Théâtre : Penda Diouf, la diversité sur les planches

À 35 ans, la Franco-Sénégalaise Penda Diouf est écrivaine et directrice d’une médiathèque en banlieue parisienne. Son label, Jeunes Textes en liberté, défend la diversité au théâtre.

Penda Diouf, écrivaine et directrice d’une médiathèque en banlieue parisienne. © Damien Grenon pour JA

Penda Diouf, écrivaine et directrice d’une médiathèque en banlieue parisienne. © Damien Grenon pour JA

Publié le 31 août 2017 Lecture : 4 minutes.

Penda Diouf a écrit sa première pièce à 19 ans sans jamais être allée au théâtre. Elle vit alors chez ses parents à Dijon, sa ville natale. « Je venais d’avoir un ordinateur, je me suis dit “vas-y” », se souvient-elle. Un pain au chocolat et un verre de lait sont posés sur son bureau. En deux semaines, elle rédige Poussière, un huis clos sur l’enfermement et la dictature, pour lequel elle obtient une bourse du Centre national du théâtre.

La Française d’origine sénégalaise par son père, sérère et ivoirienne par sa mère, a grandi dans un monde de Blancs : Dijon, Moulins-sur-Allier, Antibes… « J’ai gardé de l’enfance cette habitude de me faire toute petite, quelle que soit la circonstance […]. Quand on est une minorité, on doit rester à sa place », écrit-elle dans Pistes, sa dernière pièce, qu’elle interprétait elle-même au festival d’Avignon cet été.

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Quête identitaire

Enfant, Penda Diouf a pour héroïne la diaphane Jane Eyre. « Je vivais très mal le fait d’être noire, c’était comme une tare, une punition », se souvient la dramaturge.

Au Sénégal, où vit la quasi-totalité de sa famille, elle se sent aussi exclue. Les blagues en wolof de ses cousins lui échappent, car à la maison ses parents le parlent uniquement entre eux.

Ses difficultés d’intégration ont durablement fragilisé la jeune adulte qu’elle est devenue. À la fin de l’année 2010, Penda Diouf plonge dans une grave dépression et est hospitalisée un mois à Sainte-Anne.

« C’est l’art et la culture qui m’ont sauvée », explique la dramaturge. Son voyage en Namibie, aussi, où elle part chasser ses démons et apaiser sa colère.

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Un mois et demi seule à sillonner le pays de l’un de ses héros de jeunesse, l’athlète Frankie Fredericks, et dont l’histoire coloniale est aussi violente qu’elle est tue. C’est ce périple qu’elle raconte à la première personne dans son texte Pistes. Avec courage et pudeur.

Les bonnes rencontres

« Penda a un caractère d’une grande discrétion, parfois trop grande », explique son amie Souâd Belhaddad. Bouleversée par la lecture de son livre Entre-Deux Je. Algérienne ? Française ? Comment choisir… (éd. Mango, 2001), Penda Diouf l’avait contactée d’une cabine téléphonique après avoir trouvé son numéro dans l’annuaire.

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L’auteure d’origine algérienne, qui avait d’abord cru à un gag, se souvient d’avoir été frappée par le désir d’écrire de la jeune fille. Sa réserve peut aussi être assimilée à une mise en retrait dans un milieu où il faut sortir les griffes pour briser les plafonds de verre.

À son arrivée à Paris, où elle fait un master 2 en arts du spectacle, Penda Diouf décroche en novembre 2004 un travail de placière à la MC93, la maison de la culture de Bobigny, au nord de la capitale.

Penda Diouf se rappelle d’un grand choc esthétique devant la mise en scène de Jean-René Lemoine, d’origine haïtienne, dans laquelle tous les comédiens sont noirs

Assise au premier rang, où des places restent libres, elle assiste à son premier spectacle : La Cerisaie, d’Anton Tchekhov. « J’ai eu un grand choc esthétique », se rappelle Penda Diouf devant cette mise en scène de Jean-René Lemoine, d’origine haïtienne, dans laquelle tous les comédiens sont noirs.

À cette époque, l’étudiante rencontre la Sénégalaise Aminata Zaaria car elle veut faire son mémoire sur sa pièce Consulat zénéral, à l’affiche du Théâtre de la tempête. « Ça a été un coup de foudre, on ne se quittait plus », raconte Penda Diouf.

Avant de s’éteindre au mois d’avril, l’auteure lui envoie le manuscrit de son second roman, signe de la confiance que lui porte son amie et mentor.

Une réconciliation à travers l’art

Entre-temps, Penda Diouf a obtenu la nationalité sénégalaise, qui s’ajoute donc à sa nationalité française. Être sans cesse renvoyée à sa condition de femme noire était devenu insupportable.

Moi, je suis bibliothécaire ! Je ne viens pas du sérail ! », lance Penda Diouf

À 35 ans, elle a écrit une dizaine de pièces et apprend à trouver sa place. « Moi, je suis bibliothécaire ! Je ne viens pas du sérail ! » lance-t‑elle. Depuis quatre ans, elle dirige la médiathèque Ulysse, à Saint-Denis (93). « Je ne veux pas être déconnectée de la réalité.

Elle m’est nécessaire, et ici les enjeux sont plus importants qu’ailleurs », explique-t‑elle de son bureau situé dans un quartier populaire où cohabitent 160 nationalités.

Son label Jeunes Textes en liberté est né d’un débat houleux au Théâtre national de la colline, à Paris, au sujet de la représentation de la diversité sur les planches.

Alors que Penda Diouf lève le bras depuis une demi-heure, on lui refuse le micro car « eux », des Noirs installés dans le public, ont déjà parlé.

Lorsque son voisin de siège, Anthony Thibault, metteur en scène, prend la parole pour la deuxième fois, la dramaturge le traite de « blanc dominant colonialiste ».

« Je ne pouvais en rester là », confie ce dernier, qui, le soir même, trouve son adresse e-mail sur internet.

Sur le fond, les deux trentenaires sont d’accord et le projet, qui, entre autres, instaure des quotas de comédiens, voit rapidement le jour.

La dramaturge sait que le temps du théâtre peut être long. Qu’importe. Elle continue d’écrire. Comme dit le proverbe africain : « Tant que l’histoire est racontée par le chasseur, le lion ne peut être glorifié. » Penda Diouf veut être « l’historienne du lion ».

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