Maroc : Abdelilah Benkirane, la statue du commandeur

Malgré son absence lors du séminaire de rentrée de la coalition gouvernementale, Abdelilah Benkirane continue de peser sur la coordination du travail de la majorité parlementaire.

L’ex-Premier ministre et patron du PJD, lors d’une conférence de presse, le 16 mars 2017, à Rabat. © FADEL SENNA/AFP

L’ex-Premier ministre et patron du PJD, lors d’une conférence de presse, le 16 mars 2017, à Rabat. © FADEL SENNA/AFP

fahhd iraqi

Publié le 3 octobre 2017 Lecture : 3 minutes.

Sept zaïms, six familles politiques… Cherchez l’intrus sur la photo de famille de la coalition gouvernementale, version 11 septembre ! Un indice : il y a un islamiste de trop ! Slimane El Amrani, secrétaire général adjoint du Parti de la justice et du développement (PJD), fait doublon avec Saadeddine El Othmani, chef du gouvernement et accessoirement président du conseil national de la formation islamiste. Le député de Rabat était en réalité l’émissaire spécial d’Abdelilah Benkirane pour cet événement organisé par son principal challenger (non encore déclaré) au poste de secrétaire général du parti, qui sera remis en jeu lors du prochain congrès national du PJD, prévu le 9 décembre.

La bande des sept

Slimane El Amrani est d’ailleurs le seul de la bande des sept à avoir passé son tour au pupitre de ce séminaire de rentrée de la majorité gouvernementale. Une tribune qui a vu défiler Aziz Akhannouch (RNI), Mohand Laenser (MP), Mohamed Sajid (UC), Driss Lachgar (USFP), Abdelouahed Souhail (dépêché en catastrophe par Nabil Benabdellah, patron du PPS, dont la mère est décédée le jour même).

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« Je représentais le secrétaire général du parti, mais le chef du gouvernement a bien entendu toute la latitude pour porter la parole du PJD dans les réunions de la majorité », s’est défendu Slimane El Amrani.

Cette présence par procuration de Benkirane est à l’image des manœuvres du tribun en chef du PJD. Même durant son mandat de chef du gouvernement, il savait endosser, les week-ends, le costume de farouche opposant.

Aujourd’hui, Benkirane évite de désavouer publiquement son remplaçant au poste de chef du gouvernement désigné par le palais, mais tient à garder la main sur tout ce qui engage le parti vis-à-vis de ses alliés de la coalition.

Benkirane n’apposera jamais sa signature sur une charte qui musellerait les députés du parti

Il fait d’ailleurs traîner en longueur la signature d’une charte de la majorité qui a obtenu l’accord des cinq formations politiques alliées du PJD. « C’est une charte sur laquelle nous travaillons depuis des mois. Elle finira par être adoptée quand nous aurons tranché quant à ses signataires. Il n’est pas dit qu’elle doive nécessairement être signée par le secrétaire général », botte en touche Slimane El Amrani, qui, en bon lieutenant d’Abdelilah Benkirane, rappelle la position du groupe parlementaire du PJD vis-à-vis du gouvernement qu’il dirige : « Un soutien éclairé. »

Le chef de l'exécutif marocain, Saadeddine El Othmani à une conférence de presse au siège du parti islamiste (PJD) à Rabat, le 21 mars 2017. © Abdeljalil Bounhar/AP/SIPA

Le chef de l'exécutif marocain, Saadeddine El Othmani à une conférence de presse au siège du parti islamiste (PJD) à Rabat, le 21 mars 2017. © Abdeljalil Bounhar/AP/SIPA

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Comprenez : Abdelilah Benkirane n’apposera jamais sa signature sur une charte qui tendrait à museler les députés du parti. Cela le couperait définitivement de ses soutiens, composés essentiellement d’élus qui ne cautionnent même pas la participation du PJD au gouvernement dans les conditions actuelles.

D’ailleurs, Benkirane est le premier à avoir rompu ce pacte de non-agression voulu par l’esprit de cette charte qui a du mal à voir le jour.

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Jeudi 14 septembre, le tonitruant chef de file du PJD s’est fendu sur la web-TV du parti d’un monologue (à l’occasion d’une rencontre à son domicile avec les élus de Mohammedia) où les critiques envers le gouvernement sont à peine voilées. « Nous ne méritons pas d’occuper les postes de responsabilité si nous faisons passer les privilèges devant l’intérêt du peuple », a-t-il asséné, tout en admettant la réalité de la crise au niveau du leadership du parti.

Amendement

Pis, quelques jours plus tard, lors d’une assemblée du PJD, il a attaqué frontalement ses adversaires politiques. Cible privilégiée : Aziz Akhannouch. « Je ne sais pas si ce parti est une colombe [symbole du RNI] ou un tracteur [symbole du PAM, qui était dans le collimateur du PJD] », a-t-il lancé à l’adresse du président providentiel élu à la tête du RNI au lendemain des législatives et qui avait tenu tête à Benkirane lors des tractations pour la formation du gouvernement, jusqu’à provoquer son éviction.

Cette attitude de Benkirane renvoie à sa stratégie habituelle de campagne, avec comme enjeu actuel un troisième mandat à la tête de la formation islamiste.

D’autant que les circonstances favorisent une telle ambition : plus que jamais, l’option d’un amendement des statuts du PJD pour permettre au secrétaire général de rempiler pour quatre ans (à ce jour, il ne peut accomplir plus de deux mandats consécutifs) semble envisageable.

« La décision reviendra aux congressistes », nous a indiqué Slimane El Amrani. En décembre, tous les scénarios seront possibles.

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