Rwanda – Louise Mushikiwabo : « Personne n’est empêché de se présenter à la présidentielle »

La chef de la diplomatie rwandaise assume le référendum de 2015, qui permet à Paul Kagame de briguer un troisième mandat. Elle estime qu’il est le seul à avoir l’envergure nécessaire à cette fonction.

Louise Mushikiwabo (Rwanda), ministre des Affaires √©trang√®res. A Paris (JA) le 08.09.2011. √Ǭ© Vincent Fournier/Jeune Afrique/JA © Vincent Fournier/JA

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ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 19 juillet 2017 Lecture : 3 minutes.

Vue de la capitale rwandaise Kigali, où se réunissent près de 200 pays ce jeudi pour évoquer les gaz HFC. © Ben Curtis/AP/SIPA
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Rwanda : droit devant

Alors que la campagne pour la présidentielle du 4 août bat son plein, la victoire semble déjà acquise à Paul Kagame. Décryptage d’un mode de gouvernance et d’un modèle de société singuliers.

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Aussi à l’aise en français qu’en anglais, Louise Mushikiwabo est, depuis huit ans, le visage du Rwanda à l’étranger. Le référendum de 2015, en débloquant les verrous constitutionnels qui empêchaient le président Paul Kagame de se représenter, lui a pourtant valu quelques critiques, notamment en provenance du pays de son mari, les États-Unis. Mais alors que le Parti démocrate américain a été balayé lors des dernières élections, le gouvernement de Kigali semble avoir de belles années devant lui. De quoi donner un regain de confiance dans le monolithique modèle rwandais ?

Jeune Afrique : En août, Paul Kagame pourra se présenter à nouveau grâce à une révision constitutionnelle. Quelle a été la réaction de vos partenaires étrangers à cette mesure ?

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Louise Mushikiwabo : Certains pays ont exprimé leur mécontentement, mais j’ai toujours pensé que nous devions faire nos propres choix, même s’ils nous valent des critiques. Les dirigeants d’États occidentaux, notamment des anciennes puissances coloniales, pensent toujours avoir leur mot à dire en Afrique. Pourtant, la démocratie est en crise partout dans le monde, y compris dans ces pays, qui sont confrontés à une grande remise en question. Mais ils continuent de nous dire quoi faire…

Aux États-Unis, les critiques sont venues de l’administration Obama. Donald Trump semble plus souverainiste. Êtes-vous plus à l’aise avec cette approche ?

Je ne sais pas ce que veut cette nouvelle administration. Mais savoir qui dirige les États-Unis m’inquiète peu en réalité. La dynamique politique, en revanche, est très intéressante. La leçon de l’élection américaine c’est : souciez-vous de votre peuple. Ce changement, ce sont les Américains qui l’ont voulu.

Les dirigeants d’États occidentaux, notamment des anciennes puissances coloniales, pensent toujours avoir leur mot à dire en Afrique.

Au Rwanda, les chiffres officiels du dernier référendum sont surprenants : 98,3 % de oui, avec 98,3 % de participation. Soit Paul Kagame est incroyablement populaire, soit les Rwandais sont très contrôlés…

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Non. Le président Kagame est, en effet, très populaire. Mais le pays a décidé de se doter d’un système consensuel. L’affrontement politique n’en fait pas encore partie. La priorité reste de rebâtir ce pays.

Jusqu’à maintenant, aucun opposant n’a pu se présenter à une présidentielle. Est-ce que ce sera différent cette année ?

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Qu’entendez-vous par « opposant » ?

Un membre d’un parti qui ne participe pas à la coalition gouvernementale…

Les Occidentaux donnent le sentiment de vouloir créer une opposition. Pendant le référendum, certains nous ont recommandé un scénario à la Poutine-Medvedev. Est-ce cela, la démocratie ? Et que font-ils du choix des Rwandais ? Aujourd’hui, aucun opposant n’a l’envergure du Président. Mais personne n’est empêché de se présenter, pas même les prêtres.

Vous faites référence à l’abbé Thomas Nahimana, candidat déclaré, qui s’est vu plusieurs fois empêché de revenir d’exil. Pour quelle raison ?

En tant que Rwandais, il a parfaitement le droit de revenir. Seulement, il a acquis la nationalité française et aurait dû en informer le consulat. À la place, il a utilisé son passeport français pour demander un visa. Il lui suffirait de clarifier, de dire : « Je suis rwandais et je reviens. »

Aujourd’hui, aucun opposant n’a l’envergure du Président. Mais personne n’est empêché de se présenter, pas même les prêtres.

Le Rwanda risque-t-il d’être affecté par les crises des pays voisins, à commencer par le Burundi ?

Les Burundais sont nos frères et sœurs, et cela rend le sujet extrêmement sensible. Si le Rwanda s’en mêle, cela suscitera des tensions. Nous évitons donc de le faire, même si nous essayons de contribuer à la solution, notamment avec la médiation tanzanienne. Ce problème est encore très loin d’être réglé.

Qu’en est-il pour la RDC ?

La situation y est extrêmement complexe, avec des poches de violence causées, pour l’essentiel, par des hommes politiques qui refusent l’apaisement. Les pays étrangers ont aussi des avis divergents et entretiennent de multiples canaux de discussions. Ce dont la région a besoin, c’est d’une RDC durablement stable, et je pense que nous pouvons y arriver, à condition que nos partenaires, occidentaux comme asiatiques, travaillent avec nous.

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