Fawzia Zouari : sur le droit des femmes, « la Tunisie a osé »

La journaliste et écrivaine Fawzia Zouari réagit à l’abrogation de la circulaire interdisant le mariage avec un non-musulman et analyse l’évolution du statut de la femme en Tunisie.

Fawria Zouari, écrivaine et journaliste tunisienne © Fatma Ben Hamad / JA

Fawria Zouari, écrivaine et journaliste tunisienne © Fatma Ben Hamad / JA

Fawzia Zouria

Publié le 5 octobre 2017 Lecture : 2 minutes.

Une manifestation de soutien à une jeune fille violée par la police en Tunisie, le 2 octobre 2012. © Aimen Zine/AP/SIPA
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Le « Manifeste des 180 pour l’égalité hommes-femmes », signé par des intellectuelles issues du monde arabo-musulman et publié dans le quotidien français Libération ce 12 septembre, est une première dans l’histoire du féminisme. Cette parole féminine publique centrée sur la question de l’héritage et du mariage de la musulmane avec un non-musulman était jusque-là un sujet tabou, aucun pays islamique n’ayant eu la volonté ou le courage de l’aborder de front.

La Tunisie a osé. Et ce n’est pas étonnant de la part d’un pays qui a toujours été le fer de lance de l’émancipation des femmes. On a cru, depuis la révolution, que le féminisme tunisien tournait au ralenti, remplacé par une lutte au quotidien contre une idéologie islamiste à l’œuvre et à la manette, farouchement opposée aux acquis du code du statut personnel.

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On a vu les militantes marocaines essayer de prendre le relais avec audace et ténacité sur ces mêmes sujets, tout en reconnaissant aux Tunisiennes leur rôle de pionnières. N’empêche. Le « Manifeste » fut à l’initiative des filles de Bourguiba. Il marque un tournant, comme celui des « 343 », publié le 5 avril 1971 à Paris, qui fut décisif pour les Françaises dans leur lutte pour le droit à l’avortement. Il témoigne d’un sursaut de la conscience féministe au sein du monde arabe, malgré les reculs visibles, le retour du voile, les relents féminicides de Daesh.

Un pas vers l’égalité

Il atteste d’une prise de position collective qui dépasse les frontières nationales. Il s’en prend à ce qui fonde le patriarcat encore prégnant dans la Oumma : le sexe et l’argent. Enfin, en demandant l’abrogation pure et simple de la loi religieuse, le manifeste force les gouvernants et les sociétés d’islam à rompre avec l’ambiguïté qu’ils entretiennent entre les principes laïques et les préceptes de la charia.

Bien sûr, tout n’est pas réglé ni ne le sera de sitôt. Et si la Tunisie a fait un pas en abrogeant la circulaire interdisant le mariage avec un non-musulman, il reste les innombrables injustices qui ont cours ailleurs. Pour autant, la brèche est ouverte, et la voie est désormais libre pour dire tout haut ce que nous pensons tout bas : aucun être sensé, aucune foi juste, aucun dieu aimant ses créatures ne pourra accepter les pratiques qui font encore des femmes des mineures, des lésées, des prisonnières, des esclaves, des êtres sans foi ni raison, comme dit l’adage religieux…

Qu’on ne nous serine plus les discours identitaires, les excuses des politiques – pour qui ce n’est jamais le moment d’aborder la condition des femmes –, les tours et les détours des historiens enjoliveurs, des exégètes sympathiques, des machos qui s’ignorent, des gauches européennes compatissantes et culturalistes. S’il est une volonté du siècle que les musulmans se doivent d’accomplir, c’est celle-ci : reconnaître totalement et irrémédiablement l’égalité et la liberté des femmes – sans quoi ils resteront en dehors de l’Histoire.

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