Stratégie : le temps des PME

Conscientes des opportunités qu’offre le continent, de grandes entreprises hexagonales y prospèrent, mais les petites et moyennes entreprises peinent à suivre. De nouvelles perspectives semblent cependant s’ouvrir avec l’engagement du gouvernement français en matière d’aide aux financements.

Les membres du Medef reçoivent leurs homologues africains à l’occasion de l’African Employers’ Day, en septembre 2016, à Paris. © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Les membres du Medef reçoivent leurs homologues africains à l’occasion de l’African Employers’ Day, en septembre 2016, à Paris. © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Julien_Clemencot

Publié le 4 octobre 2017 Lecture : 6 minutes.

Intérieur de l’agence de Orange Sonatel des Almadies à Dakar, le 25 novembre 2013. © Sylvain CHERKAOUI / JA
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Quel avenir pour les entreprises françaises en Afrique ?

Au début des années 2000, face à la compétition internationale, les entreprises françaises ont perdu de leur influence sur le continent africain. Aujourd’hui, elles semblent mieux comprendre les réalités africaines.

Sommaire

Depuis dix-huit mois, Bruno Mettling est en voie d’africanisation accélérée. Le nouveau patron des filiales africaines du groupe Orange, ancien DRH de l’opérateur passé par les cabinets ministériels français et le secteur bancaire, rattrape le temps perdu. Présent sur le terrain une semaine sur deux, il observe l’évolution du continent au travers du prisme des télécoms. En vingt ans, son groupe a multiplié le nombre de ses clients par 20 pour en compter désormais plus de 130 millions dans dix-neuf pays, de la Tunisie à Madagascar, de l’Égypte à la RD Congo. Et si Orange entend aujourd’hui se lancer dans la banque en France, c’est en grande partie grâce à sa réussite dans les services financiers au sud du Sahara. « Toutes les projections montrent que l’Afrique sera le continent clé pour la croissance du monde de demain », ne se lasse pas d’expliquer le dirigeant, impressionné par le dynamisme des pays subsahariens et conscient des possibilités qu’offre la démographie africaine.

L’ancien inspecteur des finances s’impose naturellement parmi les ambassadeurs privilégiés de la nouvelle relation économique que la France cherche à nouer avec toute l’Afrique. Il est devenu président du conseil de chefs d’entreprise France-Afrique de l’Ouest au sein du Medef, il représente Orange au sein du Conseil des investisseurs français en Afrique (Cian) et, depuis le mois dernier, est devenu coprésident d’AfricaFrance, la fondation créée sous l’impulsion du Franco-Béninois Lionel Zinsou. Comme d’autres avant lui, Bruno Mettling fait cependant le constat du recul de la présence hexagonale en Afrique.

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« Si la France a perdu 50 % de parts de marché en quinze ans, c’est qu’elle a un problème d’adaptation aux réalités africaines. Il y a sans doute des réflexions à conduire. Il faut réformer profondément la manière dont les entreprises françaises répondent à certains appels d’offres, notamment en matière de conditions de financement », estimait-il il y a quelques semaines, interrogé par RFI et Jeune Afrique.

Concurrence entre les entreprises

Mieux répondre aux besoins et aux attentes des États et des consommateurs africains, l’équation est dans toutes les têtes. Car, depuis plus d’une décennie, Chinois, Indiens, Turcs, Marocains et tant d’autres constituent une véritable concurrence face aux produits et aux services français.

Frappé d’immobilisme à la fin des années 1990 et au début des années 2000, la France n’a que tardivement pris conscience qu’elle perdait de son influence, y compris dans les pays francophones, à mesure que la compétition se focalisait sur le terrain économique. Fin 2013, le rapport rédigé, entre autres, par Hubert Védrine et l’ex-Premier ministre du Bénin Lionel Zinsou officialise le retard pris par l’Hexagone.

C’est en 2012, avec l’arrivée de Laurent Fabius au Quai d’Orsay, que le changement va commencer à s’opérer. Sous l’impulsion du ministre, son administration fait de l’appui aux sociétés françaises une de ses priorités en créant notamment une direction des entreprises. Depuis, ses successeurs font de la diplomatie économique un élément central de leur feuille de route. Le 28 août, en ouverture de la Semaine des ambassadeurs, Jean-Yves Le Drian a ainsi rappelé le rôle échu aux diplomates dans ce domaine : « L’ambassade doit être la première maison des entreprises françaises à l’international et le premier promoteur de la marque France. »

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Réaliser des projets sur le continent

Rencontré à l’occasion de cet événement, Frédéric Vaillant, dont l’entreprise Medasys, éditeur de logiciels destinés aux établissements de santé, travaille depuis cinq ans en Afrique, confirme l’importance du rôle des représentations françaises à l’étranger. « Les ambassadeurs sont très utiles pour cibler nos pays. Cela nous aide aussi à élargir notre réseau, à rencontrer les bons interlocuteurs », explique l’entrepreneur. « J’observe que, de plus en plus souvent, nous sommes consultés en amont par les sociétés qui veulent s’installer en Afrique et pas seulement en cas de crise », se félicitait également François Pujolas, ambassadeur en poste à Accra depuis 2015.

