Égalité femmes-hommes : l’autre révolution tunisienne
Mais qu’est-ce qui a pris le président tunisien de gâcher, comme ça, les vacances des fidèles ? Lors de la célébration de la fête de la femme, le 13 août dernier, le voilà qui suggère, ni plus ni moins, de faire hériter les filles comme les garçons et de leur permettre de convoler avec des non-musulmans…
Panique sur les plages ! Retour précipité dans les mosquées. Fureur des imams qui, du Caire à Islamabad et d’Amman à Gaza, ont éructé contre le locataire de Carthage. Calmez-vous, les mecs ! Béji Caïd Essebsi (BCE) n’a fait que demander aux spécialistes d’« étudier » la question, formule vague – politicienne, diraient certains.
Bien que ce soit une façon bien maligne, il faut l’avouer, de faire sortir le loup Ennahdha de la tanière : le parti islamiste local est embarrassé, il ne peut pas se mettre à dos les femmes ni décevoir l’Occident, qu’il veut prendre à témoin de son esprit « féministe » et démocratique.
Non, frères, la modernité n’est pas dans le costume. Elle est dans la tête et dans les lois
Ses chefs se sont même affublés de cravates, signe extérieur de modernité. Non, frères, la modernité n’est pas dans le costume. Elle est dans la tête et dans les lois.
Elle est dans le sort que vous réservez à celles que vous considérez comme moins que votre moitié. La modernité n’est pas occidentale, elle est une charia universelle sans laquelle aucun projet de société ne peut être viable.
Pourquoi l’exégèse islamique a su évoluer sur d’autres lois religieuses, comme l’esclavage, la polygamie ou le tutorat, et non sur l’héritage ?
De fait, BCE a mis le doigt sur un dossier qui donne des sueurs aux fidèles depuis des lustres et sur lequel Bourguiba n’a pas pu trancher. Un dossier qui soulève la question : pourquoi l’exégèse islamique a su évoluer sur d’autres lois religieuses, comme l’esclavage, la polygamie ou le tutorat, et non sur l’héritage ?
Donner aux femmes la moitié de ce qui revient aux hommes pouvait peut-être se comprendre à l’époque du Prophète, où la gent féminine ne travaillait pas et était obligatoirement prise en charge par les hommes, mais aujourd’hui ?
Les Tunisiennes triment du matin au soir, s’en vont rapporter à leur petit mâle de quoi acheter son paquet de cigarettes, à leur mari, la bière qu’il exige pour ne pas les tabasser
Regardez la rue arabe, et plus spécialement la rue tunisienne : ce sont les femmes qui bossent. Les glandeurs, les paresseux, les fainéants se recrutent parmi la gent masculine. Combien de garçons passent leurs journées à tirer sur la chicha, à palabrer et à proférer des insultes ? Combien de bons à rien qui n’ont trouvé d’autre manière de prouver leur existence qu’en commandant à leurs sœurs et à leurs épouses ?
Pendant ce temps, les Tunisiennes triment du matin au soir, s’en vont rapporter à leur petit mâle de quoi acheter son paquet de cigarettes, à leur mari, la bière qu’il exige pour ne pas les tabasser.
Car ces derniers sont prompts à défendre le droit religieux dès qu’il s’agit de leurs privilèges et à l’enfreindre chaque fois qu’il y va de leurs petits plaisirs et grandes combines.
La même hypocrisie règne quant à la question du mariage de la musulmane avec le non-musulman.
Il faut être de mauvaise foi pour refuser de se demander pourquoi les filles du monde entier se marient avec des étrangers et pas les musulmanes
Les mahométans soutiennent mordicus qu’il leur est permis, à eux, de « traquer le gibier » partout où il se trouve, dans les réserves de Moïse ou de Jésus, mais que leurs coreligionnaires en gandoura sont leur chasse gardée.
Il faut vraiment se prendre pour les plus beaux partis et les plus intelligents de la planète pour raisonner de la sorte ! Il faut être de mauvaise foi pour refuser de se demander pourquoi les filles du monde entier se marient avec des étrangers et pas les musulmanes.
Ces dernières seraient-elles plus moches, ou plus parfaites, plus pures, ou moins fréquentables ? La crème ou le rebut de la féminité ? Sachant que la réponse à chacun de ces qualificatifs peut être une injure faite aux musulmanes elles-mêmes, comme elle peut être une injure faite au reste de l’humanité.
Pourtant, vous avez là, cheikhs suprêmes, un moyen de régler le problème et de dissuader les musulmanes de demander leur dû : les laisser épouser des étrangers. Ainsi, elles ne vous disputeraient plus le magot, et Dieu les pourvoirait d’une part égale sous d’autres cieux !
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