Ngueto Tiraina Yambaye : au Tchad, « nous voulons donner plus de place au secteur privé »

Alors que N’Djamena va tenter de collecter 3 milliards d’euros à Paris début septembre, le ministre tchadien de l’Économie et de la Planification du développement défend les efforts engagés par le pays pour relancer son économie.

Madjiasra Nako

Publié le 5 septembre 2017 Lecture : 4 minutes.

Plus de 2 000 milliards de F CFA (3 milliards d’euros). C’est le montant qui manque au Tchad, sur un total de 5 000 milliards, pour boucler le financement du programme quinquennal 2017-2021 de son nouveau plan de développement « Vision 2030 : le Tchad que nous voulons ». Alors que l’économie du pays est malmenée par l’effondrement du cours du pétrole, qui représentait 70 % de ses recettes budgétaires, son gouvernement tentera de collecter cette somme auprès d’investisseurs à Paris, du 6 au 8 septembre.

« Le Tchad reste attaché à ses partenaires traditionnels – la Banque mondiale et le FMI –, mais il est ouvert à tout autre investisseur et à tout modèle de financement », explique Ngueto Tiraina Yambaye. Le ministre de l’Économie et de la Planification du développement assure que le pays, qui a jusqu’ici fondé sa stratégie de développement sur les investissements publics, veut davantage s’appuyer sur les acteurs privés.

Nos projets sont jugés rentables. Nous ne venons pas nous endetter

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Avec plus de 40 millions d’hectares de terres cultivables disponibles, des possibilités existent pour ces derniers dans l’élevage ou l’agriculture. Au total, quelque 300 projets devraient être présentés lors de la réunion de Paris.

À quelques jours de l’échéance, Ngueto Tiraina Yambaye a répondu aux questions de Jeune Afrique sur la santé de l’économie du Tchad et sur les différentes pistes que son pays explore pour enfin se relancer.

Jeune Afrique : Le taux d’endettement du Tchad, estimé à 45 % du PIB en 2016, était déjà considéré comme intenable. Des campagnes de financement comme celle que vous organisez à Paris en ce début septembre ne contribuent-elles pas à aggraver la situation ?

Ngueto Tiraina Yambaye : Notre taux d’endettement n’est pas aussi élevé qu’on le croit. Contrairement aux chiffres que vous avancez, il n’est que de 28 %. Ensuite, il y a un postulat économique qui dit qu’on ne peut être riche que par le crédit. Cependant, pour éviter toute surprise, nous avons fondé nos simulations sur des hypothèses peu ambitieuses, même si notre potentiel est bien plus important. Il nous manque aujourd’hui  2 081 milliards de F CFA [environ 3,2 milliards d’euros], ce n’est pas la mer à boire. Nous allons à Paris avec des projets jugés rentables à la base. Pas pour endetter le Tchad.

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Les finances publiques du pays ont été sérieusement mises à mal par l’effondrement du cours du pétrole. Dans quel état sont-elles aujourd’hui ?

L’économie reprend grâce aux mesures drastiques prises par le gouvernement. Nous arrivons à payer les salaires. Nous avons bon espoir d’éponger les dettes et de permettre la relance de l’économie.

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D’après les analystes, le remboursement de la dette Glencore [de 1,5 milliard de dollars, contractée en 2012] étouffe le Trésor public… Avez-vous trouvé un accord avec ce géant du négoce ?

La dette Glencore a été contractée à une période faste de l’économie pétrolière. Depuis, les choses se sont corsées. Nous en avons fait une relecture avec les institutions de Bretton Woods, qui nous accompagnent dans le cadre d’un programme de trois ans. Elle n’est donc plus un obstacle majeur pour le Trésor public. Les discussions entre le gouvernement et Glencore continuent en vue de son rééchelonnement.

Quelle est la contrepartie de l’appui que le FMI apporte au Tchad ? Avez-vous prévu de vendre des actifs détenus par l’État ?

Notre stratégie est d’accroître les ressources intérieures de l’État. Le ministère des Finances travaille à augmenter la population des contribuables. Les performances en matière de recouvrement des recettes domestiques sont probantes, et je pense que le Tchad n’a pas besoin de vendre d’actifs. En contrepartie, le FMI nous apporte un appui budgétaire. C’est la crédibilité de mesures prises par le gouvernement qui l’ont convaincu. Son crédit salue la bonne volonté du gouvernement en vue de restaurer les équilibres macroéconomiques.

Le monde rural, qui représente 80 % de l’économie de notre pays, n’a jamais été financé

La diversification de l’économie tchadienne apparaît comme la priorité des priorités. Mais le pays part de loin. Quelles sont les pistes du gouvernement pour rattraper ce retard ?

La diversification de l’économie est un des principaux axes de notre plan national de développement. Le monde rural, qui représente 80 % de l’économie de notre pays, n’a jamais été financé. Nous voulons notamment donner plus de place au secteur privé. Nous allons ainsi à Paris pour offrir des possibilités nouvelles dans les secteurs sous-financés, voire vierges, de l’agriculture, des mines et de la culture.

Vous comptez attirer des investisseurs, mais le climat des affaires reste pollué par la corruption et les difficultés administratives…

Depuis 2016, le Tchad a significativement amélioré son climat des affaires. La crise actuelle n’est pas seulement conjoncturelle, elle est aussi structurelle. C’est pourquoi nous avons engagé des réformes. Nous avons par exemple adopté une ordonnance-loi pour encadrer le partenariat public-privé afin de garantir les investissements privés. C’est dire que nous travaillons à l’amélioration du climat des affaires.

La dévaluation est une décision de politique monétaire. Aujourd’hui (…) la question n’est pas à l’ordre du jour

Fin décembre, lors du sommet de Yaoundé, les six États membres de la Cemac se sont engagés à mettre en œuvre des mesures d’urgence pour redresser leurs finances et remettre à flot les réserves de change de la communauté. Pourquoi ces engagements n’ont-ils pas été respectés ?

Le comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale a constaté que, huit mois après le sommet de Yaoundé, les pays membres de la Cemac ont pris leurs responsabilités. Les indicateurs macroéconomiques montrent que leurs économies repartent, avec l’appui du FMI. Je dirais donc que ces engagements sont en train d’être respectés.

La dévaluation du franc CFA de l’Afrique centrale fait l’objet de rumeurs. Qu’en est-il exactement ?

La dévaluation est une décision de politique monétaire. Aujourd’hui, les indicateurs économiques ne permettent pas aux chefs d’État de la sous-région ni à leur partenaire français d’en parler sérieusement. La question n’est pas à l’ordre du jour.

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