Télécoms : comment Etisalat a perdu le Nigeria

Après avoir connu une croissance fulgurante, la filiale nigériane du géant émirati a été reprise par un consortium de treize banques et renommée 9mobile. Retour sur une chute que personne n’avait vu venir.

L’entreprise compte toujours plus de 20 millions de clients. © Sunday Alamba/AP/SIPA

L’entreprise compte toujours plus de 20 millions de clients. © Sunday Alamba/AP/SIPA

Publié le 9 août 2017 Lecture : 3 minutes.

Le 20 juin 2017, un consortium formé par treize banques annonçait sa prise de contrôle d’Etisalat Nigeria, après le défaut de paiement d’un prêt de 1,2 milliard de dollars (environ 900 millions d’euros) contracté auprès de celles-ci en 2013. Puis, le 3 juillet, Emirates Telecommunications Corporation, détenteur de la marque Etisalat, s’est retiré du capital et de la gestion de son ancienne filiale nigériane, et l’opérateur a été renommé 9mobile Nigeria.

Dix jours plus tard, les nouveaux nom et logo apparaissaient sur les portables des abonnés. Un dernier épisode qui a signé la fin d’une aventure commencée en janvier 2007, avec l’attribution par le Nigeria d’une licence de téléphonie mobile au groupe Mubadala Development Company – celui-ci s’était alors allié à son compatriote Etisalat, basé comme lui à Abou Dhabi.

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Une chute inattendue

Personne n’avait vu venir cette chute du quatrième opérateur de télécoms au Nigeria, dont le dernier chiffre d’affaires connu atteignait 228,6 milliards de nairas (environ 700 millions d’euros). Sa croissance s’était déroulée sans accroc, sous la houlette de son patron, le tycoon local Hakeem Belo-Osagie, ancien président de United Bank for Africa et actionnaire d’Etisalat Nigeria aux côtés des Émiratis.

La baisse des cours du pétrole avait certes entraîné la restructuration de prêts aux entreprises, mais le principal secteur concerné était celui de l’énergie. Les banques pensaient les opérateurs de télécoms capables de résister à cette crise. Qui plus est, Etisalat était censé avoir la marge et le revenu par utilisateur les plus hauts du secteur.

« Le consortium de banques n’avait même pas prévu de provisions pour le prêt accordé à Etisalat », fait observer Ugo Obi-Chukwu, comptable, analyste financier et fondateur de Nairametrics, un site internet consacré à l’économie nigériane.

À ses débuts, il y a dix ans, les spécialistes ne donnaient pas cher de la peau d’Etisalat Nigeria. MTN, Airtel et Globacom régnaient sans partage sur le marché. Ils avaient construit des infrastructures à travers tout le pays et ne semblaient pas prêts à laisser un nouvel entrant perturber leur jeu. Mais Etisalat a réalisé des performances remarquables, parvenant à atteindre la cible de 1 million de clients en seulement huit mois.

En 2011, Etisalat comptait 12 millions de clients, devenant ainsi le quatrième opérateur sur le marché nigérian

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Le nouvel opérateur s’est développé à une vitesse vertigineuse. Disposant de la meilleure qualité de service, il est vite devenu un acteur reconnu sur le marché nigérian et a récupéré les clients des petits opérateurs.

En 2011, Etisalat comptait 12 millions de clients, devenant ainsi le quatrième opérateur sur le marché nigérian. Un décollage remarquable permis par l’expertise de la société mère, basée à Abou Dhabi, l’entregent local d’Hakeem Belo-Osagie, mais aussi le recrutement d’une équipe managériale talentueuse menée de 2008 à 2013 par le Britannique Steven Evans, ancien dirigeant de BT Mobile.

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Les raisons de la reprise

Mais, du fait des évolutions technologiques, les coûts d’exploitation se sont mis à fortement progresser, et Etisalat Nigeria a dû se résoudre à effectuer cet emprunt de 1,2 milliard de dollars en 2013 au consortium de banques puis à céder pour 400 millions de dollars ses infrastructures à la société IHS Towers, spécialisée dans la gestion de réseaux de télécoms.

Sur ce, la banque centrale nigériane a dévalué le naira de moitié en juin 2016, ce qui a conduit à une augmentation du montant de la dette qu’Etisalat devait rembourser en monnaie locale.

Après l’échec des tentatives pour trouver un compromis avec le consortium, le rythme de remboursement s’est mis à dépasser les moyens d’Etisalat, et les treize banques en ont pris le contrôle. « Nous ne cherchons pas à rester actionnaires majoritaires, nous voulons seulement être remboursés », indique Herbert Wigwe, le PDG d’Access Bank, qui, avec les représentants des autres établissements financiers est d’ores et déjà à la recherche d’un repreneur.

Alors qu’Etisalat – désormais 9mobile – compte plus de 20 millions de clients, le banquier sait que la société a des atouts. Plusieurs groupes se sont d’ailleurs déjà manifestés pour la reprendre.

Mais l’opération pourrait s’étirer dans le temps, estime Obi-Chukwu, selon qui chacun d’eux va vouloir comprendre précisément les raisons de son défaut de paiement. Les accords de l’Autorité de régulation des télécommunications et de la Banque centrale seront aussi nécessaires pour que la transaction se fasse, étant donné l’importance de l’entreprise pour l’économie nigériane.

Quatre candidats sérieux

9mobile, héritier d’Etisalat Nigeria, suscite l’intérêt de repreneurs potentiels :

BUA Group,

holding nigérian diversifié, présent dans l’importation de matériaux de construction, l’agroalimentaire, la logistique et l’immobilier ;

Virgin Mobile (Royaume-Uni) ;

Vodacom (Afrique du Sud) ;

Bharti Airtel (Inde).

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