Chinafrique : à Djibouti, l’emprise du Milieu

Pékin a choisi le pays pour installer sa première base militaire hors d’Asie. Pas étonnant au regard de ses ambitions pour la région.

Inauguration de la base militaire chinoise de Doraleh, le 1er août. © STR/AFP

Inauguration de la base militaire chinoise de Doraleh, le 1er août. © STR/AFP

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Publié le 28 septembre 2017 Lecture : 3 minutes.

Le 11 mai, à Nairobi, une enseignante portant le costume chinois. © Sun Ruibo/XINHUA-REA
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Quoi de neuf en Chinafrique ?

Entre l’empire du Milieu et le continent africain, les relations ne s’envisagent plus seulement sous l’angle économique.

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La Chine a profité de la dernière décennie pour faire une entrée remarquée à Djibouti. En quelques années, l’empire du Milieu a fait de la petite République sa principale voie d’accès sur l’Afrique, en même temps que la première perle du collier qu’il entend tirer à travers l’océan Indien pour sécuriser ses approvisionnements. « Depuis 2013 et la prise de participation, à hauteur de 23,5 %, de China Merchants Holding International (CMHI) dans le capital du port, Pékin a gagné, en quelques années seulement, ses galons de premier partenaire économique et commercial du pays », affirme, calculette à la main, Ali Daoud Houmed, le directeur général du Fonds de développement économique de Djibouti (FDED).

En plus d’y compter plus de 4 000 ressortissants, l’empire du Milieu a investi près de 14 milliards de dollars (12 milliards d’euros) dans le pays. Les capitaux chinois ont permis de redessiner la capitale, et au pays d’inaugurer de nouveaux terminaux portuaires le long de son littoral – les opérations du dernier en date ont démarré en mai – ou de moderniser la liaison ferroviaire qui doit rallier Addis-Abeba avant la fin de cette année. Plus de 500 entreprises chinoises, créatrices de dizaines de milliers d’emplois locaux, vont être délocalisées à moyen terme sur l’immense zone franche de 48 km² en cours de viabilisation sur la baie de Doraleh, en attendant les milliers de touristes espérés à Obock, dans le Nord.

Nous n’avons pas tendu la main au diable, mais saisi une opportunité », prétend  Mahmoud Ali Youssouf

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Une nouvelle étape semble avoir été franchie depuis le début de cette année, avec l’implantation en février de la Silk Road Bank, premier établissement financier chinois dans le pays comme sur le continent, bientôt suivie par l’Exim Bank of China, dont le siège est en cours de construction dans la capitale. Autant d’arrivées qui relancent la rumeur, déjà tenace, de la création d’une zone yuan susceptible de remplacer le dollar américain pour unifier le birr éthiopien et le franc djiboutien. Une perspective qui ne manque pas d’affoler certaines chancelleries occidentales, inquiètes devant la mainmise économique de Pékin, qui détient actuellement plus de 60 % de la dette djiboutienne. « Les autres pays nous ont tourné le dos quand la Chine a accepté de nous aider. Nous n’avons pas tendu la main au diable, mais saisi une opportunité », rassure Mahmoud Ali Youssouf, le ministre djiboutien des Affaires étrangères.

Le « hard power » chinois à Djibouti

La grosse affaire de ces derniers mois n’est pas économique mais militaire, avec l’ouverture de la première base militaire chinoise hors de la mer de Chine. L’autorisation délivrée par les autorités djiboutiennes, pour un bail de dix ans et moyennant une redevance annuelle de 20 millions de dollars, a passablement irrité les alliés américains et japonais, qui n’auraient pas hésité à faire courir les bruits les plus alarmistes, comme l’affectation à terme de plus de 10 000 soldats de l’Armée populaire de libération… « Il n’en a jamais été question, et cela n’arrivera jamais », insiste Mahmoud Ali Youssouf, qui comprend l’insistance chinoise à affirmer sa présence militaire dans la région « afin de protéger ses intérêts commerciaux alors qu’un tiers des trafics maritimes transitant aujourd’hui par le détroit de Bab al-Mandab est d’origine chinoise ».

Si l’influence grandissante de la Chine dérange, elle semble néanmoins parfaitement s’insérer dans la stratégie de développement définie par les autorités djiboutiennes. « La Chine veut faire du pays le hub par lequel transiteront ses flux physiques et financiers sur le continent », rappelle le responsable du FDED, entretenant le rêve de la petite République de devenir « le Dubaï de l’Afrique ». En espérant que cela ne se fasse pas au prix de sa souveraineté, au moment même où le pays fête les quarante ans de son indépendance.

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