Qui sont les leaders africains de demain ?

L’Institut Choiseul publie chaque année depuis 2014 un palmarès des futurs décideurs économiques. Jeune Afrique vous livre en exclusivité le palmarès 2017 du think tank français.

Le classement Choisel 2017 présente les leaders africains de demain © Matt Rourke/AP/SIPA

Le classement Choisel 2017 présente les leaders africains de demain © Matt Rourke/AP/SIPA

Julien_Clemencot

Publié le 12 octobre 2017 Lecture : 5 minutes.

En Afrique, le renouvellement des élites reste une question brûlante. Qu’il s’agisse de politique ou d’économie, les chances pour un décideur d’occuper le devant de la scène s’évaluent souvent au nombre de ses cheveux blancs. Pourtant, de plus en plus de trentenaires et de jeunes quadras biberonnés à la mondialisation changent la donne. Passés par les meilleures écoles et universités, très souvent partis vivre un temps hors de leur pays, ces jeunes leaders écrivent et vont écrire les prochains chapitres du développement africain. Depuis 2014, l’Institut Choiseul s’est fixé pour mission d’en dresser la liste « afin de donner une vision nuancée et positive du continent », justifie Pascal Lorot, son président.

Trois critères principaux définissent le profil des personnalités classées par le think tank français : posséder la nationalité de l’un des 54 États du continent, avoir au maximum 40 ans au 1er janvier 2017 et jouer un rôle significatif dans la sphère économique.

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Au sein de cette sélection, on trouve aussi bien des personnalités confirmées du monde des affaires, comme l’Égyptien Basil El-Baz, PDG de Carbon Holdings, numéro un du classement, et l’Algérien Sahbi Othmani, directeur général de NCA-Rouiba, numéro quatre, que des figures moins connues mais déjà importantes, comme la Marocaine Sarah Kerroumi, secrétaire générale d’Ynna Holding, 23e. Dans un paysage économique où les entreprises familiales sont prépondérantes, les héritiers sont encore nombreux, mais ils ne sont pas majoritaires. « Nous identifions l’aspect dynamique d’une carrière.

Venir de la classe moyenne et s’imposer dans un grand groupe, puis recommencer dans un second, a plus de valeur que d’entrer dans une entreprise familiale et y faire toute sa carrière », indique Antoine Hillion, responsable des études de Choiseul.

La parité est loin d’être atteinte, puisqu’on compte 33 femmes pour 67 hommes

L’édition 2017 voit 40 dirigeants faire leur entrée dans le classement et autant en sortir, la plupart parce qu’ils sont frappés par la limite d’âge. La Rwandaise Diane Karusisi (10e), patronne de Bank of Kigali, ancienne collaboratrice du président Kagame, et le Marocain Omar Belmamoun (43e), PDG de Platinum Power, font partie des nouveaux venus.

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Répartition logique 

Si pour beaucoup de personnalités le rang évolue peu d’une année sur l’autre, certaines grimpent de manière significative, comme c’est le cas pour l’Algérien Sami Agli, dont l’importance du groupe familial a été réévaluée (39e, plus 39 places). D’autres au contraire reculent sensiblement. C’est le cas de la Tunisienne Safia Hachicha (71e, moins 56 places), qui a quitté la société d’investissement Swicorp (plus de 1 milliard d’euros sous gestion) et est classée cette année en tant que dirigeante de la société de conseil Abakus Advisors.

Du côté de l’équilibre entre les genres, la parité est loin d’être atteinte, puisqu’on compte 33 femmes (2 de moins par rapport à 2016) pour 67 hommes. Mais c’est pire en France, selon Choiseul, qui y réalise la même étude.

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Sans surprise, le secteur financier (banque, société d’investissement, assurance) est le mieux représenté (18 décideurs sur 100), devant l’énergie (producteur, distributeur), 15, l’agrobusiness et les technologies de l’information, 13 chacun, puis le BTP, 9. Une répartition logique, selon l’institut, qui y voit le reflet de la place centrale occupée par la finance et les secteurs les plus proches des besoins immédiats du continent. En revanche, on constate la quasi-absence de décideurs issus des sphères de la santé (3) et de l’éducation (1), deux secteurs économiques victimes d’un sous-investissement chronique.

