Maroc : Khalid El Boukarai, l’équilibriste

Khalid El Bouakri, secrétaire général du mouvement de la Jeunesse du Parti de la justice et du développement (PJD), est en première ligne pour faire face aux dilemmes que confrontent le PJD.

khalid el boukarai © MYMA

khalid el boukarai © MYMA

CRETOIS Jules

Publié le 23 août 2017 Lecture : 3 minutes.

Sa voix est posée, ses propos mesurés. Né en 1974 dans la région de Taza (nord du Maroc), Khalid El Boukarai est le secrétaire général du mouvement Jeunesse du Parti de la justice et du développement (PJD). Député depuis 2011, réélu en 2016, il appartient à cette génération de « frères » directement entrés dans le militantisme islamiste sans passer par le gauchisme estudiantin ou le mouvement national. Il commence à fréquenter le mouvement dès son adolescence, milite au sein d’un syndicat étudiant à coloration conservatrice et démocrate, puis du très conservateur Mouvement Unicité et Réforme (MUR), avant de rejoindre le PJD à la fin des années 1990.

Aujourd’hui, il incarne la délicate position dans laquelle se trouvent les islamistes marocains, sur une ligne de crête entre confrontation avec le pouvoir et main tendue, entre respect de la démocratie interne au parti et volonté de peser dans le paysage politique. Quand on lui demande à quelle tendance il appartient, il élude la question.

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Officiellement, au PJD, il n’y a pas de « courants ». Pourtant, comme le confirme Bilal Talidi, militant islamiste et chercheur en sciences sociales : « Il y a eu une cassure au sein du parti après qu’Abdelilah Benkirane a été remercié par le roi et remplacé au pied levé dans ses fonctions de chef du gouvernement par Saadeddine El Othmani », numéro deux du parti. Lors de la nomination de ce dernier, le 15 mars, la jeunesse du PJD a préféré… célébrer l’action de Benkirane, le sortant. « Je n’ai bien sûr rien contre le gouvernement El Othmani, bien au contraire, mais je n’apprécie pas le contexte qui a entouré sa mise en place », résume El Boukarai.

Véritable jeu d’équilibriste

Sa mission est de normaliser la présence de ses frères – et sœurs – sur l’échiquier politique, tout en préservant leurs spécificités, à commencer par leur indépendance et leur liberté de ton. « La jeunesse est le pôle critique du parti. C’est sa force, mais il ne faut pas que ça déborde. El Boukarai incarne un point de vue volontariste au sein du conseil national, mais il tempère aussi les troupes en interne », explique un cadre islamiste.

Un jeu d’équilibriste qu’illustre son attitude au sein du Mouvement du 20-Février pendant l’année 2011 : « J’ai manifesté deux ou trois fois, je soutenais les revendications, mais je crois à la réforme et à la collaboration avec les institutions, pas à l’affrontement », reconnaît Khalid El Boukarai.

Ce qui l’amène à se transformer parfois en pompier de service en cas de tensions entre ses militants et les autorités. Comme en juillet dernier, lorsque huit jeunes du PJD qui s’étaient réjouis sur les réseaux sociaux de l’assassinat de l’ambassadeur russe à Ankara (en décembre 2016) ont été condamnés à de la prison ferme pour « apologie du terrorisme », avant d’être graciés par le roi.

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Un soutien de Benkirane ?

Son prochain défi : les travaux préparatoires du congrès national du parti, prévu les 9 et 10 décembre. L’un des principaux enjeux sera de donner ou non la possibilité à Abdelilah Benkirane de briguer un troisième mandat en tant que secrétaire général du PJD, ce qui exigerait un amendement des statuts du parti. Le 9 juillet, la Chabiba Islamiya a publié un communiqué dans lequel elle appelle Benkirane à « poursuivre l’exercice de son rôle national, aussi bien actuellement que dans l’avenir ».

El Boukarai se garde d’être plus précis sur le sujet. Mais le dilemme semble profond. « Nous sommes fiers et jaloux de ce qui caractérise le PJD sur l’échiquier national, à savoir une réelle démocratie interne, et un mandat de plus [de Benkirane en tant que secrétaire général] nous ferait ressembler à ces partis de notables, confie un cadre du mouvement Jeunesse. Mais nous voulons aussi exister… » Et Benkirane, charismatique, ultrapopulaire, parfois démagogue, est sans aucun doute le garant d’une présence politique bien affirmée.

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