La vanille malgache face à un tournant décisif

Si la récolte en cours s’annonce moins désastreuse que prévu, le risque d’éclatement de la bulle spéculative qui gonfle depuis trois ans demeure.

Vanille © Titus Hageman/CC/flickr

Vanille © Titus Hageman/CC/flickr

Publié le 14 août 2017 Lecture : 3 minutes.

«C’est une année de transition », explique Emmanuel Nee, directeur du département ingrédients du négociant de matières premières français Touton, à propos de la campagne de vanille 2017.

Si le Cyclope, bible des matières premières, de la même année décrivait « une situation critique, pour ne pas dire catastrophique », caractérisée par une bulle spéculative qui gonfle depuis trois ans, les premières observations de la campagne démarrée fin juin à Madagascar – qui produit plus de 80 % de la vanille naturelle mondiale – sont moins alarmantes que prévu et laissent espérer une normalisation progressive de la situation.

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Les prix de la vanille flambent

La récolte actuelle, qui s’annonce stable en volume, sinon en légère hausse par rapport à l’an dernier, a rassuré le marché. Une augmentation de la production a compensé les cultures détruites par le cyclone Enawo.

Et, grâce à la diminution des préfinancements par les acheteurs, les prix de la vanille verte n’ont pas autant flambé que l’année passée. Le kilogramme se vend tout de même autour de 160 000 ariarys (45,60 euros), contre 80 000 au début de la campagne 2016.

Car qui dit récolte précoce dit rendement moindre, ce qui raréfie l’offre et pousse davantage les prix à la hausse

« Il faut maintenant attendre le début de la campagne de vrac, mi-septembre, pour connaître l’orientation du marché. Si les acheteurs se positionnent massivement en début de campagne, les prix continueront de flamber », prévoit Emmanuel Nee.

Un marché fragile

Dans un rapport de marché intermédiaire publié en juillet, Touton estime toutefois qu’il existe de bonnes chances de « voir les prix diminuer début 2018. La question est de savoir jusqu’à quel point ». La situation du marché reste en effet fragile. Les cultivateurs récoltent toujours prématurément, par crainte des vols, alimentant ainsi la bulle et les risques qu’elle éclate.

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Car qui dit récolte précoce dit rendement moindre, ce qui raréfie l’offre et pousse davantage les prix à la hausse. « Les analyses ne sont pas brillantes, confirme Georges Geeraerts, directeur général de Sopral, société productrice de vanille et de fruits, et président du Groupement des exportateurs de vanille de Madagascar (GEVM). Selon certains exportateurs, les taux de vanilline tournent autour de 1 %. »

Si des tarifs démentiels permettent à quelques-uns de s’enrichir, la situation risque, à terme, de pénaliser tout le secteur.

Même si Touton et Eurovanille notent de leur côté une très légère amélioration de la qualité. En ajoutant les coûts de la dessiccation (élimination de l’eau), les ristournes, l’emballage, les frais de mise en FOB (Free on Board, « franco à bord »), le prix du kilo de vanille préparée devrait atteindre 550 dollars (465 euros) au début de la campagne de vrac. Georges Geeraerts s’attend même à des prix « compris entre 600 et 700 dollars le kilo ».

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Mais certains analystes craignent une correction violente des prix. D’après Emmanuel Nee, le prix « normal » d’un kilogramme de vanille préparée devrait être compris entre 80 et 100 dollars.

Vanilline artificielle : une opération rentable

Si des tarifs démentiels permettent à quelques-uns de s’enrichir, la situation risque, à terme, de pénaliser tout le secteur. « Les gros industriels [de l’agroalimentaire] ont déjà commencé à faire de la reformulation, c’est-à-dire à modifier leur recette pour diminuer la part de vanilline naturelle issue de la vanille », constate Emmanuel Nee. L’opération peut être rentable : la vanilline artificielle est 6 000 fois moins chère que la vanilline naturelle issue de la vanille malgache.

Les prix actuels ont également éveillé l’appétit d’autres pays, qui ont commencé à planter ou replanter des vanilliers. Pour l’instant, la production de l’Inde, de l’Indonésie ou de la Papouasie-Nouvelle-Guinée est encore négligeable. « Il faut trois ans pour qu’une culture devienne productive », assure Georges Geeraerts, pour qui ces acteurs vont monter en puissance à partir de l’année prochaine.

Sans compter une nouvelle concurrence, en dehors des tropiques, elle. Aux Pays-Bas, l’université de Wageningen développe Nethervanilla, un projet de culture de vanille sous serre, avec un rendement, une qualité et une traçabilité qui promettent d’être supérieurs aux cultures classiques : « 2017, c’est l’année après laquelle tout peut arriver », conclut Georges Geeraerts.

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