la location de courte durée de véhicules légers.
Ambition régionale
Avec bientôt trois établissements hôteliers dans son pays, le prochain objectif de ce grand amateur de golf est « d’exporter le savoir-faire du groupe et son nouveau concept hôtelier en Côte d’Ivoire, au Mali ou en Guinée ». Selon ses propres dires, il s’apprêtait à acquérir un terrain à Abidjan, mais il a été échaudé par la récente grogne des militaires
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