Élection de João Lourenço en Angola : le successeur de José Eduardo dos Santos peut-il surprendre ?

Le nouveau président angolais João Lourenço devra jouer serré pour mener à bien ses réformes économiques et institutionnelles. Avant de partir, son prédécesseur a verrouillé le système à son avantage.

João Lourenço le jour des élections générales, à Luanda, le 23 août 2017. © Bruno Fonseca/AP/SIPA

João Lourenço le jour des élections générales, à Luanda, le 23 août 2017. © Bruno Fonseca/AP/SIPA

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Publié le 30 août 2017 Lecture : 3 minutes.

En remportant plus de 60 % des voix lors des élections générales du 23 août – selon les chiffres provisoires publiés deux jours plus tard par la Commission nationale électorale et contestés par l’opposition –, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) assure à João Lourenço une majorité confortable au Parlement. Une victoire sans suprise, bien que moins large que ne l’espérait le parti.

Un pays en pleine crise économique

Âgé de 63 ans, l’ancien ministre de la Défense et actuel vice-président du MPLA succède à José Eduardo dos Santos, qui laisse sa place après trente-huit années au sommet de l’État.

Les mouvements sociaux ont pris de l’ampleur, et dos Santos est très critiqué au sein du MPLA pour sa gestion de la crise

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Il s’est engagé à répondre aux doléances de ses compatriotes, dont une grande majorité est privée des fruits du miracle économique qu’a vécu le pays après la fin de la longue guerre civile (1975-2002).

Un sentiment exacerbé depuis trois ans par la crise que vit l’Angola, deuxième producteur africain de pétrole, à cause de la chute des cours du brut. Privé d’une partie des pétrodollars qui ont inondé tous les secteurs (construction, banques, importations), assurant la quasi-totalité de ses rentrées de devises et plus de 70 % de ses revenus, l’Angola, endetté, est au bord de la faillite.

Il devra négocier avec les enfants de dos Santos, qui ont la mainmise sur les finances angolaises

Les mouvements sociaux ont pris de l’ampleur, et dos Santos est très critiqué au sein du MPLA pour sa gestion de la crise. Selon Daniel Ribant, conseiller en diplomatie économique et spécialiste de l’Angola, un projet de dévaluation est d’ailleurs sur la table, et pourrait être mis en œuvre « avant la fin de l’année ».

Plusieurs objectifs

Le défi principal du futur président, formé en ex-URSS et vétéran de la guerre d’indépendance, sera donc de mener à bien les réformes économiques dont le pays a besoin. Mais il devra aussi respecter l’une des promesses qui lui ont permis d’être le candidat du parti : celle de préserver les intérêts, nombreux, de « Zedu » – le surnom de son prédécesseur –, de la famille de ce dernier et des cadres du MPLA, comme le général Manuel Hélder Vieira Dias « Kopelipa » ou le vice-président Manuel Vicente.

En tant que président du MPLA, dos Santos conservera le pouvoir ultime », explique Paula Cristina Roque

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Une marge de manœuvre limitée donc, d’autant plus que dos Santos a verrouillé le système avant de partir : il garde la main sur les nominations de généraux et a placé ses enfants à des postes clés –  sa fille, Isabel, est à la tête de la Sonangol, la société pétrolière nationale, tandis que son fils, José Filomeno, dirige le fonds souverain.

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« Il reste un inconnu peu charismatique, mais c’était aussi le cas de dos Santos lorsqu’il a succédé à Agostinho Neto, en 1979. Cela ne l’avait pas empêché de venir à bout de la guerre civile, d’entamer la reconstruction et de rester au pouvoir près de quarante ans », rappelle Jon Schubert, anthropologue politique et chercheur à l’Université de Genève.

Lourenço pourra néanmoins compter sur les courants réformistes qui ont émergé depuis quelques années au sein du parti

Pour Paula Cristina Roque, de l’Institut sud-africain des affaires internationales, « réformer l’économie implique une décentralisation politique, qui aura un impact sur des intérêts puissants. Il devra donc négocier avec les enfants de dos Santos, qui ont la mainmise sur les finances angolaises ».

Le nouveau président devra par ailleurs s’attaquer aux institutions et à l’appareil de sécurité, alors que le pays est confronté à des menaces régionales croissantes. « En tant que président du MPLA, dos Santos conservera le pouvoir ultime, poursuit Paula Cristina Roque. Il peut approuver les lois proposées ou leur opposer un veto, et dirigera la politique étrangère. »

Lourenço pourra néanmoins compter sur les courants réformistes qui ont émergé depuis quelques années au sein du parti.

Plus connue que son mari, la première dame pourrait en effet devenir sa première alliée

« En voyant les résultats de l’élection, il y a eu un certain soulagement au sein du MPLA, car beaucoup craignaient une cohabitation, juge Daniel Ribant. Cela devrait pousser les cadres à prendre la mesure du problème, et donc à accepter les réformes. »

Lourenço s’appuiera aussi sur son épouse, Ana Dias, ancienne économiste à la Banque mondiale et ministre du Plan de 1997 à 2012. Plus connue que son mari, la première dame pourrait en effet devenir sa première alliée.

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