La gomme arabique décolle
Les qualités de cet émulsifiant naturel boostent la demande. Les pays francophones de la zone sahélienne, à commencer par le Mali, sont les mieux placés pour en profiter.
Focus sur l’agro industrie en Afrique de l’Ouest
Huile de palme, Coca-cola, Gomme arabique : tous sont en pleine expansion sur le marché de l’Agro-industrie en Afrique de l’Ouest. Les pays s’intéressent de plus en plus à l’agro-industrie tout comme les groupes industriels étrangers qui y voient un marché en or.
En buvant un soda ou en mangeant un yaourt, nous consommons de la gomme arabique. Ce produit issu des acacias est aujourd’hui utilisé à 80 % par l’industrie agroalimentaire, surtout dans la fabrication de confiseries et d’arômes. Si l’exportation de la gomme a progressé continuellement de 2 % pendant plus de quinze ans, elle a bondi depuis 2013, passant de près de 80 000 à 112 000 tonnes en 2016, d’après Rongead, une ONG spécialiste du développement des filières agricoles en Afrique. La demande est notamment alimentée par le marché indien, l’un des trois principaux consommateurs de gomme arabique au monde avec la France et les États-Unis.
« C’est le seul émulsifiant naturel capable de réaliser cette opération de stabilisation de l’eau et des différents composants d’un soda. Sans elle, un chewing-gum sans sucre ne pourrait pas tenir. Dans un yaourt, elle permet d’encapsuler un arôme pour le libérer dans la bouche » explique Frédéric Alland, directeur général d’Alland et Robert.
Spécialiste de la gomme d’acacia depuis 1884, cette PME normande, deuxième leader mondial, s’adjuge 25 % de parts de marché dans un secteur qui ne compte que six acteurs et qui est dominé par un autre français, Nexira (40 % de parts de marché).
Connue depuis trois mille ans par les Égyptiens, la gomme arabique est récoltée en saignant les acacias durant la saison sèche
Pour s’approvisionner, tous se tournent en priorité vers la région du Kordofan du Nord, au Soudan, pays qui a exporté 74 000 t de gomme en 2016 devant le Tchad (16 643 t).
Connue depuis trois mille ans par les Égyptiens, la gomme arabique est récoltée en saignant les acacias durant la saison sèche. À la faveur de l’augmentation de la demande, de nouveaux pays francophones, sahéliens pour la plupart, tirent leur épingle du jeu.
Nouveaux pays fournisseurs
Les exportations du Sénégal sont ainsi passées de 416 t en 2013 à 3 466 t en 2016. Mais la progression la plus spectaculaire revient au Mali, qui exporte désormais 5 760 t, le double par rapport à 2015 (2 364 t), alors que le pays était encore un acteur mineur il y a sept ans (297 t).
Son potentiel est encore très important : « À peine un acacia sur dix est aujourd’hui exploité au Mali », indique Frédéric Alland, rappelant que ces arbres, dont les racines plongent jusqu’à 30 m de profondeur, présentent aussi l’avantage de limiter l’érosion des sols.
En parallèle, au Nigeria les échanges ont quasi fondu de moitié depuis 2010 (de 13 636 à 7 830 t) sous l’effet du terrorisme de Boko Haram.
Grande stabilité des prix
L’apparition de nouveaux pays producteurs traduit le besoin des sociétés d’export de diversifier leurs approvisionnements – pour ne pas dépendre que du Soudan et du Tchad – et d’anticiper l’évolution de la demande mondiale.
Bénéficiant d’une grande stabilité de prix (2 500 euros la tonne pour la dure et 900 euros pour la friable) et d’une parfaite traçabilité, la gomme d’acacia devrait encore voir sa cote grimper, bénéficiant notamment de l’attrait pour les produits naturels (elle contient des fibres).
Des programmes de recherche visent le remplacement de la gélatine ou de l’amidon modifié.
Si le marché des sodas est aujourd’hui saturé, l’exsudat de sève d’acacia est utilisé depuis trois ans à la panification et à la fabrication des crèmes glacées.
Programmes de recherche
Et des programmes de recherche sont en cours pour parvenir à remplacer des produits comme la gélatine (faite avec des peaux de porc) et l’amidon modifié, « des marchés actuellement cent fois plus importants que celui de la gomme arabique », estime Frédéric Alland.
Reste aux pays africains, pour véritablement valoriser cette filière, à implanter des unités de transformation sur leurs territoires. Pour l’heure, les industriels qui contrôlent le marché s’y refusent.
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