Gabon – Guy Nzouba-Ndama : « Il faut savoir discuter avec son adversaire »

Fidèle à son bagage philosophique, cette figure incontournable de l’opposition décrypte les récents événements et les enjeux des prochaines échéances électorales.

Le 16 juin, à Paris. © Vincent Fournier/JA

Le 16 juin, à Paris. © Vincent Fournier/JA

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Publié le 12 juillet 2017 Lecture : 4 minutes.

Scène de rue dans le centre de Libreville. © Tiphaine Saint-Criq pour JA
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Gabon : second souffle

Depuis un an, le Gabon traverse une crise à la fois politique et financière. La première est en cours de résolution depuis qu’un dialogue national a été engagé ; la seconde a nécessité l’intervention du FMI, qui vient d’accorder un prêt à Libreville. Reste au pays à surmonter ses contradictions, pour se remettre pleinement au travail.

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Ancien du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), candidat à la présidentielle puis rallié à Jean Ping en 2016, Guy Nzouba‑Ndama, 70 ans, a repris ces derniers mois un peu de distance avec l’ancien président de la Commission de l’Union africaine. Certes, il a refusé, comme lui, de participer au dialogue national voulu par Ali Bongo Ondimba. Mais il n’en a pas moins lancé son propre parti, Les Démocrates, espérant donner une nouvelle impulsion à l’opposition dans l’optique des législatives.

Jeune Afrique : Beaucoup qualifient la stratégie de Jean Ping de radicale. Ont-ils raison ?

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Guy Nzouba-Ndama : Je ne sais pourquoi on la qualifie de radicale. Autour de Jean Ping s’est constituée une galaxie qui repose sur un principe simple : il a gagné la présidentielle dans les urnes. Tout le monde est d’accord sur le fait qu’il faut pousser Ali Bongo Ondimba à accepter de sortir par la grande porte et de se séparer d’une cour qui le berce d’illusions sur sa popularité.

Bien sûr, nous avons aussi nos divergences, notamment lorsque Jean Ping dit qu’il ne discutera jamais avec le camp d’Ali Bongo Ondimba. Je considère pour ma part que, même s’il y a des conditions à poser, on ne peut pas faire de politique sans accepter de discuter avec son adversaire.

Pourtant, contrairement à certaines personnalités de l’opposition et à la société civile, vous avez refusé de prendre part au dialogue national. Pourquoi ?

Car on ne peut pas non plus dissocier la politique de la morale. Je considère qu’il y a eu une faute morale de la part du président et du gouvernement, qui n’ont pas pris la mesure de la violence meurtrière qui a suivi l’élection de 2016. Par respect pour les familles endeuillées, je ne pouvais pas aller à ce dialogue. D’ailleurs, il n’y a pas réellement eu de discussions entre le pouvoir et la galaxie autour de Jean Ping.

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En son temps, Omar Bongo Ondimba avait envoyé des émissaires auprès de ses opposants pour obtenir « la paix des braves ». De son côté, ABO a choisi de se comporter en prince et a dit : « J’ai gagné. Venez me reconnaître. » Beaucoup y sont allés pour l’argent et non pour l’intérêt général.

Selon vous, ce dialogue est donc un écran de fumée ?

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Je n’irai pas jusque-là. Il faut attendre de voir ce qu’il en sortira. Mais le président avait-il besoin d’organiser un dialogue pour lancer des réformes constitutionnelles ? Non.

Il pouvait le faire avec sa majorité à l’Assemblée nationale et montrer qu’il avait compris les aspirations des Gabonais pour des élections à deux tours, une limitation de mandats présidentiels… Cela aurait coûté moins d’argent.

Quelle est votre position sur le débat entre le quinquennat et le septennat ainsi que sur la limitation des mandats ?

Il faut éviter le mimétisme avec les pays développés. Dans le cas du Gabon, je ne crois pas que cinq ans suffisent, si l’on considère le temps d’adaptation et l’éventuelle préparation à une réélection. Ne suivons pas l’effet de mode, ou nous aurons des États constamment en ébullition électorale. Un septennat me paraît plus approprié, renouvelable une seule fois.

Mais il faut aussi comprendre que le problème ne réside pas uniquement dans la loi, mais également dans les hommes. Dès lors qu’on aura une forme de privatisation du pouvoir, le problème restera entier.

Vous avez lancé récemment votre parti, Les Démocrates. Est-ce un signe de dissension par rapport à Jean Ping ?

Non, l’opposition n’est pas un parti unique. Depuis la fin du processus électoral, tout est figé. On ne fait plus de politique, et quiconque aspire à diriger ce pays ne peut l’accepter. Nous n’avons jamais vécu une telle situation économique, qui est le résultat de la mauvaise gestion d’Ali Bongo Ondimba. Cela n’est pas dû à la baisse des cours du pétrole. Bien avant, tous les chantiers étaient à l’arrêt.

Il faut que la politique reprenne ses droits, pour le vivre-ensemble. J’ai voulu lancer mon parti pour recommencer à travailler sur la conscience des Gabonais et tenter de leur redonner confiance en leur bulletin de vote.

Est-ce un parti fondé pour aller aux législatives ?

Nous devons participer à la vie politique et donc aux élections. Mon parti a donc la volonté d’aller aux législatives, dans le plus de circonscriptions possible, à partir du moment où on ne nous dira pas qu’elles auront lieu dans dix-huit mois ou dans deux ans. Nous ne pouvons pas fonctionner avec une assemblée illégitime et devons donc tenir ces élections en 2017, sans céder à certains dans la majorité qui ne voudraient pas les organiser par peur de les perdre.

Certaines voix autour de Jean Ping parlent d’un boycott.

Ce serait pour moi une erreur. Nous n’avons pas vocation à passer notre vie dans l’opposition.

Et si Jean Ping appelait au boycott ?

Je ne le suivrais pas.

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