Musique : Sandra Nkaké, le grand mix

La chanteuse franco-camerounaise sort en septembre un troisième album, couronnant un itinéraire aux influences éclectiques, hors des sentiers battus.

C’est sur les planches d’un théâtre que cette artiste polymorphe a commencé sa carrière. © Vincent Fournier/JA

C’est sur les planches d’un théâtre que cette artiste polymorphe a commencé sa carrière. © Vincent Fournier/JA

Publié le 17 août 2017 Lecture : 3 minutes.

Sandra Nkaké, c’est d’abord une enfance en transit. Elle atterrit en France à l’âge de 12 ans avec sa mère, Lucie-Mami Noor Nkaké, qui bataille pour les droits des femmes et des enfants, notamment sous l’égide de l’Unesco. Mais l’adolescente, longtemps ballottée, multiplie les vols de Paris à Yaoundé, la ville qui l’a vue naître, commençant une année scolaire ici pour déménager au bout de quelques mois là-bas, puis reproduire encore et encore le même processus. Et c’est finalement dans la capitale française que le cycle s’interrompt. Jusqu’à cette crise d’angoisse qui la réveille à l’aube de ses 30 ans. Un appel sourd, viscéral : il faut qu’elle retourne dans son pays d’origine.

Elle se rend alors pour la première fois à Fiko, le village de son grand-père maternel. Cet ancien danseur du Ballet national du Cameroun a fait un vœu, celui de voir sa petite-fille devenir chanteuse de jazz. Vœu exaucé.

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Après avoir mené des études de civilisation anglaise et américaine à l’université de La Sorbonne, Sandra Nkaké, qui se voyait journaliste ou professeur d’anglais, prend le chemin de la scène musicale et trace aujourd’hui, à un peu plus de 40 ans, sa propre voie, singulière.

Une artiste caméléon

La culture plurielle de cette chanteuse à la voix grave et suave emprunte à tous les continents. Sandra Nkaké aime fredonner aussi bien du Leonard Cohen, du Nina Simone et du Léo Ferré que du Manu Dibango, le saxophoniste camerounais.

Dans son premier album, Mansaadi (« petite mère », en abo, l’une des langues du Cameroun), sorti en 2008, elle n’hésite d’ailleurs pas à reprendre La Mauvaise Réputation, d’un monument de la chanson française, George Brassens, dans un style dépouillé empruntant au beatbox et à la soul.

Puis, un peu plus loin, à se changer en conteuse pour dire « Souffles », un texte lumineux du Sénégalais Birago Diop. Un autre opus suivra en 2012, Nothing for Granted, son premier vrai succès critique, qu’elle réalise avec le flûtiste Jérôme Drû, alias Jî Drû. Le musicien reste son partenaire principal pour son troisième album, qui sortira le 15 septembre : Tangerine Moon Whishes (« les vœux de la lune rousse »).

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Sur le clip de Change, premier single de cette nouvelle production dévoilé fin juin, on voit Sandra Nkaké extraire sa longue silhouette de la brume en faisant onduler ses bras. Regard pailleté face à la caméra, présence évidente, sa prestation trahit une formation théâtrale. C’est sur les planches que l’artiste polymorphe a commencé sa carrière.

Elle monte pour la première fois sur scène pour jouer Les Sorcières de Salem, d’Arthur Miller, en 1994. Dernièrement, c’est surtout au cinéma et dans des téléfilms qu’on a pu l’apercevoir, notamment dans des productions du réalisateur belge Lucas Belvaux.

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Artiste caméléon, elle a chanté au côté du trompettiste de jazz Stéphane Belmondo, du slammeur Grand Corps Malade ou du batteur afrobeat Tony Allen. Et ses tournées lui ont permis de faire plusieurs tours du monde. Celle de son deuxième album l’a conduite au Brésil, au Canada mais aussi au Zimbabwe, au Malawi, en Afrique du Sud ou encore à Dakar. En 2009, elle joue dans son pays natal, à Douala.

Globe-trotteuse

Un statut de globe-trotteuse qu’elle embrasse pleinement : elle qui assume être « une enfant du Cameroun » a le sentiment d’être chez elle dans toutes les contrées qu’elle explore. La performeuse multifacette refuse toutes les cases dans lesquelles on essaierait de l’enfermer. Lorsque l’on aborde la question de ses racines, elle se braque gentiment, par crainte d’être résumée à un seul aspect de son identité.

Elle s’est construite sous plusieurs latitudes, à l’ombre de personnalités aussi variées que Tom Waits, Sergio Leone, Auguste Renoir ou Boris Vian. « Entre moi et moi je n’ai aucun problème d’identité ! s’exclame-t-elle dans une drôle de formule. Je sais qui je suis. Ce sont les autres qui veulent me regarder uniquement par le prisme de la pigmentation de ma peau, de ma famille ou de l’endroit où je suis née. »

Sans renier son héritage (elle veut même apprendre le douala), elle refuse de voir des influences uniquement africaines dans ses chansons et affirme avec une certaine ingénuité être « aussi proche d’une Ouzbeke que d’une Picarde ».

Les routes linéaires, le conformisme… elle rejette tout ce qui pourrait faire d’elle une artiste trop lisse, facilement cataloguée. Un jour, raconte-t-elle, elle s’est même perdue dans Los Angeles, parce que le dessin de la ville était trop carré. « J’ai besoin que ça soit sinueux et cabossé, que ça monte, ça descende, complète-t-elle. Je veux des bis et des ter ! J’aime les chemins de traverse. »

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