AGS-Mobilitas veut archiver le continent africain
Déménageur à l’origine, le groupe français s’est lancé dans la numérisation de données publiques et privées ainsi que d’œuvres patrimoniales. Le Sénégal et le Zimbabwe lui font déjà confiance.
Quel avenir pour les entreprises françaises en Afrique ?
Au début des années 2000, face à la compétition internationale, les entreprises françaises ont perdu de leur influence sur le continent africain. Aujourd’hui, elles semblent mieux comprendre les réalités africaines.
«Dans vingt ans, se souviendra-t‑on que notre métier originel était déménageur ? » se demande avec ironie Alain Taieb, président du conseil de surveillance du groupe français AGS-Mobilitas. Implantée depuis 1993 sur le continent, où elle est désormais présente dans les 54 pays, la société de déménagement de particuliers et d’entreprises fondée en 1974 entame une mue lente et profonde. « Bientôt le déménagement ne sera plus qu’une composante de nos activités », poursuit-il.
Partant du constat que la plupart des expatriations qui se passent mal le doivent plus aux conditions d’installation qu’à la nature des missions elles-mêmes, le groupe proposait déjà un service de relocation permettant de trouver un logement, une école pour les enfants, etc., notamment à des personnels d’Orange, de MTN ou encore de la BAD. Mais le virage le plus important pris par le logisticien – qui réalise 40 % de son chiffre d’affaires, soit 300 millions d’euros, en Afrique – concerne le stockage et la numérisation de données publiques ou d’entreprises.
Numériser et analyser les données
« Vu l’ampleur de la tâche, cela devient l’axe prioritaire de notre développement. Nous aurons peu de temps pour réaliser autre chose », confesse Alain Taieb. Après la création d’un lieu d’archivage, Mobilitas assiste ainsi depuis juillet l’Agence de l’informatique de l’État (ADIE) du Sénégal dans la numérisation de ses données et la digitalisation des procédures urbanistiques. Un citoyen n’aura ainsi plus besoin de se rendre en mairie pour demander un permis de construire. Un travail est aussi mené avec l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar pour former des archivistes.
Grâce à l’acquisition de la société bordelaise Arkhênum en 2016, connue pour avoir scanné une partie des manuscrits de Tombouctou et une toile de sarcophage méroïtique au Soudan, Mobilitas participe en outre à la numérisation des archives de la guerre d’indépendance au Zimbabwe.
Mobilitas se voit offrir ses solutions d’archivage dans une trentaine de pays africains et recense déjà des opportunités au Niger, au Rwanda, en Tanzanie, au Kenya et en Ouganda.
De l’espace et des moyens pour investir
Dans le but d’en devenir le plus gros opérateur, le Français a inauguré en mai une plateforme logistique en Afrique du Sud qui s’étend sur 8 ha près de l’aéroport Oliver-Reginald-Tambo, dans la région de Johannesburg. L’archivage numérique et physique y côtoie l’entreposage de vins et de produits sensibles comme la gestion automatisée de conteneurs de déménagement.
Pour faire 1 million d’euros de chiffre d’affaires, il faut investir 1 million », estime Alain Taieb, président du conseil de surveillance
Dans quatre ans, d’autres centres du même type devraient ouvrir en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Kenya. Ce qui réclame de l’espace. Car « si 1 000 m2 d’entrepôts sont consacrés au déménagement, 3 000 m2 sont nécessaires à l’archivage ». Et des moyens pour financer ces nouvelles installations et technologies coûteuses (le prix d’un scanner peut atteindre 200 000 euros). « Pour faire 1 million d’euros de chiffre d’affaires, il faut investir 1 million », ajoute le président.
En discussion avec de nombreux partenaires financiers, notamment sud-africains et ghanéens, Mobilitas attend que Proparco lui débloque une ligne de crédit supplémentaire de 8 millions d’euros. La filiale de l’AFD lui a déjà prêté 15 millions d’euros en 2014. D’ici à dix ans, Alain Taieb espère que cette nouvelle activité lui aura permis de doubler son chiffre d’affaires actuel (300 millions d’euros). Une hausse d’activité qui devrait aussi se traduire par un triplement de ses effectifs, aujourd’hui de 2 800 employés.
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