Agroalimentaire : Yves Brahima Koné à la vigie du vaisseau cacao
Agronome et financier, le nouveau patron du gendarme de la filière ivoirienne va devoir renforcer le contrôle et la transparence pour relever un organisme en crise.
L’homme qui a pris ses fonctions le 4 août au 23e étage de la tour Caistab, dans le quartier du Plateau à Abidjan, est un habitué des lieux. On peut presque dire qu’il fait partie des murs.
Yves Brahima Koné, 66 ans, nommé directeur général du Conseil café-cacao (CCC) en lieu et place de Massandjé Touré-Litsé, connaît parfaitement cette filière pour avoir travaillé dans ses principales structures depuis les années 1970. L’annonce de sa nomination, le 2 août, n’est pas une surprise, son nom circulait depuis plusieurs mois. Il a notamment été préféré à Alassane Diamoutené, l’actuel directeur de cabinet du ministère de l’Intégration africaine et des Ivoiriens de l’extérieur.
À l’heure où le président Alassane Ouattara donne l’impression de vouloir profondément resserrer les rangs, le choix de ce cadre du Rassemblement des républicains (RDR), marié à la notaire Aïssata Fanny Koné, n’est pas anodin.
Un parcours exemplaire
Ingénieur agronome, diplômé du Centre d’études financières économiques et bancaires (Cefeb) de l’Agence française de développement à Paris, son parcours commence au début des années 1980 sous la présidence de Félix Houphouët-Boigny.
Président du conseil d’administration puis directeur général de la société des Produits de cacao de Côte d’Ivoire (Procaci), il œuvre déjà au cœur de la filière. Après deux années passées à la Caistab, la Caisse ivoirienne de stabilisation des produits agricole, Yves Koné est transféré au ministère de l’Industrie en 1990, puis il entre dans celui du Commerce.
Lors de la campagne présidentielle de 2010, celui qui est présenté comme un grand bosseur participe à l’élaboration du programme d’ADO sur le cacao. La gestion de la filière lui semble alors promise en cas de victoire.
En 1999, lorsque, sous la pression de la Banque mondiale et du FMI, la Côte d’Ivoire dit adieu à ce système mis en place par Houphouët-Boigny et dissout la Caistab, Koné a quitté la fonction publique depuis trois ans.
On le retrouve en 2000 à la tête de la Société des transports abidjanais (Sotra). C’est l’un de ses proches, le général Abdoulaye Coulibaly, ministre des Transports sous la transition militaire de Robert Gueï (de décembre 1999 à octobre 2000), qui l’y a nommé.
Son passage y sera court et assez mouvementé. Il lui sera notamment reproché de diriger en parallèle une société dénommée Sumitomo Tire, alors fournisseur de la Sotra en pneumatiques.
Un homme proche du gouvernement d’ADO
Lors de la crise politico-militaire, entre 2002 et 2010, Yves Koné travaillera notamment pour la société de services financiers Atlantique SA et pour SDV Saga, l’ancêtre de l’antenne ivoirienne de Bolloré Logistics.
Durant cette période tourmentée, Koné maintient un lien très étroit avec le RDR, d’Alassane Ouattara, dont il est un cadre de la première heure. Il passe même pour en être l’un des financeurs.
C’est de là qu’il tire sa proximité avec le chef de l’État, qu’il connaît personnellement, ainsi qu’avec le frère de ce dernier, Ibrahim Ouattara, et surtout avec Amadou Gon Coulibaly, l’actuel Premier ministre.
Cadre du RDR, il est proche du Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly
Lors de la campagne présidentielle de 2010, celui qui est présenté comme un grand bosseur participe à l’élaboration du programme d’ADO sur le cacao. La gestion de la filière lui semble alors promise en cas de victoire.
Dès la chute de Laurent Gbagbo en avril 2011, ADO place ses hommes au sein du Comité de gestion de la filière café-cacao (CGFCCC). Massandjé Touré-Litsé remplace Gilbert Anoh à la présidence, Yves Koné prend la place d’Illa Ginette Donwahi, la sœur de l’ancien ministre de la Défense Alain-Richard Donwahi, en tant que premier vice-président.
Très vite, le CGFCCC devient un organe de transition chargé de préparer la grande réforme de la filière exigée par les institutions de Bretton Woods, qui en font alors une condition pour l’annulation de la dette ivoirienne et imposent une gestion transparente et indépendante de la manne cacaoyère.
En janvier 2012, quand Ouattara crée le Conseil café-cacao, nouvel organe de régulation, il fait de Massandjé Touré-Litsé sa directrice générale. Yves Koné, lui, est pressenti pour en devenir le président.
Ceci lui permet de présider jusqu’en 2016 la Commission économie et finances, où il laissera le souvenir d’un homme discret et courtois.
Mais conseillé par certains proches (en particulier Guillaume Soro) qui craignent que la nomination de deux nordistes soit mal perçue, le chef de l’État opte finalement pour Lambert Kouassi Konan. Koné doit se contenter du poste de directeur général adjoint, avant de quitter le CCC en mai 2012 en raison de divergences avec sa patronne.
Élu à l’Assemblée nationale
Il se consolera à l’Assemblée. Élu quelques mois plus tôt dans la circonscription de Sinematialy (Nord) comme suppléant de Tiémoko Yadé, président de la Société générale de banques en Côte d’Ivoire (SGBCI) et baron du RDR, il siège finalement quand ce dernier se désiste.
Ceci lui permet de présider jusqu’en 2016 la Commission économie et finances, où il laissera le souvenir d’un homme discret et courtois.
Enfin nommé au poste qu’il a longtemps convoité, Yves Koné va devoir remettre de l’ordre dans la filière en y renforçant le contrôle et la sécurité, dans un contexte de chute des cours.
Il prend la tête d’une institution accusée de négligence et qui enregistre pas moins de 300 milliards de F CFA (plus de 457 millions d’euros) de pertes sèches.
Stratégie politique ou quête d’efficacité ?
Plus de soixante nominations ! La désignation du nouveau patron du Conseil café-cacao est intervenue dans le cadre d’une importante vague de changements au sein de l’administration ivoirienne ainsi qu’à la tête de plusieurs sociétés publiques.
À l’instar d’Yves Brahima Koné, plusieurs cadres du Rassemblement des républicains (le RDR d’Alassane Ouattara) se sont vu confier des postes clés. C’est le cas de Lanciné Diaby (ancien patron du Plan), qui devient directeur général du Fonds d’entretien routier (FER), ou encore de Bouaké Fofana, ex-directeur général de l’Agence de gestion des routes, qui dirigera désormais la Société ivoirienne de construction et de gestion immobilière (Sicogi).
Alors que la tension monte ces derniers temps entre Alassane Ouattara et ses alliés (notamment avec le Parti démocratique de Côte d’Ivoire, d’Henri Konan Bédié), les analystes affirment que ces nominations annoncées par le gouvernement le 2 août sont hautement politiques.
Mais son porte-parole, Bruno Koné, assure qu’il n’en est rien. « Tous les partis sont concernés [par les limogeages et les nominations]. L’objectif est d’impulser une nouvelle dynamique à l’action gouvernementale », s’est-il défendu devant la presse.
Stéphane Ballong
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