Degré de subjectivité

En 2017, 32 nationalités figurent dans le classement, soit une de plus que l’an dernier. Les puissances continentales trustent les premières places. Il y a 10 Nigérians, 7 Sud-Africains, autant d’Égyptiens, et 6 Éthiopiens. Certains pays comme le Maroc, avec 8 représentants, la Côte d’Ivoire, avec 6, la Tanzanie, 5, ou le Rwanda, 4, apparaissent en revanche surreprésentés si l’on s’en tient à la taille de leur économie.

Le palmarès des leaders de demain offre aussi une lecture du développement du continent

Interrogé, l’Institut Choiseul assume un certain degré de subjectivité. « Le Maroc offre une vraie place à la jeunesse, notamment au sein des groupes familiaux, où on lui confie la conquête de nouveaux marchés, particulièrement au sud du Sahara », explique Antoine Hillion. La Côte d’Ivoire, également en très bonne place, profite de son rôle de locomotive de la sous-région. Quant à l’exposition offerte aux Tanzaniens, Choiseul revendique un choix prospectif. « Dans la diagonale Éthiopie-Kenya-Tanzanie, ce marché de 70 millions d’habitants est sous-estimé », juge Antoine Hillion. Plus qu’un simple classement de personnalités influentes ou supposées l’être, le palmarès des leaders de demain offre aussi une lecture du développement du continent.

Et pour y participer pleinement, Pascal Lorot et son équipe ont décidé de créer un réseau d’alumnis. « C’est un moyen supplémentaire de les aider à élargir leur horizon », plaide le président de Choiseul. Depuis 2015, plusieurs réunions ont été organisées pour les regrouper à Marrakech, à Paris, à Alger, au Caire. La prochaine rencontre est prévue à la fin de 2017 ou au début de 2018, mais, à l’heure où nous mettions sous presse, le lieu de l’événement n’était pas encore connu.

Out en 2017

Quarante personnalités ont quitté le classement de 2017, victimes pour la plupart de la limite d’âge imposée par Choiseul. Exit donc Mehdi Tazi, PDG de Saham Assurance Maroc, 2e en 2016, ou encore Jean-Paul Melaga, directeur général de Whitestone Finance, 19e. Certains ont été volontairement recalés. C’est le cas des Camerounais Tony Smith, 49e l’an dernier, et Tonjé Bakang, 82e, qui paient les échecs respectifs de Limitless Electronics et d’Afrostream. Quant au Marocain Rachid Kettani, 69e en 2016, son absence d’évolution au sein d’Attijariwafa Bank l’a repoussé au-delà de la 100e place.

Chouchou des médias ?

Comme tout classement, ce palmarès recèle quelques personnalités dont la présence en bonne place peut susciter le débat. Si l’Ougandais Ashish Thakkar, classé 24e, a longtemps entretenu la légende du jeune milliardaire autodidacte, la publicité faite à son divorce début 2017 a montré que son empire ne s’élevait en fait qu’à quelques dizaines de millions de dollars. JA lui avait consacré un article intitulé « Bluff à l’ougandaise ».

La même critique peut-elle être formulée à l’encontre de Vérone Mankou, 52e, chouchou des médias francophones, parfois encore surnommé le Bill Gates congolais ? Son entreprise, VMK, n’a pas pu mener à bien son projet de production de smartphones à Brazzaville. Fin 2016, il s’est concentré sur le lancement d’un groupe média. Interrogé, Choiseul ne renie rien de sa sélection. « Vérone Mankou a démontré de réels talents d’entrepreneur, et nous estimons qu’il a la capacité de jouer un rôle significatif à l’avenir dans la sphère privée mais aussi dans la sphère publique », estime le responsable des études de l’institut, Antoine Hillion.

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