Congo : « Je ne suis pas un gourou ! », assure Guy-Brice Parfait Kolélas

Ses relations avec Denis Sassou Nguesso, le pasteur Ntumi ou encore son frère Landry, mais aussi son mysticisme supposé et sa proximité avec le Front nationale, en France… Le député de l’opposition assume ses positions.

L’opposant congolais Guy-Brice Parfait Kolélas, leader de l’Union des démocrates humanistes (UDH-Yuki) © Steeve Rodric pour JA

L’opposant congolais Guy-Brice Parfait Kolélas, leader de l’Union des démocrates humanistes (UDH-Yuki) © Steeve Rodric pour JA

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Publié le 9 septembre 2017 Lecture : 6 minutes.

Il aurait pu prétendre au statut de chef de l’opposition. D’autant qu’il compte neuf députés, dont lui-même, au sein de la nouvelle Assemblée nationale du Congo. Soit un de plus que l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS), jusqu’ici considérée comme la première force de l’« opposition républicaine ». Mais Guy-Brice Parfait Kolélas, 58 ans, leader de l’Union des démocrates humanistes (UDH-Yuki) et ancien ministre de Denis Sassou Nguesso, n’a toujours pas obtenu l’agrément de sa structure politique. « Cela fait quatre mois que nous attendons les documents définitifs », se désole un proche de ce candidat malheureux à la présidentielle de 2016. Avec son charisme de chef traditionnel et son yuki, cette calebasse en argile omniprésente, Kolélas compte bien peser, à sa manière, dans la vie politique de son pays.

Jeune Afrique : Que vous inspirent la reconduction de Clément Mouamba au poste de Premier ministre et la formation, le 22 août, d’un nouveau gouvernement ?

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Guy-Brice Parfait Kolélas : C’est du domaine de l’exécutif. Moi, je suis un député. Je considère que le président Denis Sassou Nguesso sait ce qu’il fait. Il est dans ses prérogatives constitutionnelles.

Dans une interview à Jeune Afrique, Pascal Tsaty Mabiala, pressenti comme chef de l’opposition, vous tend la main. Une alliance entre l’UDH-Yuki et son parti, l’UPADS, est-elle envisageable ?

Un groupe parlementaire se forme par affinités politiques. Étant tous deux dans l’opposition, nous sommes appelés à nous souder pour que notre voix porte plus loin. Agir autrement serait suicidaire. Donc je ne ferme pas la porte.

Dans le département du Pool, les élections n’ont pas pu avoir lieu dans toutes les circonscriptions, dont la vôtre. Que s’y passe-t-il vraiment ?

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Lorsqu’un État ne parvient pas à assurer la sécurité dans certaines parties de son territoire, cela traduit une perte de souveraineté. J’ignore ce qu’il s’y passe, si ce n’est qu’il s’y joue une crise sécuritaire et humanitaire dont je ne connais ni les tenants, ni les aboutissants.

Il faudrait convoquer un dialogue à Kinkala, chef-lieu du Pool, entre les ressortissants du département : les élus, les sages, les chefs de villages et de congrégations religieuses… À l’issue de ces palabres, nous demanderions au gouvernement de nous autoriser à aller chercher Frédéric Bintsamou [alias le pasteur Ntumi, chef des miliciens Ninjas Nsiloulous qui a repris le maquis après la présidentielle] dans la forêt. Puis nous l’écouterions et transmettrions à l’État ses revendications.

Aujourd’hui, [le pasteur Ntumi] est recherché par l’État. Et je n’ai plus aucun contact avec lui

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Frédéric Bintsamou s’était pourtant rapproché de vous lors du scrutin de 2016. Le considérez-vous encore comme un soutien ?

Il a toujours pris position pour les causes qu’il trouvait justes. En 2012, par exemple, lors des législatives, il s’était positionné contre moi à Vindza, préférant soutenir Aimé Emmanuel Yoka – un oncle du président de la République. Tout le monde alors le trouvait encore fréquentable.

Puis vint la présidentielle de 2016, et Ntumi a décidé d’appuyer ma candidature. Qui aurait décliné l’appui d’un conseiller du chef de l’État ? Mais contrairement à ce que certains ont rapporté, il n’a jamais été mon directeur de campagne. Ntumi était un membre de notre équipe. Aujourd’hui, il est recherché par l’État. Et je n’ai plus aucun contact avec lui.

La légende voudrait que vous soyez le « fils » de Denis Sassou Nguesso, votre père mourant [l’ex-Premier ministre Bernard Kolélas, décédé en 2009] vous ayant laissés, vous et votre frère Landry, entre les mains du chef de l’État…

Ce n’est pas une légende. En Afrique, quand un enfant vient au monde, il appartient à tout le monde. Dans ces conditions, lorsque votre père meurt, celui qui reste prend sa place. Et il est vrai que le président était l’un de ses amis proches.

