Cinéma : Nabil Ayouch, un Marocain à L.A.

Il fait partie des tout premiers professionnels étrangers à rejoindre l’Académie des Oscars. Une belle récompense pour ce passionné, encore marqué par la controverse autour de son film « Much Loved ».

Nabil Ayouch, à Paris, en 2015. © LOïC VENANCE/AFP

Nabil Ayouch, à Paris, en 2015. © LOïC VENANCE/AFP

CRETOIS Jules

Publié le 10 juillet 2017 Lecture : 3 minutes.

«J’ai appris la nouvelle par un appel de mon attaché de presse aux États-Unis. Le 27 ou le 28 juin… Le lendemain, c’était confirmé dans des journaux américains. » Nabil Ayouch ne cache pas sa joie d’avoir été nommé membre de la très prestigieuse Academy of Motion Picture Arts and Sciences, plus connue sous le nom d’Académie des Oscars. Il fait partie des 774 professionnels du cinéma invités en 2017 à rejoindre ses quelque 6 000 membres chargés de choisir quels films remporteront la fameuse statuette.

Pour la première fois, l’organisation a décidé de s’ouvrir au monde et de nommer des personnalités étrangères. Sous peu, Nabil Ayouch commencera à recevoir des invitations pour de très discrètes projections, à Los Angeles, New York ou Londres, afin de voter en connaissance de cause le moment venu. Le réalisateur et producteur marocain de 48 ans connaît un peu la chanson : par le passé, plusieurs de ses longs-métrages ont été sélectionnés.

Depuis peu, Nabil Ayouch siège au sein du comité directeur de l’Institut du film arabe

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Cinéaste comblé – Ali n’, sa maison de production, a présenté ce ramadan la deuxième saison de sa série Sir Al Morjane –, il fait son entrée dans un ­nouveau monde : celui des institutions du septième art. Depuis peu, il siège aussi au sein du comité directeur de l’Institut du film arabe, dont la création a été annoncée lors du 13e Festival international du film de Dubaï, en décembre 2016.

Il y côtoie d’autres grands noms, comme le réalisateur algérien Salem Brahimi ou la productrice tunisienne Dora Bouchoucha. « Nous venons de réaliser une première collecte de fonds et nous avons quelques sponsors », indique Nabil Ayouch. Objectif de l’institut : organiser des remises de prix – avec une première cérémonie à Dubaï en février 2018, espère le réalisateur. Mais pas seulement : « Nous voulons faciliter des mises en relation, mettre en place des projets de formation. »

Les suites de la polémique suscitée par Much Loved

En attendant, Nabil Ayouch est à Bruxelles pour le mixage de son prochain film, Razzia, qui sortira au premier trimestre 2018. « Des années 1980 à nos jours, on suit cinq personnages dont les parcours se rejoignent et qui résistent chacun à une forme ou une autre de déterminisme social. » Dans ce huitième long-métrage, le fils de l’influent publicitaire Noureddine Ayouch filme à nouveau les laissés-pour-compte et les rebelles. En 2015, cet intérêt pour les hors-champ et les non-dits de la société marocaine lui avait valu une intense polémique.

Son film Much Loved, sur le quotidien de prostituées marrakchies, applaudi à Cannes, avait déplu à Rabat. « Il est toujours interdit en salles, déplore-t‑il. Bien sûr, la violence de la polémique, les arguments utilisés, tout ça m’a travaillé et a même influencé Razzia. J’ai largement retouché le scénario à l’aune de la controverse. » Dans ce dernier long-métrage, le plafond de verre auquel se heurtent les héros est moral autant que social. Et ces derniers sont comme forcés d’entrer en conflit avec la société et ses codes, tout comme Ayouch en 2015.

La violence de la polémique sur Much Loved m’a travaillé, et a influencé Razzia

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Pas effarouchés, certains acteurs de Much Loved lui sont restés fidèles, dont le célèbre Amine Ennaji. Quid de son premier rôle, Loubna Abidar, victime d’un véritable harcèlement au Maroc ? Le réalisateur-producteur ne s’étend pas sur le sujet mais assure qu’il n’existe pas de brouille entre eux. « Elle réside maintenant en France, on a moins le temps de se voir » explique-t‑il. La jeune actrice, qui fut nommée aux Césars, s’est en effet installée dans l’Hexagone.

« Dans Razzia, le public pourra découvrir Dounia Binebine, la fille de Mahi ! » enchaîne-t‑il, enthousiaste. Ce dernier est l’auteur des Étoiles de Sidi Moumen, le roman qui a inspiré un autre film d’Ayouch, Les Chevaux de Dieu. Qu’importent les polémiques et les froncements de sourcils, le Marocain trace son sillon avec constance.

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