Sur le plan de l’accès aux financements, l’objectif fixé en juillet par Emmanuel Macron de porter l’aide aux pays en développement à 0,55 % du PIB français d’ici à 2022  contre 0,38 % actuellement

Mais, de l’aveu de plusieurs diplomates interrogés, quand Total, CFAO, Vinci ou Orange gagnent des marchés, les PME concrétisant leurs projets sur le continent restent quant à elles encore rares. Le nouvel ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, note que les grandes entreprises françaises qui profitent de la croissance africaine jouent rarement un rôle de locomotive en invitant leurs partenaires hexagonaux à les suivre dans leur développement international.

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Sur le plan de l’accès aux financements, l’objectif fixé en juillet par Emmanuel Macron de porter l’aide aux pays en développement à 0,55 % du PIB français d’ici à 2022 – contre 0,38 % actuellement – est évidemment une bonne nouvelle. Une partie de ces fonds sera in fine injectée dans des projets réalisés pour partie par des entreprises hexagonales.

Trouver des financements

Proparco, filiale de l’Agence française du développement (AFD) dédiée au secteur privé, avait devancé l’annonce présidentielle en affichant, en début d’année, sa volonté de doubler ses engagements d’ici à 2020 en passant de 1 à 2 milliards d’euros. Dans la foulée, l’AFD et la Caisse des dépôts française (CDC) avaient aussi créé un fonds de 600 millions d’euros pour le financement d’infrastructures, un domaine où les multinationales hexagonales comptent parmi les leaders mondiaux.

Autre instrument financier intéressant pour les PME françaises, le développement de solutions de crédit export gérées par Bpifrance et le lancement, par cette même filiale de la CDC, d’un fonds franco-africain de 77 millions d’euros, également souscrit par la Société générale, Orange et, à hauteur de 25 %, des sociétés africaines.

Avec la garantie d’investir autant dans des sociétés françaises qu’africaines, ce véhicule financier géré par AfricInvest marque par ailleurs la volonté de Paris de tourner la page de la Françafrique en participant à l’émergence de champions continentaux. Autre bonne nouvelle, le désir du gouvernement d’être tenu informé des dossiers présentés pour dénouer les points de blocage. Objectif des autorités françaises : créer 95 000 exportateurs supplémentaires, notamment sur les marchés africains.

Efficacité et organisation

Si le dispositif français n’a sans doute jamais été aussi complet, le millefeuille constitué par les agences et les services de l’État impliqués sur ce sujet (Business France, Expertise France, AFD, Proparco, BPI, les ambassades…) rend l’efficacité de l’ensemble encore incertaine. « S’internationaliser implique des financements, mais également une gestion du risque et un changement d’organisation managériale. C’est une stratégie qui implique préparation et patience », explique Pedro Novo, directeur des financements export de Bpifrance.

Le volontarisme du gouvernement en matière de soutien aux investissements à l’étranger ravit évidemment le patronat

Si celle-ci a déjà réalisé un travail de simplification des outils financiers, les procédures peuvent être améliorées. Le constat est encore plus vrai dans l’accompagnement des entreprises. Jean-Yves Le Drian le sait et entend bannir toutes les organisations en silos. « Je souhaite systématiser la coordination pour décloisonner notre stratégie de conquête des marchés », a expliqué le ministre. Afin d’y parvenir, il propose la création d’un premier guichet unique « d’entrée » dans les différentes régions françaises et d’un second guichet « de sortie » coordonné par les ambassades dans les pays cibles.

Le volontarisme du gouvernement en matière de soutien aux investissements à l’étranger ravit évidemment le patronat. Public et privé coordonnent d’ailleurs leurs efforts pour aider les PME françaises à gagner des marchés sur le continent. Début octobre, la fondation AfricaFrance, avec le soutien de Classe Export, du Quai d’Orsay et de la Société générale, organisera à Abidjan, puis à Tunis et à Nairobi, la seconde édition des Rencontres Africa. Près de 300 chefs d’entreprise français devraient faire le déplacement pour prendre contact avec 2 000 homologues africains dans le but de mettre un frein au recul français en Afrique.

Avantage Medef

Pour accompagner les entreprises françaises en Afrique, la Confédération des PME, présidée par François Asselin, devrait être en première ligne. Mais c’est le Medef de Pierre Gattaz, vitrine des groupes du CAC40, qui s’est paradoxalement imposé comme le porte-étendard des sociétés hexagonales, y compris des petites et moyennes entreprises, emmenant chaque année plusieurs milliers de patrons français en Afrique francophone, anglophone et lusophone

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