Algérie : la loi islamique au cœur de la République démocratique et populaire

Malgré des progrès apparents, notamment en matière de séparation des époux, la charia fait toujours silencieusement loi dans la République.

Meriem Belaala, le 22 septembre, à Alger, dans le refuge pour femmes qu’elle a créé. © Louiza Ammi /JA

Meriem Belaala, le 22 septembre, à Alger, dans le refuge pour femmes qu’elle a créé. © Louiza Ammi /JA

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 5 octobre 2017 Lecture : 3 minutes.

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Au fond d’une impasse algéroise noyée sous les roseaux, un chien aboie derrière un grand portail en métal. Meriem Belaala, la maîtresse des lieux, calme le cerbère et ouvre la porte sur une cour bordée de fleurs soignées. Au fond, des jeux pour enfants, un petit potager.

Un havre de paix, siège de l’association SOS Femmes en détresse. Dans les bâtiments résident en ce moment une vingtaine d’entre elles, victimes de violences conjugales, épouses ayant fui un mariage forcé, réfugiées politiques ou encore Françaises d’origine algérienne sans papiers. Avec une fougue dont elle ne se départ jamais, Belaala défend la cause féminine sur tous les fronts et préside depuis 1998 l’association fondée cinq ans plus tôt, alors que l’Algérie sombrait dans la guerre civile.

Nous devons arracher nos droits péniblement, les militantes s’essoufflent

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« Si les choses évoluent positivement pour les Tunisiennes, elles avancent beaucoup moins rapidement en Algérie et au Maroc, dont les contextes sociopolitiques sont différents. Même si l’on ne peut nier des progrès, nous devons arracher nos droits péniblement et, bien que le combat pour l’égalité soit très ancien en Algérie, les militantes s’essoufflent, éreintées par les années de terrorisme et l’idéologie islamiste, restée ancrée dans la société. Et jusque dans l’esprit de nombreuses femmes, qui peuvent jouer un rôle particulièrement négatif », explique-t-elle.

Principal cadre légal qui ordonne le régime matrimonial des Algériennes, le code de la famille promulgué en 1984 s’inspire essentiellement de la charia, la loi islamique. Répudiation, reconnaissance et garde des enfants, polygamie, héritage, etc. : l’homme y tient la part du lion.

Comment une république qui se proclame « démocratique et populaire », dont la Constitution affirme que « tous les citoyens sont égaux en droits et en devoirs » et qui a héroïsé à juste titre les combattantes de la révolution peut-elle infliger à sa meilleure moitié un tel traitement discriminatoire ? Les concessions que le législateur a alors accordées aux conservateurs et aux partisans de l’islam politique qui commençaient à s’affirmer perdurent, constate la militante.

Toujours autant d’inégalités

« Les politiques cherchent à se concilier tout le monde. Leur discours peut être libéral un jour et conservateur le lendemain, au gré du vent. » Pis, l’égoïsme masculin pousserait les plus laïcs et les plus démocrates des tribuns à refuser de remettre en question la règle qui ne laisse à la femme qu’une demi-part d’héritage, se réfugiant derrière la loi et la tradition, témoigne Belaala.

On observe une croissance effarante du nombre d’assassinats

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En 2005 puis en 2015, le code de la famille a été amendé dans un sens plus équitable, restreignant la polygamie, permettant notamment aux femmes de demander le divorce et d’obtenir la garde des enfants.

« L’évolution majeure que nous pouvons constater est le grand nombre de femmes qui demandent le divorce. Mais celles qui veulent échapper à leur calvaire conjugal doivent payer leur liberté en versant la kholea, une dot en retour. Une tradition barbare », poursuit la présidente de SOS Femmes en détresse.

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Comme la majorité des associations concernées, elle exige la suppression pure et simple du Code de la famille et l’intégration d’une législation équitable au code civil. Mais aussi l’application à la lettre des textes existants.

« La loi contre les violences faites aux femmes, votée très difficilement en 2015, est mal appliquée, et l’on observe une croissance effarante du nombre d’assassinats. »

La question de l’héritage pose aussi de plus en plus de problèmes, et les cas se multiplient dans les tribunaux. « Nous poursuivons nos actions pour faire avancer les choses, mais notre première préoccupation est de protéger nos victoires, les acquis durement obtenus étant sans cesse remis en question, y compris dans les grands médias », remarque amèrement cette combattante infatigable de la libération de l’Algérienne.

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