Mercato 2017 : l’année de tous les records

Cette année, les clubs européens ont dépensé sans compter pour s’offrir les meilleurs joueurs mondiaux. Des opérations spectaculaires qui ont visé de nombreux joueurs d’origine africaine.

Kylian Mbappé, le 19 mars 2017. © David Vincent/AP/SIPA

Kylian Mbappé, le 19 mars 2017. © David Vincent/AP/SIPA

Alexis Billebault

Publié le 5 septembre 2017 Lecture : 5 minutes.

Le Français Paul Pogba, avec son passage en 2016 de la Juventus Turin à Manchester United pour 110 millions d’euros, dont 5 millions de bonus, n’aura été détenteur de la palme du transfert le plus onéreux du football mondial que l’espace d’un an. Le temps pour le Paris Saint-Germain de débourser 222 millions d’euros pour le Brésilien Neymar (FC Barcelone) et 180 millions d’euros pour l’attaquant français d’origine algéro-camerounaise Kylian Mbappé (AS Monaco), et pour son rival catalan d’attirer, avec Ousmane Dembélé (Borussia Dortmund), un autre produit de la formation tricolore en échange d’un chèque de 145 millions d’euros. Mais ce fol été a aussi permis à des footballeurs africains de s’incruster dans la liste des opérations les plus spectaculaires.

Ainsi, le Guinéen Naby Keïta (RB Leipzig, en Allemagne) devient le joueur africain le plus cher de l’histoire. Il rejoindra le 1er juillet 2018 le club anglais de Liverpool, qui s’était déjà offert en juin l’attaquant égyptien Mohamed Salah (AS Roma) pour 42 millions d’euros.

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La somme versée par les Reds varie selon les sources. La presse britannique évoque un montant de 52 millions d’euros, correspondant à la clause libératoire fixée par Leipzig pour laisser partir son milieu de terrain, tandis qu’un média allemand estime que la transaction en a coûté 70 millions.

Liverpool, qui avait déjà versé 41,2 millions d’euros en juin 2016 pour le Sénégalais Sadio Mané (FC Southampton), aura donc été un des grands animateurs du mercato « africain » 2017. Mais d’autres clubs ont massivement investi sur des joueurs originaires du continent : Monaco avec l’international sénégalais Keita Baldé (Lazio Rome, 30 millions), Tottenham avec l’Ivoirien Serge Aurier (PSG, 25 millions) et Rennes avec le Sénégalais Ismaïla Sarr (FC Metz, 17 millions).

Des investissements qui profitent à beaucoup dans le monde footballistique

À qui profite toute cette manne financière que draine le football européen ? Aux clubs vendeurs, bien sûr, et aux joueurs, qui voient leur salaire augmenter dans des proportions substantielles. Keïta pourrait ainsi toucher à Liverpool autour de 600 000 euros par mois, alors qu’il émarge à 225 000 euros à Leipzig.

La valeur des joueurs est montée d’un cran

Mais également aux clubs formateurs. Santoba FC, la formation de Conakry où Keïta a commencé sa carrière, va toucher une somme appelée « contribution de solidarité » que lui reversera Leipzig une fois l’argent de Liverpool encaissé. « La valeur des joueurs est montée d’un cran. On avait plutôt l’habitude de voir de tels tarifs pour de très bons attaquants », note Vincent Chaudel, expert sport du cabinet parisien Wavestone.

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Toutefois, les meilleurs joueurs africains ne sont pas subitement devenus bancables par la grâce de l’effet domino du transfert de Neymar en France. En 2016, outre la signature de Mané chez les Reds, l’Ivoirien Éric Bailly (Villarreal, Espagne), l’Algérien Islam Slimani (Sporting Portugal, de Lisbonne) et le Congolais (RD Congo) Yannick Bolasie (Crystal Palace, Angleterre) avaient rejoint respectivement Manchester United, Leicester City et Everton pour 38, 30 et 29 millions d’euros.

« On parle de joueurs pour la plupart nés en Europe, ou qui y sont arrivés relativement jeunes et y ont été formés avant de démarrer leur carrière professionnelle. Donc, aujourd’hui, ils ont la même valeur qu’un Européen ou qu’un Sud-Américain, tant au niveau des transferts que des salaires. Et cela n’est pas forcément nouveau », intervient l’agent français Stéphane Canard, qui représente notamment les intérêts de l’international tunisien Aymen Abdennour, récemment prêté par Valence (Espagne) à Marseille.

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Des transferts qui n’auront pas d’influence directe sur les footballeurs africains qui jouent sur continent

Mais si certains transferts réalisés en Europe atteignent des montants très élevés, il ne faut pas s’attendre à une inflation pour les footballeurs africains évoluant encore sur leur continent d’origine. « Si on observe bien le marché, on s’aperçoit qu’il y a assez peu d’Africains qui arrivent directement dans les meilleurs championnats européens que sont l’Espagne, l’Angleterre, la France, l’Italie et l’Allemagne. Ils sont nombreux à rejoindre des championnats beaucoup moins relevés, et les tarifs sont relativement modestes, car il y a toujours une interrogation quant à l’adaptation du joueur. Souvent, c’est autour de 20 000 ou 30 000 euros. Cela peut monter à 200 000 ou 300 000 euros », reprend Nicolas Onissé, qui travaille avec plusieurs footballeurs africains. Mais rarement plus.

Au début de 2016, le KRC Genk de Belgique avait payé 500 000 euros pour racheter les quatre derniers mois de contrat du buteur tanzanien Mbwana Samatta au TP Mazembe, et dont la valeur marchande est aujourd’hui beaucoup plus importante. « En général, les clubs européens identifient très vite un talent quand il est jeune. Un Africain qui arrive en Europe à l’âge de 24 ou 25 ans, c’est très rare. Il ne faut donc pas s’attendre à ce que les montants des transactions explosent dans les années à venir », suppose Vincent Chaudel.

« Cela sera peut-être le cas si un Africain du continent réalise par exemple une grosse performance lors d’une Coupe du monde ou d’une CAN, ou s’il inscrit dix buts en Ligue des champions africaine », ajoute Stéphane Canard.

Les clubs européens, attentifs à ce qui se passe en Afrique, pourraient être tentés d’y renforcer leur présence, notamment en signant des partenariats avec des académies ou des centres de formation, comme l’a fait le FC Metz avec les Sénégalais de Génération Foot.

Il vaut mieux former un joueur qu’on a choisi, qu’on connaît, dans sa propre structure, à un coût moins élevé

« Ce sera toujours plus rassurant pour des Européens de s’appuyer sur des structures qui ont fait leur preuve. Ainsi, les clubs européens pourront, grâce à leur partenaire local, repérer plus facilement des joueurs avec un potentiel, les intégrer à la structure africaine, avant de les faire venir en Europe », explique l’ancien international béninois Jean-Marc Adjovi-Boco, un des fondateurs de l’association Diambars, au Sénégal. L’OM a d’ailleurs visité les installations de l’académie au printemps, au point d’envisager un partenariat à moyen terme.

« Il vaut mieux former un joueur qu’on a choisi, qu’on connaît, dans sa propre structure, à un coût moins élevé, plutôt que de dépenser une plus grosse somme pour un élément avec lequel il y aura moins de garanties de réussite », ajoute l’ancien défenseur des Écureuils du Bénin. L’argent a beau couler à flots dans certains championnats européens, les clubs ne sont pas (tous) prêts à dépenser sans compter…

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