Littérature : il est comment le dernier Vénus Khoury-Ghata ?

Dans « L’adieu à la femme rouge », Vénus Khoury-Ghata évoque l’exil d’un père et de ses enfants, depuis l’Afrique subsaharienne jusqu’à l’Andalousie.

« L’Adieu à la femme rouge », de Vénus Khoury-Ghata, éd. Mercure de France, 176 pages, 16,80 euros © DR

« L’Adieu à la femme rouge », de Vénus Khoury-Ghata, éd. Mercure de France, 176 pages, 16,80 euros © DR

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Publié le 6 juillet 2017 Lecture : 2 minutes.

Poétique, assurément. L’Adieu à la femme rouge a beau être un roman, son auteure n’est pas pour rien lauréate de prix parmi les plus prestigieux de la poésie francophone – le grand prix de l’Académie française et le Goncourt. Et pourtant, l’histoire que raconte Vénus Khoury-Ghata est de celles que pourraient évoquer écrivains naturalistes et sociologues : une mère qui abandonne foyer et enfants à la poursuite d’un rêve de mannequinat, l’immigration clandestine de sa famille vers l’Espagne et la vie au jour le jour sur les trottoirs de Séville…

Après que sa femme, à la peau couverte d’argile rouge, a été repérée par un photographe occidental et s’est enfuie avec lui, un père prend la route avec ses deux enfants, des jumeaux. Tous trois se retrouvent en Andalousie, où sur tous les panneaux publicitaires s’étale la mère dévêtue.

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Devenue la maîtresse d’un philosophe, elle est au faîte de sa gloire, mais son triomphe sera de courte durée. Après la beauté noire, c’est la minceur et la blondeur des Slaves qui s’étalera dans les publicités. La chute sera rude.

Si la famille se retrouve, elle ne se ressoude pas. La mère restera avec le philosophe, les enfants et leur père vadrouilleront de trottoirs en squats, avec d’autres migrants, et survivront de petits boulots et de débrouille.

Un exil en prose

Un récit tragique ? Sans doute, mais avant tout plein de tendresse. La plume de Vénus Khoury-Ghata évite soigneusement tout misérabilisme et accompagne ses personnages, jusque dans leurs décisions les plus irrationnelles.

Ainsi ce mari qui traverse mer et frontières pour retrouver sa femme mais ne tente rien pour la reconquérir, qui prendra même soin de celui qui la lui a prise – et qu’elle a abandonné. Ainsi cette Espagnole, servante du philosophe, qui mange pour deux quand ses maîtres cessent de s’alimenter, « sûre de les nourrir à travers son corps qui sert de relais ».

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« Nom, prénom : Zina et Zeit. Nom du père : le père. Nom de la mère : la mère (ils ne les ont jamais appelés autrement). Profession du père : cherche la mère. Profession de la mère : travaille sur les murs. » C’est ce que les jumeaux répondront au policier qui les a interpellés alors qu’ils étaient en train de peindre des habits sur les affiches publicitaires, afin de protéger du regard des passants le corps nu de leur mère.

Et le lecteur n’en saura pas beaucoup plus que l’agent. Même leur origine reste floue. Ils habitaient « dans un figuier », point barre. À l’imagination de faire le reste.

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