Les flots tumultueux du Niger

Taormina. Sicile. 26 mai 2017. Les chefs d’État des pays les plus puissants de la planète se réunissent au sein du G7. Parmi leurs invités : Mahamadou Issoufou. Le président nigérien serre des mains ; celle d’Emmanuel Macron, nouvellement élu en France, ou celle de l’Américain Donald Trump, à la poigne si redoutée.

Pont sur le fleuve Niger à Niamey, au Niger. © Vincent Fournier/JA

Pont sur le fleuve Niger à Niamey, au Niger. © Vincent Fournier/JA

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  • Mathieu Olivier

    Rédacteur en chef adjoint pour l’Afrique centrale. Journaliste politique et d’investigation, spécialiste notamment du Cameroun et de la Centrafrique, il s’intéresse aussi à la politique de la Russie en Afrique.

Publié le 6 juillet 2017 Lecture : 2 minutes.

Le président Mahamadou Issoufou, en juillet 2015, à Paris. © Sandra Rocha pour JA
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Niger : sur tous les fronts

Malgré une conjoncture économique et sécuritaire difficile, le pays conserve sa stabilité politique et maintient le cap vers le développement. Bilan de la première année du nouveau quinquennat.

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Anecdotique ? Loin de là. Depuis plusieurs mois, avec une crise sahélienne qui assaille le pays à chacune de ses frontières, la diplomatie nigérienne a retrouvé une place centrale sur l’échiquier sécuritaire mondial.

À Niamey, les treillis français, allemands, américains s’affichent, tout comme à Agadez, la grande ville du Nord, minée par les trafics de drogue et de migrants.

Personne n’oserait aujourd’hui contester la volonté présidentielle d’en finir avec les jihadistes

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Des drones parcourent le ciel, et une force conjointe des pays du G5 Sahel, comportant 10 000 hommes, devrait se déployer prochainement, en partie grâce aux efforts diplomatiques nigériens.

Personne n’oserait aujourd’hui contester la volonté présidentielle d’en finir avec les jihadistes, qui ont largement mis sous pression les forces de défense nigériennes.

Cependant, la diplomatie internationale ne suffira pas à faire du deuxième mandat d’Issoufou une réussite. Si le président a la cote sur les rives de la Seine, de la Spree ou du Potomac, le fleuve Niger peut en effet se montrer plus tumultueux à mesure que les plans du chef de l’État tardent à porter leurs fruits.

Certes, certaines infrastructures sont sorties de terre, ce qui est un réel progrès comparé aux deux dernières décennies, et les secteurs de l’éducation et de la santé sont devenus des priorités nationales. Mais les coupures d’électricité perdurent, sa lutte contre la corruption est encore jugée trop timide, et la croissance, estimée à 5 % en 2016, reste insuffisante, du fait notamment des indispensables dépenses sécuritaires et d’une démographie incontrôlée.

Quand l’opposition est trop fragile et que les lieutenants ne parviennent pas (encore) à faire contrepoids, la rue prend le relais

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Il a été dit et écrit que Mahamadou Issoufou aurait les coudées franches lors de son deuxième mandat, commencé en avril 2016. Est-ce vraiment le cas ? Son principal opposant, Hama Amadou, n’a toujours pas quitté son exil parisien, Seyni Oumarou a rejoint la majorité, et Mahamane Ousmane se mure dans le silence.

Mais, quand l’opposition est trop fragile et que les lieutenants ne parviennent pas (encore) à faire contrepoids, la rue prend le relais, avec tous les risques que cela comporte, comme lors des protestations au sein de l’université de Niamey, en avril.

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Depuis plusieurs mois, les manifestations se multiplient et rassemblent plusieurs milliers de personnes. Le camp présidentiel serre donc la vis. Il surveille les réseaux sociaux, scrute l’activité des militants de la société civile, qu’il considère, à tort ou à raison, comme des opposants politiques, et n’hésite pas à procéder à leur arrestation.

Personne ne sortira gagnant d’un jeu si dangereux

Chacun finit par se défier de tous, y compris dans l’optique de la prochaine présidentielle. Et la vie politique semble se résumer à des accusations de complot contre un régime accusé de dérive autoritaire.

Personne ne sortira gagnant d’un jeu si dangereux. Face aux défis sécuritaires et économiques, les Nigériens et leurs représentants politiques seraient bien inspirés de ne pas devenir les fossoyeurs de leur propre stabilité politique.

Telle est la responsabilité des leaders de l’opposition et du président Issoufou, si ce dernier veut laisser à son successeur un pays sur les rails en 2021. « Fraternité, travail, progrès », préconise la devise de la République nigérienne. Elle est plus que jamais d’actualité.

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