Droits des femmes au Maghreb : l’influence de la charia

Héritage, mariage avec des non-musulmans, gare des enfants, violences… Malgré des avancées, les inégalités hommes-femmes persistent en Afrique du Nord.

À Casablanca, adolescentes du projet Courir pour la vie, conduit par l’athlète Nawal El Moutawakel, première Africaine musulmane à avoir gagné une médaille d’or aux JO, en 1984. © Alfredo CALIZ/PANOS-REA

À Casablanca, adolescentes du projet Courir pour la vie, conduit par l’athlète Nawal El Moutawakel, première Africaine musulmane à avoir gagné une médaille d’or aux JO, en 1984. © Alfredo CALIZ/PANOS-REA

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 5 octobre 2017 Lecture : 2 minutes.

Une manifestation de soutien à une jeune fille violée par la police en Tunisie, le 2 octobre 2012. © Aimen Zine/AP/SIPA
Issu du dossier

Maghrébines : libres mais pas trop

Les Filles, les épouses et les mères d’Afrique du Nord se battent pour abolir les injustices et les discriminations envers les femmes.

Sommaire

Les Constitutions nord-africaines le proclament à l’unisson : tous les citoyens sont égaux devant la loi, sans distinction. Mais rares sont celles qui n’ont pas préalablement déclaré la charia comme source du droit, voire comme « source principale », à l’instar de la Déclaration constitutionnelle libyenne de 2011.

En Tunisie, les députés islamistes avaient échoué à la faire inscrire dans la loi fondamentale de 2014, et la nouvelle liberté prise par les fils de Bourguiba, le 14 septembre, en permettant aux Tunisiennes d’épouser des non-musulmans, a suscité mécaniquement la condamnation du grand imam d’Al-Azhar, l’université islamique du Caire qui se veut le phare du monde sunnite.

la suite après cette publicité

Pourtant, dans les codes juridiques maghrébins, l’influence de la charia semble limitée aux domaines du statut personnel et du droit familial, avec pour effet d’assujettir la femme à son « tuteur ».

En Tunisie même, l’héritage se partage toujours selon la coutume islamique : la femme reçoit une demi-part quand l’homme en perçoit une complète. « Cette dualité contradictoire a des racines historiques : le colon a imposé son droit civil mais a laissé le droit familial persister dans les tribunaux islamiques, et la pratique s’est maintenue après les indépendances. Elle a aussi une cause politique, car les régimes n’ont jamais eu le courage de trancher entre le retour franc à la charia et l’adoption complète du droit civil », analyse l’islamologue Mathieu Guidère.

De timides réformes en faveur des femmes

De Nouakchott au Caire, les deux dernières décennies ont enregistré des évolutions légales positives mais bien trop timides pour les défenseurs de l’égalité entre hommes et femmes. La volonté politique est trop faible, quand les forces qui s’opposent à l’abolition des discriminations s’affirment.

Dans les sociétés arabes beaucoup plus libérales des années 1960-1970, une réforme globale aurait été possible, mais le reflux conservateur qui a suivi a éloigné cette perspective. Les militants maghrébins de la modernisation doivent autant lutter pour la conservation d’acquis durement arrachés que pour l’obtention de nouvelles réformes .

la suite après cette publicité

Les opinions publiques y sont-elles seulement favorables ? Les meilleurs alliés des conservateurs sont souvent des femmes et, sous prétexte d’honneur, de tradition et de religion, la plupart des hommes – dont bien des libéraux – refusent de remettre en question des privilèges très matériels.

Pour Guidère, « dans le monde musulman, on ne peut attendre que la société change la loi dans un sens progressiste, comme cela est le cas en Occident avec le mariage homosexuel par exemple. Il faut que la loi change la société. La solution ne peut venir que des pouvoirs ». La récente initiative du chef de l’État tunisien en est l’illustration.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image