Algérie : Amar Adjili, le visage d’une génération écoresponsable
De Tipaza à Mostaganem, sur les plages, dans les quartiers, les bois et les rivières, Amar Adjili ramasse sans relâche les déchets. En un an, l’action de ce don Quichotte de la dépollution a mobilisé des centaines de volontaires et réveillé les consciences.
Quand il s’est attaqué au nettoyage de Chenoua-Plage, à Tipaza, à 70 km à l’ouest d’Alger, personne ne faisait attention à Amar Adjili. Pour le commun des mortels, il était, au mieux, un excentrique qui trouvait du plaisir à ramasser les ordures, au pire, un malade mental qui devait être interné dans l’asile psychiatrique le plus proche. Ce barbu s’échinant à ramasser les monceaux d’immondices et les cadavres de bouteilles que les gens laissaient derrière eux sur des kilomètres de plage ne pouvait être que fou. « Pauvre homme ! Dieu le guérisse ! » soupiraient certains en le regardant.
En mars 2016, lorsque Amar Adjili débarque au pays de ses ancêtres depuis sa France natale, il est tout de suite frappé par l’état de saleté et de pollution dans lequel se trouve l’Algérie, où il comptait reprendre son activité de construction (en matériaux écologiques).
Choqué par autant d’insalubrité, l’homme d’action ne se pose pas trop de questions : « J’ai pris des sacs-poubelle, un râteau, et j’ai commencé à dépolluer », explique-t‑il.
Muni de gants, chaussé de bottes et armé d’une volonté à déplacer des montagnes d’ordures, il va ratisser les plages pendant sept longues semaines d’affilée. Tout seul. « Jusqu’à ce que je rencontre Ratiba, une femme qui nettoie toujours la plage qui se trouve devant chez elle, dont j’avais remarqué qu’elle était toujours propre, raconte Amar Adjili. Ratiba m’aidait à nettoyer et, pendant les week-ends, on a commencé à organiser des événements qui attiraient jusqu’à 20 à 30 bénévoles. »
L’abnégation finit par payer, et de plus en plus de volontaires se rallient.
Une action qui prend de l’ampleur
Sur sa lancée, Amar Adjili s’attaque au ramassage des ordures d’un site historique de Tipaza, le Tombeau de la chrétienne, visité par de nombreux touristes.
Il poursuit sa mission dans d’autres villes et villages le long de la côte, jusqu’à Annaba, Skikda, Alger, Mostaganem… « Je prends ma voiture et je vais nettoyer seul, vraiment tout seul. Ça ne me dérange pas, explique posément Amar Adjili. C’est un combat que je mène pour sensibiliser les gens à la protection de la nature et de l’environnement. »
Un jour, il débarque au CHU Mustapha, à Alger, l’un des plus grands hôpitaux du pays, et commence à récolter des monceaux de déchets
Aucun endroit, quel que soit son état d’insalubrité, ne le rebute. Un jour, il débarque au CHU Mustapha, à Alger, l’un des plus grands hôpitaux du pays, et commence à récolter des monceaux de déchets. « Tout s’est bien passé jusqu’à la fin de la journée.
Je m’apprêtais à faire quelques photos quand un vigile m’a interpellé et rudoyé ; il ne voulait pas que je publie de photos et a effacé la mémoire de mon appareil, raconte Adjili. Depuis, par sécurité, j’envoie toujours les photos par Messenger pendant mes opérations de nettoyage. »
Depuis qu’il les médiatise sur les réseaux sociaux et capte l’attention des médias, qui relaient son travail, de plus en plus de bénévoles le rejoignent et de nombreuses associations le contactent pour organiser leurs propres actions locales de collecte de déchets et de dépollution.
Aujourd’hui, on peut dire qu’il y a une réelle prise de conscience en Algérie» s’enthousiasme Amar Adjili
« Dans tout le pays, les associations commencent vraiment à s’impliquer dans ce problème, qui a atteint des proportions insupportables. Aujourd’hui, on peut dire qu’il y a une réelle prise de conscience en Algérie. Ça bouge partout ! dit-il, enthousiaste. Ce qui m’encourage aussi, c’est de voir le travail des autres, ceux qui s’impliquent dans la dépollution du pays. Il y a de plus en plus de bénévoles, d’associations et même, simplement, de personnes seules qui s’attellent au nettoyage de leur rue. Moi, je trouve cela fabuleux ! »
Un bémol cependant : cette nouvelle dynamique citoyenne ne semble pas accompagnée par une volonté politique des autorités, qui ne s’impliquent toujours pas.
« Je souhaite vraiment qu’il y ait des solutions apportées par la ministre de l’Environnement, poursuit Amar Adjili, car le pays est extrêmement, extrêmement pollué. »
Une popularité grandissante
Saïda Boukhemal, une productrice qui le suivait sur sa page Facebook (Algérie Éco Responsable), a décidé de lui consacrer un film : un court-métrage de cinq minutes, réalisé avec le concours du grand chanteur populaire Reda Doumaz.
On y suit Amar Adjili nettoyant une plage au son d’une magnifique complainte, où il est question des charmes perdus d’une ville défigurée. « Cette chanson, je l’écoute souvent. Elle m’encourage beaucoup », confie Amar Adjili.
En quelques mois, ce dernier est devenu le visage d’une Algérie qui cherche à se retrouver belle et propre, comme elle l’était avant.
Touchant, attachant et dur à la tâche, l’homme qui veut aider le pays à retrouver sa beauté et à préserver son environnement sait que son combat ne fait que commencer.
En peu de temps, il s’est attiré par ses actions l’estime de ses concitoyens. Il est surtout en passe de gagner une première bataille, cruciale, celle du réveil des consciences.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles