Rwanda : des Jeux olympiques de la gouvernance
Les Jeux olympiques de la gouvernance permettent d’analyser la politique publique du pays, comme le secteur de l’éducation, de l’agriculture ou encore social, en soulignant les manquements et les réussites du gouvernement.
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Gatete Nyiringabo
Gatete Nyiringabo est un avocat rwandais spécialisé dans les droits de l’homme. Il est également blogueur.
Publié le 19 juillet 2017 Lecture : 3 minutes.
Rwanda : droit devant
Alors que la campagne pour la présidentielle du 4 août bat son plein, la victoire semble déjà acquise à Paul Kagame. Décryptage d’un mode de gouvernance et d’un modèle de société singuliers.
Depuis quatre ans, l’Institute of Policy Analysis and Research-Rwanda (Ipar-Rwanda) est sollicité pour évaluer l’impact des politiques menées par le gouvernement.
Chaque année, ce think-tank auquel je collabore passe donc en revue les imihigo (contrats de performance) signés entre la présidence de la République et les institutions centrales et locales, portant sur l’amélioration des services sociaux, la création d’emplois, le développement des infrastructures, la qualité de leurs prestations, etc.
À l’issue de ces Jeux olympiques de la gouvernance, les finalistes reçoivent une médaille du chef de l’État. Les perdants se contentent d’avertissements qui peuvent, dans le pire des cas, sonner prématurément le glas de leur carrière.
Expérience atypique que cette mise en compétition des institutions publiques, avec le souci de satisfaire aux revendications citoyennes ! Le commanditaire de notre évaluation – le bureau du Premier ministre – insiste en effet pour que nous prenions en compte le niveau de satisfaction des populations.
Les participants passent en revue le septennat de Paul Kagame
En avril, l’Ipar-Rwanda a été chargé d’évaluer le Seven Year Government Program, c’est-à-dire de dresser le bilan du second septennat de Paul Kagame et de son gouvernement, tout en formulant des recommandations pour le mandat suivant.
Ailleurs dans le monde, ce type d’audit est généralement lancé à des fins politiciennes par un dirigeant fraîchement élu afin de montrer au peuple dans quel état désastreux son prédécesseur a laissé le pays, espérant sans doute que les électeurs réviseront à la baisse leurs attentes.
Il est plus rare qu’un président en fin de mandat se hasarde à un tel exercice. Quels enseignements en tirer ? Manifestement, la certitude que Paul Kagame ne doute ni de ses performances au cours de ses deux précédents mandats ni de ses chances d’être réélu en août 2017.
Le devoir de réserve que s’impose notre think-tank donne l’assurance au gouvernement que les manquements soulignés ne serviront pas à alimenter quelque polémique stérile, gorgée d’arrière-pensées.
De telles évaluations sont en général réalisées par des sociétés étrangères, qui sont financées par des bailleurs de fonds, au risque de juger les performances d’un État avec des lunettes aux verres déformants, tantôt complaisants, tantôt dépréciateurs, dans tous les cas exogènes.
Précisons que l’Ipar-Rwanda n’est pas rémunéré quelque 250 000 dollars par étude pour lancer des fleurs au gouvernement – le bouquet serait très cher payé ! Son rôle est d’identifier les faiblesses apparues dans la mise en œuvre des politiques publiques.
Dans son précédent rapport, par exemple, il n’a pas manqué de souligner les dysfonctionnements qui grèvent le secteur clé de l’agriculture, les retards des institutions étatiques, qui placent régulièrement les autorités locales dans une situation critique, ou encore le déséquilibre entre les attentes des populations et les fonds disponibles.
Ses observations sont avant tout techniques. Il appartient ensuite aux services de l’État d’analyser les causes de ces failles (incompétence, corruption…).
Un think-thank qui permet d’améliorer les actions du gouvernement
Loin de tout activisme, le devoir de réserve que s’impose notre think-tank donne l’assurance au gouvernement que les manquements soulignés ne serviront pas à alimenter quelque polémique stérile, gorgée d’arrière-pensées.
En effet, l’Ipar-Rwanda ne cherche ni la visibilité, ni une quelconque reconnaissance internationale. Nous parlons peu aux médias et, quand nous le faisons, c’est généralement à des fins pédagogiques plus que polémiques.
Tels des médecins, notre diagnostic ainsi que les prescriptions qui s’ensuivent sont protégés par une sorte de serment d’Hippocrate. Nous laissons en effet au patient le soin de dévoiler, s’il le souhaite, son dossier médical. Prérogative qui appartient par ailleurs aux citoyens rwandais en vertu d’une loi qui, depuis 2013, garantit l’accès à l’information.
Bien entendu, cette évaluation annuelle ne serait que perte de temps si l’État ne retenait que les recommandations les plus aisées à mettre en œuvre, en dissimulant sous le tapis les critiques les plus dérangeantes.
Les efforts déployés pour persuader le gouvernement de prendre en compte ces recommandations illustrent cette « dépassionnalisation » de l’action publique dont le Rwanda a fait l’une de ses marques de fabrique. Pour que l’Afrique sorte du cercle vicieux du mal-développement, il faut savoir avant tout se faire violence.
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