Tunisie : les barons emblématiques arrêtés depuis le 23 mai
Depuis le mois de mai, le Premier ministre tunisien Youssef Chahed a lancé une vaste opérations « mains propres », dont les résultats sont controversés. Quelques figures emblématiques ont tout de même été arrêtées. Liste non exhaustive des plus significatifs.
Chafik Jarraya
Arrêté le 23 mai pour présomption d’« atteinte à la sûreté de l’État » et de mise à disposition d’une armée étrangère en temps de paix
Autodidacte et parti de rien, ce Sfaxien a fait fortune dans l’importation de bananes, ce qui lui a valu le surnom de Chafik Banana. Il doit son ascension à sa proximité avec le clan Trabelsi, famille de Leïla Ben Ali, notamment Imed Trabelsi, avec lequel il s’est associé. Il la doit aussi à son culot.
Au lendemain de la révolution de 2011, qui a mis fin à l’ère Ben Ali-Trabelsi, il entame un sit-in de protestation dans les bureaux de la direction de la Société tunisienne de banque (STB), qui s’était rétractée après lui avoir octroyé un crédit. Jarraya, qui a de solides connexions à Tripoli, fait de la Libye son nouveau terrain de jeu. Proche du chef du parti islamiste libyen Al Watan, Abdelhakim Belhadj (lire pp. 20-27), il brasse alors des affaires dans l’immobilier, l’import-export et les médias, perçoit des virements du Qatar.
Surtout, il revendique ses amitiés politiques, déclare être influent et fier d’avoir soudoyé des journalistes. Assez pour avoir une réputation sulfureuse et autant d’ennemis que d’amis.
Yacine Chennoufi
Arrêté le 23 mai, poursuivi pour présomption de corruption
En 2014, cet ex-directeur des douanes était candidat indépendant à la présidentielle. Trois ans plus tard, celui qui présentait son expérience des affaires comme un atout pour conduire le pays s’est fait rattraper par des dossiers de corruption. Pendant la campagne électorale, le Tunisois avait reconnu avoir collaboré avec les Trabelsi et spécifié publiquement que « ce partenariat était circonscrit, en toute transparence, au secteur
du poisson. Point, à la ligne ! ». Une affirmation dont celui qui a fait fortune dans la pêche n’a pas saisi tout le paradoxe. Et qui revient aujourd’hui à un aveu de complicité.
Ali Griri
Arrêté le 24 mai, poursuivi pour présomption de commerce illégal
Depuis son fief de Kasserine, il contrôlait divers trafics transfrontaliers avec l’Algérie voisine, mais c’est en submergeant le marché parallèle tunisien de cigarettes algériennes qu’il a fait fortune et mérité son titre de baron de la contrebande.
Visé par un mandat d’amener pour commerce illégal depuis 2012, cette forte tête avait échappé à une première arrestation en faisant usage des armes. Cela ne l’a pas empêché de continuer pendant cinq ans à gérer en entrepreneur avisé ses affaires dont des sociétés dans le secteur agroalimentaire. Une embuscade de la garde nationale a mis fin à ses activités.
Slaheddine et Kamel Chemli
Arrêté le 30 juin, poursuivi pour présomption de trafic et de corruption
Originaires de Ksar Hellal (20 km au sud de Monastir), les frères Chemli sont de véritable touche‑à-tout de la contrebande. Ils ont posé des jalons dans le trafic de devises, mais sont surtout devenus des experts de la mise sur le marché de marchandises en provenance de Chine et de Turquie, introduite frauduleusement sur le territoire via le port de Radès ou par les frontières libyennes et algériennes.
Ils ont investi leurs gains importants dans des biens immobiliers. Le plus connu de ce célèbre binôme qui règne sur le Sahel tunisien est Kamel, qui avait été inquiété en 2015 dans le démantèlement d’un trafic portant sur des milliers de pétards et de feux d’artifice à Sfax.
Samir Ben Rached
Arrêté le 30 juin, poursuivi pour présomption de trafic et de corruption
Colonel major de la douane à la retraite, Samir Ben Rached avait été décoré en 2013 par l’ancien président Moncef Marzouki pour ses états de service.
Connu pour son implication dans des trafics de devises, de bijoux et de ferraille, ce natif de Zarzis (Sud) a été arrêté après la saisie d’un conteneur de cuivre non déclaré et a révélé avoir été en cheville avec les Trabelsi dans des opérations de contrebande, notamment de bananes.
Samir el-Wafi
Placé sous mandat de dépôt le 19 juin, poursuivi pour présomption d’extorsion de fonds et de corruption
Producteur et célèbre animateur de télévision, roi de l’Audimat grâce à son émission Liman Yajroo (« seulement pour celui qui ose »), courtisé par les politiques, Wafi a perdu sa couronne par amour de l’argent facile. Après une première tentative d’extorsion de fonds sur Hamadi Touil, un proche des Trabelsi, en 2015, il a récidivé et fait l’objet d’une plainte pour avoir perçu 800 000 dinars (environ 280 000 euros) contre la promesse d’obtenir une autorisation de vente d’alcool.
Si d’autres plaintes auraient été déposées contre lui pour des motifs similaires, c’est‑à-dire pour présomption d’escroquerie, son arrestation n’est pas directement en lien avec l’opération anticorruption lancée le 23 mai par le chef du gouvernement, Youssef Chahed.
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