 J’ai toujours dit au chef de l’État que j’aspirais à diriger le Congo. Nul crime de lèse-majesté là-dedans !

Est-ce lui qui vous a « fabriqué » et qui a fait de vous un homme politique ?

Non. Je me suis fait moi-même, tout en bénéficiant des conseils de mon père biologique. Mais il est vrai que mon expérience en matière de gestion de la chose publique doit beaucoup à Denis Sassou Nguesso, qui a signé le décret me nommant ministre de la République. Je lui en suis reconnaissant.

Que répondez-vous à ceux qui considèrent que vous l’avez trahi en vous opposant au changement de la Constitution ?

Un fils doit-il s’abstenir d’avoir de l’ambition ? En ce qui me concerne, je n’ai jamais caché la mienne au président. À Abidjan, durant notre exil [1997-2005], mon père biologique m’avait dit ceci : « Nous rentrerons un jour au Congo. Je te lègue mon combat. C’est à toi de décider si tu le poursuis ou pas. » J’ai hérité de son idéal, que j’assume. Depuis, j’ai toujours dit au chef de l’État que j’aspirais à diriger le Congo, conformément au legs de mon père. Nul crime de lèse-majesté là-dedans ! Denis Sassou Nguesso sait que j’ai toujours été franc avec lui.

capture kolélas

capture kolélas

Votre frère Landry a quant à lui préféré rester fidèle au président…

Moi, je suis resté fidèle aux idéaux de mon père.

Ancien ministre du Commerce, Landry Kolélas vient d’être nommé haut commissaire à la réinsertion des ex-combattants, avec rang de ministre. Comprenez-vous cette nomination ?

Le chef de l’État a le droit de placer ses gens où il le souhaite. Landry succède au général Norbert Dabira à un poste qui dépend du cabinet présidentiel. Je n’ai aucun autre commentaire à faire sur ce sujet.

Êtes-vous encore en contact avec votre frère ?

Depuis que nos chemins se sont séparés, il y a trois ans, je l’ai rencontré une seule fois, cette année, à la cathédrale [lors d’un hommage au premier cardinal du Congo, Émile Biayenda]. Ce fut le seul contact entre nous.

On vous présente comme un gourou, un chef spirituel. Avez-vous un côté mystique ?

Chez nous, c’est le syncrétisme religieux qui domine : un mélange entre le catholicisme, l’Armée du salut, l’évangélisme, les églises de nos ancêtres… Le bâton que je tiens, par exemple, n’a rien de mystique. C’est l’un des attributs qu’on donne à un chef lorsqu’il est investi – un peu comme Moïse. Avec ce bâton, j’invoque les mânes de nos ancêtres, mais aussi le Tout-Puissant. Je ne suis ni un gourou ni un fétichiste, je suis chrétien. D’ailleurs, j’obtiendrai bientôt mon galon de soldat de l’Armée du salut.

Ma relation avec Dieu et avec les mânes des ancêtres, je la garde donc pour moi

Est-ce en invoquant les mânes des ancêtres que vous communiquez avec votre père ?

Les chrétiens ne parlent-ils pas au Christ vivant ? N’est-il pas vrai que, quand une personne entre en transe, elle peut communiquer avec les esprits et recevoir des messages des anges, ou des ancêtres ? Je crois en la réincarnation… et aux dieux de nos ancêtres.

Voulez-vous dire que votre père vous envoie encore des messages ?

« Si je vous disais tout ce que je sais, on dirait que Kolélas est devenu fou », me confiait-il avant de mourir. Ma relation avec Dieu et avec les mânes des ancêtres, je la garde donc pour moi. Sinon, les gens diront que Parfait Kolélas est un gourou et qu’il est devenu fou. Ce que je vis en privé n’a rien à voir avec la politique.

Après avoir été membre du Parti communiste français, vous êtes devenu proche du Front national (FN). Quels sont vos liens avec cette formation ?

Ce sont mes amis. Je l’assume.

Son caractère xénophobe ne vous gêne-t-il pas ?

Non, car je ne pense pas qu’elle le soit. Dans chaque structure politique, il existe des tendances. Au FN, un courant est effectivement xénophobe, mais un autre ne l’est pas. J’appartiens à ce dernier. Par ailleurs, le malheur des Africains – et surtout des Congolais – n’est-il pas le fait des politiques menées par la droite et le Parti socialiste français depuis plusieurs décennies ? Le FN n’y est pour rien. C’est juste un parti nationaliste.

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