Télécoms : MTN et Orange dictent leur loi sur le marché camerounais du mobile banking

Les filiales des géants français et sud-africain ont suspendu le service d’Express Union transitant par leur réseau. La société de microfinance y voit une volonté de l’expulser de ce secteur.

Selon Express Union, 90 % des clients du service sont affectés. © Bloomberg via Getty Images

Selon Express Union, 90 % des clients du service sont affectés. © Bloomberg via Getty Images

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Publié le 22 septembre 2017 Lecture : 4 minutes.

L’affaire a des allures d’un combat de David contre deux Goliath. À la différence que le rapport des forces entre Express Union (EU) d’un côté et MTN Cameroon et Orange Cameroun de l’autre sur le marché du mobile banking penche avantageusement du côté des deux poids lourds des télécoms.

Depuis le mois de juillet, Orange a bloqué le numéro court qui permet à un client du leader camerounais du transfert physique d’argent d’effectuer des transactions via son réseau. Un mois plus tôt, la filiale du groupe français avait accru unilatéralement de 600 % la commission qu’elle perçoit sur toute opération Express Union Mobile Money (EUMM), un service opérationnel au Cameroun, au Gabon, au Congo et au Tchad. Son coût est ainsi passé de 20 à 153 F CFA (de 3 à 23 centimes d’euros).

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Pratiques anticoncurrentielles

En juin, MTN Cameroun avait déjà suspendu l’accès à son réseau aux clients d’Express Union. L’affaire reste pendante en justice, la société camerounaise ayant remporté la première manche en janvier, en obtenant que le service soit rétabli. Ce qui a été fait jusqu’au 31 mai 2017, date où il a été à nouveau interrompu. Résultat : la société de microfinance (64 millions d’euros de total du bilan en 2016) est convaincue que les deux mastodontes des télécoms veulent l’expulser du marché du transfert d’argent via les mobiles.

Si l’ampleur du préjudice financier reste à déterminer, les conséquences de ce qu’on qualifie de « pratique anticoncurrentielle » au sein du groupe camerounais n’ont pas tardé à apparaître. « C’est plus de 90 % de notre portefeuille clientèle sur ce service qui se trouve affecté et nous avons dû redéployer une partie de notre personnel consacré à d’autres activités », affirme Foning Teutsong, le directeur des transferts mobiles d’Express Union.

Expiré

Invariablement, les opérateurs avancent une même réponse. « Nous n’avons pas de partenariat direct avec Express Union », objecte Valentin Siméon Zinga, le chef du département communication institutionnelle et relations publiques d’Orange Cameroun. « Le code d’accès à notre réseau appartient à la société LMT Group, avec qui nous avions un contrat pilote de fourniture de services via celui-ci. Ce contrat a expiré. Nous avons décidé de ne pas le reconduire et, par conséquent, de ne plus autoriser la fourniture des services à travers le portail », ajoute de son côté Jean Melvin Akam, de la cellule de communication de MTN.

Sollicité, Roger Nono, le patron de la société camerounaise LMT Group, fournisseur de services à valeur ajoutée et partenaire technique d’Express Union, n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Le leader local du transfert d’argent n’est pas le premier à s’être heurté aux deux opérateurs

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La gestion contractuelle des offres d’accès à leurs réseaux via des codes spécifiques fait pour le moment pencher la balance en faveur des opérateurs, qui peuvent dicter leur loi. Pour rétablir un relatif équilibre, Minette Libom Li Likeng, la ministre des Postes et Télécommunications, a récemment demandé à l’Agence de régulation des télécommunications d’obliger les compagnies de téléphonie à intégrer ces offres dans leurs catalogues. Jusqu’ici, les opérateurs, qui doivent obtenir le feu vert du régulateur pour tous les services qu’ils proposent à leurs clients, en étaient dispensés pour le mobile banking au Cameroun. Désormais, toutes les offres liées à cette activité pourraient ainsi être régulièrement examinées.

Un business très convoité

Le 3 février, Express Union a sollicité une autorisation auprès des autorités d’exercer dans le domaine de l’émission de la monnaie électronique. Mais la requête s’est vue opposer une fin de non-recevoir. La société de microfinance a conscience des potentialités du mobile money. Depuis son lancement en 2011, le marché camerounais, dominé par Orange avec plus de 60 % de parts de marché – suivi par MTN qui capitalise 35 % –, a connu une croissance continue. Il a même explosé au cours des trois dernières années.

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La valeur des transactions effectuées est passée de moins de 200 milliards à plus de 870 milliards de F CFA (moins de 304 millions à plus de 1,3 milliard d’euros) entre 2014 et 2016, soit une hausse de 159 %, selon le ministère des Finances. Plus de 84 millions de transactions ont été réalisées lors de l’année écoulée. Un marché convoité qui attire d’autres acteurs, à l’instar d’Ecobank Cameroun.

Aujourd’hui, l’activité des transferts d’argent sur mobile d’Express Union ne survit qu’à travers son application mobile spécialisée. Une possibilité qu’exploitent d’autres entreprises s’étant lancées dans le mobile banking et voulant éviter le diktat des opérateurs. « Il y a cependant une double contrainte : avoir une bonne connexion pour pouvoir la télécharger mais aussi pour effectuer ses opérations. Ce qui n’est pas aisé pour le commun de notre clientèle », regrette Foning Teutsong.

Crispé

« On assiste à une volonté claire d’exclure EU de ce marché », affirme un analyste. Mais le cas de cette entreprise n’est pas isolé. Notre expert cite l’expérience du Monifone, un service de mobile money lancé en 2011 par Société générale avec le concours technique de l’entreprise californienne Obopay et arrêté trois ans plus tard. L’expérience reste en travers de la gorge du groupe bancaire français.

« La banque s’est heurtée au manque de coopération des deux opérateurs [Orange et MTN], qui se sont appliqués à rendre le service inopérant », ajoute-t-il. Un écueil qu’Ecobank Cameroun a su contourner pour ses services de mobile banking et de mobile money. Des partenariats au plus haut niveau se sont noués entre sa maison mère et les opérateurs français et sud-africain. Ce qui laissait peu de marge aux filiales.

Le bras de fer actuel met à nu les failles de l’environnement camerounais. « Contrairement au Gabon, qui accompagne le développement de ce type de services à valeur ajoutée en favorisant des convergences entre les différents acteurs, le Cameroun reste crispé autour de préoccupations sécuritaires liées à la lutte contre Boko Haram », fait valoir notre observateur. Ce dernier espère toutefois que la loi sur le transfert d’argent, en gestation, prendra en compte cette problématique.

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