Procès Gbagbo : Philippe Mangou à l’heure des comptes

L’ancien chef d’état-major de l’armée ivoirienne témoigne à charge, depuis le 25 septembre, devant la Cour pénale internationale au procès son ancien mentor, Laurent Gbagbo.

Philippe Mangou salue ses troupes à Abidjan, le 9 novembre 2004. © SCHALK VAN ZUYDAM/AP/SIPA

Philippe Mangou salue ses troupes à Abidjan, le 9 novembre 2004. © SCHALK VAN ZUYDAM/AP/SIPA

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Publié le 4 octobre 2017 Lecture : 3 minutes.

Il était un homme clé de l’appareil sécuritaire de Laurent Gbagbo. Durant sept ans, Philippe Mangou, 65 ans, a été le chef d’état-major des armées (Céma) de l’ancien président. C’est aujourd’hui un témoin important de l’accusation, acteur essentiel de la crise politico-militaire ivoirienne – qui a débuté en 2002 et a atteint son paroxysme en 2011 –, qui est présenté par l’équipe de la procureure Fatou Bensouda. Décidé à ne pas faire de langue de bois, comme l’ont fait, avant lui, d’autres généraux jadis proches de Gbagbo, Mangou sait que son témoignage peut faire basculer l’issue du procès de son ancien guide.

Quand la rébellion des Forces nouvelles éclate en septembre 2002, le général Mathias Doué, alors chef d’état-major des armées, désigne Mangou pour être le commandant du théâtre des opérations. À ce poste stratégique, cet officier ambitieux, féru de treillis sur mesure et qui s’est présenté à la barre de la CPI chaque fois avec un costume différent, engage ses troupes contre les ex-rebelles qui occupaient la moitié nord du pays.

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Il échoue à mater les combattants de Guillaume Soro mais gagne le respect des soldats sur les lignes de front. Le verbe haut et la fleur au fusil, il devient de plus en plus populaire dans les casernes et finit par remplacer Doué, en novembre 2004.

Un témoin clé

Partisan de « la libération totale de la Côte d’Ivoire », ce guerrier atchan (une ethnie du groupe Akan du sud), formé aux techniques de combat à l’École des forces armées (Efa) de Bouaké et en stratégie militaire à l’état-major interarmées de Compiègne (France), multiplie les déclarations fracassantes. Ses cibles : les ex-rebelles, les opposants à Gbagbo et les forces onusiennes. Il dira plus tard que cette posture était une façon pour lui de sauver sa peau face à l’extrémisme grandissant de certains pro-Gbagbo, prêts à en découdre avec leurs ennemis comme avec leurs partenaires.

Lors de la crise postélectorale de 2011, c’est un Philippe Mangou arborant fièrement ses quatre étoiles de général de corps d’armée qui s’invite régulièrement aux rassemblements patriotiques, flanqué de celui qu’il appelle son « frère », Charles Blé Goudé, tout nouveau ministre de la Jeunesse. S’il multiplie les déclarations choc en public, ce fils de pasteur est, en privé, un officier général blessé dans son ego, qui trouve refuge dans la prière. En effet, Gbagbo a transféré l’essentiel de l’armement des FDS au Centre de commandement des opérations de sécurité (Cecos, unité d’élite de la gendarmerie, du général Georges Guiai Bi Poin), ainsi qu’à une unité de miliciens et de mercenaires commandée par Anselme Séka Yapo, aide de camp de Simone Gbagbo. À la tête de l’état-major, le général Bruno Dogbo Blé, proche de l’ex-couple présidentiel, lui conteste ouvertement son autorité.

La trahison de Phillipe Mangou

Le 31 mars 2011, Mangou finit par déserter et trouve refuge à l’ambassade d’Afrique du Sud à Abidjan, convaincu que les forces loyales à Gbagbo ne pourront pas vaincre celles d’Alassane Ouattara, vainqueur (comme il le reconnaîtra plus tard) de la présidentielle de novembre 2010. « Avant d’engager un combat, on fait l’étude des rapports de force, démontre-t-il à la barre de la CPI. Quand c’est trois contre trois, on se bat. À trois contre deux, on peut encore se battre. À trois contre un, et en plus quand l’ennemi dispose d’une supériorité aérienne, on arrête le combat. »

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Il fait allégeance à Ouattara quelques heures après l’arrestation de Gbagbo, le 11 avril 2011. Avec lui, presque tous les hauts commandants de l’armée, de la gendarmerie et de la police nommés par Gbagbo. Soucieux de ne pas garder à ses côtés un officier trop marqué politiquement, mais prenant soin de ne pas le faire arrêter, Ouattara le nomme ambassadeur au Gabon, un poste qu’il occupe depuis mai 2012.

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