Musique : l’afrobeat pulse encore

La rentrée musicale est marquée par la sortie de plusieurs pépites groovy… toutes créées hors d’Afrique.

The Souljazz Orchestra. © Alexandre Mattar

The Souljazz Orchestra. © Alexandre Mattar

leo_pajon

Publié le 26 septembre 2017 Lecture : 2 minutes.

Vingt ans après la mort de Fela, réduit au silence par le sida le 2 août 1997, l’afrobeat n’en finit pas d’émoustiller les tympans des amateurs. Mais, en cette rentrée, ce n’est plus au Nigeria que se concoctent les meilleurs morceaux du genre. Si Seun et Femi Kuti ont dignement repris le flambeau de leur rugissant paternel, ils n’ont pas été en studio depuis plusieurs années. Et les trois très bons albums qui viennent secouer la rentrée ont tous été réalisés hors d’Afrique.

Le premier, intitulé The Source et signé du grand Tony Allen, batteur et coïnventeur de l’afrobeat avec le leader d’Africa 70, flirte avec le funk et le jazz. Habitant depuis plus de trente ans en France, le virtuose nigérian de la baguette a naturellement enregistré son disque en banlieue parisienne. Les deux autres albums viennent d’outre-Atlantique : Where the Gods Are in Peace, par les New-Yorkais d’Antibalas, et Under Burning Skies, du collectif canadien The Souljazz Orchestra.

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Conçu hors d’Afrique, l’afrobeat a-t‑il pour autant perdu son « ADN africain » ? Bien au contraire. Le Souljazz Orchestra, par exemple, fidèle à l’afrobeat des origines, mène en parallèle depuis quinze ans un impressionnant travail d’exploration d’autres musiques africaines (coupé-décalé, zouglou, n’dombolo). Sur ce nouvel album, la formation canadienne reprend Is Yeelyel, un titre obscur d’un supergroupe somalien, Dur-Dur Band… que même les puristes du pays ont oublié. Le morceau étant introuvable autrement, ils se sont inspirés d’un vieux live sur une cassette VHS pour proposer leur propre version.

Des invités africains viennent également épicer l’album, comme le Nigérian Mabinuori Kayode Idowu (auteur de la biographie de référence Fela le combattant) ou le chanteur Élage Mbaye, originaire de Saint-Louis, au Sénégal. « On a décidé de réinterpréter Aduna Jarul Naawo, d’Orchestra Baobab, composée par le chanteur Ndiouga Dieng, raconte Pierre Chrétien, leader du Souljazz Orchestra. Quelque chose de très spécial s’est passé durant l’enregistrement du morceau, le soir du 9 novembre 2016. Élage semblait particulièrement inspiré ce soir-là, il chantait de façon envoûtante… On a ensuite appris qu’au même moment, de l’autre côté du globe, M. Dieng rendait l’âme au Sénégal. »

Héritage africain cherche musicien d’exception

Comment expliquer que l’afrobeat, porté par des musiciens d’exception revisitant intelligemment le meilleur du patrimoine musical du continent, soit sur le déclin, surclassé dans les charts par l’ultrapopulaire et commercial afrobeats (Wizkid, Davido…) ? Pour comprendre, il faut se poser des questions simples. Comment           « vendre » aux radios de très longues plages musicales (10’54” pour la première piste du disque d’Antibalas !), quand le maximum toléré sur les ondes tourne autour de trois minutes ? Surtout, comment nourrir un band de douze musiciens ou plus quand les artistes ont déjà du mal à survivre en solo, et remettre la politique au centre des dancefloors ?

« Je pense que l’économie de la musique définit aujourd’hui notre manière de faire de la musique, estime Martín Perna, fondateur d’Antibalas. L’approche est devenue plus individualiste, reflétant les rêves et les aspirations de notre époque, plus qu’une vision partagée, ancrée dans le social. Mais la musique protestataire de Fela, Miriam Makeba ou Thomas Mapfumo reste une source d’inspiration, et elle peut toujours revivre tant que les gens n’oublient pas cet héritage. »

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