Réformes constitutionnelles en Mauritanie : qui perd gagne

Les réformes soumises à référendum sont adoptées. Une victoire pour le chef de l’État, Mohamed Ould Abdelaziz, au vu de la très large majorité de oui. Pour l’opposition aussi, qui brandit un taux de participation manifestement « gonflé ».

À Nouakchott, affiche du camp présidentiel. Ci-dessus, le drapeau avant et après. © yasmine mehdi

À Nouakchott, affiche du camp présidentiel. Ci-dessus, le drapeau avant et après. © yasmine mehdi

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 22 août 2017 Lecture : 3 minutes.

Avec 85,6 % de oui, le peuple mauritanien a adopté les réformes constitutionnelles qui lui étaient soumises par référendum le 5 août. Le président, Mohamed Ould Abdelaziz (« Aziz »), peut donc supprimer le Sénat, créer des conseils régionaux, fusionner dans un Haut Conseil de la fatwa plusieurs institutions et ajouter deux bandes rouges au drapeau national, en hommage au sang versé par les martyrs de la nation.

Le chef de l’État a gagné, et le coordonnateur de la campagne en faveur du oui à Nouakchott, Moctar Ould Diaye, ministre de l’Économie et des Finances, s’en félicite. « Au terme d’une campagne dure mais propre, qui a porté sur les idées, le président a tenu des meetings qui ont attiré les foules, et les Mauritaniens ont voté massivement en faveur de ses propositions, a-t‑il déclaré à Jeune Afrique. Le taux de participation est très respectable comparé à ceux de la sous-région, qui avoisinent les 30 %, contre plus de 53 % chez nous. »

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L’opposition accuse

Mais le président a aussi perdu la face. L’opposition radicale s’y est employée en dénonçant à cor et à cri la faible affluence dans les bureaux de vote.

L’opposition voit dans la lenteur de la publication du taux de participation la preuve de tripatouillages pour gonfler celui-ci

Regroupée dans un « G8 » informel – Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), Rassemblement des forces démocratiques (RFD), Union des forces de progrès (UFP), Tawassoul, Convergence démocratique nationale (CDN), Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), syndicats, etc. –, elle avait décidé de boycotter le scrutin et voit dans la lenteur de la publication du taux de participation (vingt-cinq heures) la preuve de tripatouillages pour gonfler celui-ci.

Elle a qualifié le référendum de « vaste mascarade en raison de la faible participation et de la manipulation des bureaux », s’est félicitée que l’opération ait « essuyé un boycott sans précédent sur toute l’étendue du territoire » et a jugé que les résultats publiés par la Commission électorale nationale indépendante étaient le fruit d’une « fraude massive » dont elle affirme avoir des preuves. Ahmed Ould Daddah, président du RFD, a appelé le président à démissionner.

Il est vrai que le chiffre de 53,7 % de participation est surprenant.

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Il approche les 54 % enregistrés lors de la présidentielle de 2014, un scrutin qui passionne les électeurs alors que le référendum était trop technique pour mobiliser les foules, malgré l’enrôlement dans les meetings présidentiels des personnels des administrations – qui étaient priés de prouver ensuite qu’ils avaient voté –, comme ceux des entreprises publiques et privées.

Dans un bureau de vote de la commune de Tevragh Zeina (Nouakchott), acquise au oui, il a été constaté de visu un taux de participation de 26,5 % que les vacances scolaires n’expliquent pas totalement.

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On se demande ce qui aurait chagriné le camp présidentiel si le taux de participation avait été comparable à celui enregistré en 2016 lors des référendums constitutionnels en Côte d’Ivoire (42 %) ou au Sénégal (38,26 %), puisque la victoire était assurée en raison du boycott de l’opposition.

Prochaine étape : les présidentielles

Cette dernière ne devrait cependant pas trop se réjouir de la blessure d’amour-propre infligée au chef de l’État. Elle a affecté de voir dans le référendum une manœuvre d’« Aziz » pour modifier la Constitution et pouvoir se représenter à un troisième mandat en 2019, alors qu’il a toujours certifié qu’il n’en ferait rien.

Cette suspicion constitue, en fait, le seul point d’accord entre les composantes de l’opposition radicale, qui n’ont aucun projet politique commun hormis le désir de chasser le chef de l’État.

Leurs divisions seront flagrantes quand il leur faudra désigner un candidat à la présidentielle. Pour l’heure, un seul s’est déclaré : Biram Ould Abeid, patron de l’IRA.

Malgré le harcèlement dont il est victime de la part du pouvoir et qui lui vaut la sympathie des ONG des droits de l’homme, il a peu de chances de faire l’unanimité en raison de ses outrances et de son hostilité à l’égard des Beidanes (Maures blancs), qui dominent le pays.

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