Côte d’Ivoire : l’opposition en quête d’un second souffle
En rangs serrés contre la révision constitutionnelle, dispersés lors des législatives, les leaders de l’opposition ivoirienne changent de stratégie. Objectif : enfin peser sur les débats.
Que veulent les Ivoiriens ?
Gouvernance, développement, réconciliation, réformes… L’action de l’exécutif est scrutée par les Ivoiriens, avec l’élection présidentielle de 2020 en ligne de mire. Jeune Afrique fait le point.
«ADO, trop c’est trop ! » Banderoles en main, plus de 2 000 personnes défilent dans les rues d’Abidjan contre le projet de nouvelle Constitution du président ivoirien. Le 28 octobre 2016, à deux jours du référendum sur son adoption, la foule est compacte et déterminée. En tête de cortège, Aboudramane Sangaré, le leader de l’une des franges du Front populaire ivoirien (FPI), Mamadou Koulibaly, du parti Liberté et Démocratie pour la République (Lider), ou encore Kouadio Konan Bertin, du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), avancent côte à côte. Jamais, depuis la fin de la crise postélectorale en 2011, l’opposition n’était parvenue à mobiliser autant.
Pourtant, l’élan ne s’est pas poursuivi. Deux mois plus tard, partie en ordre dispersé pour les élections législatives du 18 décembre, l’opposition n’a réussi à remporter que trois sièges au sein de la nouvelle Assemblée nationale (voir infographie). Depuis, elle tente de cristalliser la grogne sociale dans le pays, telle que la grève des fonctionnaires ou les difficultés des planteurs de cacao.
Une opposition qui peine à s’imposer
« Nous sommes à un tournant du mandat d’Alassane Ouattara », estime ainsi Pascal Affi N’Guessan, le président officiel du FPI (lire son interview p. 68). « Payer les militaires mutins alors que certains ne parviennent pas à acheter de l’aspirine lorsqu’ils sont malades est insupportable », renchérit un autre membre du parti de Laurent Gbagbo. Mais malgré un climat social qui semble lui être favorable, l’opposition peine à rassembler.
« Elle a du mal à exister. Seul Laurent Gbagbo structurait le parti. Depuis qu’il est incarcéré [arrêté en 2011, l’ancien président ivoirien est emprisonné à La Haye par la Cour pénale internationale], son mouvement ne tient plus », analyse le sociologue ivoirien Francis Akindes.
Des tentatives d’union
Le FPI se déchire en effet entre un camp mené par l’ancien Premier ministre Pascal Affi N’Guessan et celui conduit par Aboudramane Sangaré, vieux compagnon de route de Gbagbo. « Entre nous, la rupture est désormais consommée, commente un cadre historique du parti, tout en le regrettant. Nous pourrions être bien plus forts, mais ces divisions nous empêchent de peser. »
Nous voulons sortir de l’opposition systématique » reconnaît l’un des dirigeants du PDCI
Chacun cherche donc un nouveau souffle. Tandis que Pascal Affi N’Guessan assure « tendre la main tant aux militants du FPI qu’à ceux du RDR et du PDCI », les deux grands partis de la majorité présidentielle, l’autre frange de la formation a fondé une nouvelle plateforme, Ensemble pour la démocratie et la souveraineté, dirigée par Georges Armand Ouégnin, un quasi-inconnu dont la famille est liée au PDCI et qui dit ne pas être socialiste.
« Pour régler les problèmes des Ivoiriens, il faut que l’opposition et le pouvoir s’asseyent et discutent », prône-t‑il.
Un véritable changement de stratégie pour un courant réputé intransigeant. « Nous voulons sortir de l’opposition systématique », reconnaît l’un de ses dirigeants. Après six ans de boycott des élections, cette branche du FPI envisage ainsi de faire son retour dans le jeu politique pour la présidentielle de 2020.
« Aboudramane Sangaré vient de nous réunir pour travailler à un programme de gouvernement, c’est une petite révolution », confie un autre de ses cadres.
Des discussions pour un éventuel rapprochement se tiennent également avec certaines figures du PDCI.
« Alors que les tiraillements sont de plus en plus forts au sein de la coalition au pouvoir, le PDCI apparaît comme l’alternative au RDR la plus probable pour 2020 », estime Francis Akindes, qui regrette la faiblesse de l’opposition. « Cela fragilise toute la démocratie ivoirienne, en confortant trop le pouvoir. »
Marche du 28 octobre 2016 contre la nouvelle Constitution, adoptée le 30.
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