Essai : immersion dans l’esprit d’une rescapée du génocide des Tutsi
Dans son livre, Annick Kayitesi-Jozan revient sur son parcours, ses souvenirs et les atrocités commises durant le génocide au Rwanda.
En langue rwandaise, « bonjour » se dit « mwaramutse ». Littéralement : « Tu n’es pas mort dans la nuit ? » L’« incertitude de l’existence » traduite dans cette expression hante les pages de Même Dieu ne veut pas s’en mêler, le dernier livre d’Annick Kayitesi-Jozan. Rescapée du génocide des Tutsis, recueillie en France en 1994 à l’âge de 14 ans, elle avait raconté son histoire une décennie plus tard dans Nous existons encore (Michel Lafon) avec l’appui d’une coauteure. Pour cette autobiographie cathartique, elle tient cette fois la plume, avec laquelle elle détaille les épreuves traversées dans toute leur cruauté.
Revenir sur le passé
« Il est difficile de savoir quoi faire de ces souvenirs, confie-t‑elle. Il faut que cela sorte. Mais à l’oral on prend toujours des gants : c’est trop dur à entendre. Alors que la nuit, quand j’écris, je n’ai pas de filtre. » Il en résulte un livre rude, dont le grand intérêt est de laisser entrevoir la psyché d’une rescapée. Que peut bien vouloir dire, par exemple, la « réconciliation », formule tant de fois répétée au sujet du Rwanda postgénocide ? En décrivant sa rencontre avec les assassins des siens, Annick Kayitesi-Jozan en montre toute l’impossibilité. « J’ai discuté avec eux à la façon rwandaise, écrit-elle. Je savais qu’ils les avaient tués, ils savaient que je savais, mais nous faisions comme si rien ne s’était passé. »
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