Maroc : ballon d’or diplomatique

Après son grand retour au sein de l’Union africaine, le royaume a actionné un autre levier et non des moindres pour asseoir son influence sur le continent : le football.

Fouzi Lekjaa, Gianni Infantino et Ahmad Ahmad, le 18 juillet, à Skhirat. © AFP

Fouzi Lekjaa, Gianni Infantino et Ahmad Ahmad, le 18 juillet, à Skhirat. © AFP

Alexis Billebault fahhd iraqi

Publié le 29 septembre 2017 Lecture : 4 minutes.

Des doutes sur la capacité du Gabon à accueillir la dernière Coupe d’Afrique des nations (CAN 2017) au lendemain d’une élection présidentielle mouvementée ? Le Kenya en difficulté pour organiser le Championnat d’Afrique des nations (Chan) en janvier 2018 ? Une réforme de la compétition phare de la Confédération africaine de football (CAF) trop difficile à supporter pour le Cameroun, pays hôte de la CAN 2019 ? À chaque fois, le plan B évoqué a été le Maroc. Cela est tout sauf un hasard…

Le royaume, qui s’est porté officiellement candidat à l’organisation du Mondial 2026, dispose de stades modernes, d’infrastructures hôtelières parmi les meilleures du continent, d’un réseau de transports en perpétuelle amélioration et, enfin, d’une stabilité politique qui lui confère une bonne image à l’international. Pourtant, le Maroc a déjà fait faux bond à la CAF en renonçant, quelques semaines avant l’événement, à l’organisation de la CAN 2015, évoquant à l’époque le risque sanitaire lié à la ­propagation du virus Ebola. Un épisode qui lui avait valu des mesures disciplinaires de la CAF, annulées en grande partie devant le Tribunal arbitral du sport (TAS).

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Réconciliation entre le Maroc et la confédération africaine de football

Mais la crise avec la confédération continentale fait désormais partie du passé. Surtout après la déposition en bonne et due forme du Camerounais Issa Hayatou après un règne de trente années sur le football africain. Son successeur, le Malgache Ahmad Ahmad, élu en mars dernier, a ouvert une nouvelle page dans les relations entre le Maroc et la CAF. Le royaume avait déjà anticipé un regain d’influence sur le continent en signant successivement plusieurs conventions de partenariat avec de nombreuses fédérations de football africaines (Comores, RD Congo, Djibouti, Bénin, Sierra Leone, Togo, Angola…) quelques mois à peine avant l’élection du président de la CAF. « Le Maroc apporte un soutien financier pour améliorer la qualité des stades, développer des projets de formation de joueurs, s’équiper en matériel… », explique une source de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), qui, la main sur le cœur, affirme que « le soutien marocain au football africain n’a d’autre objectif que de développer ce sport ».

L’apport marocain prend même parfois des allures de fair-play surprenant : la FRMF a par exemple décidé de prendre en charge les dépenses de la sélection du Malawi, engagée dans le même groupe que les Lions de l’Atlas pour la qualification à la CAN 2019 et qui avait un temps déclaré forfait. La FRMF a également débloqué une enveloppe de 5 millions de dollars pour aider le football malawite à se développer.

Un pays actif dans le monde footballistique

« Le Maroc entend reprendre sa place légitime dans toutes les organisations continentales », déclarait Fouzi Lekjaa, président de la FRMF, à la veille des élections de la CAF, soit deux mois après que le royaume eut retrouvé son siège au sein de l’Union africaine (il s’était retiré de l’ancienne OUA en 1984). Pour ce scrutin, la diplomatie marocaine s’était tout entière mobilisée pour permettre au patron du football national de retrouver un siège au sein du comité exécutif de la Confédération, après quinze années de politique de la chaise vide (lire encadré ci-contre). Salaheddine Mezouar, alors ministre des Affaires étrangères, avait réuni tous les ambassadeurs du royaume afin qu’ils prennent leur part dans la campagne de Fouzi Lekjaa. Lequel décrochera haut la main une place au sein du comité exécutif de la CAF en battant le représentant de la fédération algérienne, Mohamed Raouraoua, par 41 votes contre 7. Mieux encore, entre le président de la FRMF et le nouvel homme fort de la CAF, les relations sont devenues de plus en plus étroites.

Outre les nombreux déplacements d’Ahmad Ahmad au Maroc – dont son premier voyage officiel effectué onze jours après son élection –, la Confédération africaine a choisi le royaume pour tenir, en juillet 2017, sa dernière réunion du comité exécutif et une assemblée générale extraordinaire. Profitant de ces rencontres formelles réunissant tous les responsables du football africain, le royaume a même organisé le plus grand rassemblement footballistique jamais tenu sur le continent en lui conférant une dimension internationale avec la présence du président de la Fifa, Gianni Infantino. Le symposium de la CAF tenu à Skhirat le 18 juillet a ainsi réuni tous les acteurs du football africain, notamment les joueurs, arbitres, entraîneurs, dirigeants, mais aussi d’anciennes gloires du ballon rond africain pour « installer un esprit de travail sain, une atmosphère de partage pour tirer les leçons du passé et se projeter vers l’avenir », comme l’a souligné Ahmad Ahmad à l’ouverture de cet événement.

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Même dans l’organisation actuelle de la FRMF, l’Afrique a une place de choix dans l’organigramme. Parallèlement à sa réélection fin juillet, Fouzi Lekjaa a mis en place une commission consacrée aux relations avec les pays africains. Et pour la piloter, le choix s’est porté sur Hamdi Ould Rachid, plus connu comme politicien sahraoui fervent défenseur de la cause marocaine que comme un habitué des stades africains. « Le Maroc, avec cette diplomatie footballistique, sait parfaitement ce qu’il fait. Cela sert ses intérêts politiques et économiques, bien sûr. Mais il y a aussi le football : si nous voulons avoir une chance d’organiser la Coupe du monde, il faut d’abord disposer d’appuis solides en Afrique, le continent que nous voulons représenter », conclut notre source à la FRMF.

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