Libye : mais où est donc passé Seïf el-Islam Kadhafi ?

Selon les autorités de Zintan, qui le détenaient depuis le 19 novembre 2011, Seïf el-Islam, le fils de Kadhafi a été libéré le 10 juin. Mais nul ne sait où il se trouve.

À Tripoli, en 2011. © IMED LAMLOUM/AFP

À Tripoli, en 2011. © IMED LAMLOUM/AFP

MATHIEU-GALTIER_2024 CRETOIS Jules

Publié le 21 juin 2017 Lecture : 3 minutes.

Ajmi el-Atri, chef du bataillon Abou Bakr el-Siddiq, a annoncé, le 11 juin, que Seïf el-Islam, 45 ans, était libre depuis la veille et qu’il avait quitté Zintan, dans le nord-ouest du pays. La nouvelle a été confirmée par la municipalité et par le conseil militaire de la ville. Mais ce n’est pas la première annonce du genre.

En juillet 2016 et en mars 2017, l’avocat britannique de Seïf el-Islam avait déjà affirmé que son client était libre. L’information ressort régulièrement depuis que le Parlement de Tobrouk a voté, en juillet 2015, une loi amnistiant les dirigeants de l’ancien régime, mais Seïf el-Islam n’avait, jusqu’ici, jamais quitté Zintan, où il bénéficiait de conditions de détention VIP, avec villa et connexion internet.

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Un homme en danger

Se trouve-t-il encore en Libye aujourd’hui ? Sans doute, mais dans quelle région ? Hors de question pour lui d’aller à Tripoli, où un tribunal l’a condamné à mort par contumace en juillet 2015.

« Il reste un homme en danger, à abattre ou à capturer pour plusieurs milices », rappelle Mattia Toaldo, qui suit le pays pour le Conseil européen des relations internationales (ECFR). Il pourrait se rendre à El-Beïda, la région d’origine de sa mère, dans l’Est. Mais cela reviendrait à se mettre implicitement sous la protection de Khalifa Haftar, homme fort de la Cyrénaïque, et donc à reconnaître sa légitimité.

Selon plusieurs observateurs, il n’est pas certain que Haftar veuille partager le pouvoir avec un autre homme fort

« Il n’est pas à l’Est, assure un dirigeant du Conseil suprême des tribus qui prône un retour de la Jamahiriya et qui s’est choisi Seïf el-Islam comme chef. Haftar est un traître [sous Kadhafi, l’ancien général avait fait défection après sa capture au Tchad, à la fin des années 1980]. »

Et, selon plusieurs observateurs, il n’est pas certain que Haftar veuille partager le pouvoir avec un autre homme fort… Reste le Fezzan, dans le Sud, où Ali Kana – qui dirigea les forces kadhafistes pendant la révolution – a mis sur pied une petite armée affiliée au Conseil suprême des tribus, ou Oubari, ville de l’Ouest où les chefs tribaux ont longtemps été des fidèles de Mouammar Kadhafi.

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Il semble peu probable que Seïf el-Islam ait pu se rendre à l’étranger. En effet, l’annonce de sa libération a été prise au sérieux par la Cour pénale internationale (CPI), qui précise dans un communiqué émis le 14 juin que « le mandat d’arrêt délivré […] contre M. Kadhafi le 27 juin 2011 pour les crimes contre l’humanité d’assassinat et de persécution […] reste valable ».

Difficile alors d’imaginer qu’un pays accepte d’accueillir Seïf el-Islam.

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« Sauveur de la nation »

Pour Tahar Dahech, ex-responsable des comités révolutionnaires internationaux, aujourd’hui membre du Conseil suprême des tribus, Seïf el-Islam est le « sauveur de la nation ». Il serait le seul à pouvoir dépasser les clivages idéologiques, tribaux et régionaux qui fragmentent le pays.

Il aurait même gardé, malgré ses années de détention, des contacts étroits avec les islamistes de l’ex-Groupe islamique combattant en Libye (GICL), dont il avait organisé la libération en 2008.

Les chancelleries aussi semblent avoir rouvert les discussions avec celui qui était perçu comme le successeur naturel de Kadhafi. « C’est un nouvel acteur dans le puzzle libyen », admet un diplomate occidental, qui ne conçoit pourtant qu’un « rôle de l’ombre » pour le deuxième fils du « Frère guide ».

Il se chuchote que Kadhafi attendrait la fin du ramadan pour émettre une déclaration en bonne et due forme

Le 7 juin, Brigitte Curmi, l’ambassadrice française en Libye, était à Zintan, mais elle n’aurait pas pu rencontrer le célèbre prisonnier. « Quand la Jamahiriya sera de retour, Seïf el-Islam demandera des comptes au responsable de tout ceci : la France », menace le Conseil suprême des tribus.

Il se chuchote que Kadhafi attendrait la fin du ramadan pour émettre une déclaration en bonne et due forme. « C’est alors qu’on saura s’il compte vraiment jouer un rôle politique », souligne Mattia Toaldo.

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