Palestine : le Hamas et le Fatah sur le chemin de la réconciliation
Après dix ans de règne chaotique à Gaza, le Hamas renonce à l’exercice du pouvoir et prône désormais la réconciliation avec le Fatah. Poker menteur ou volonté réelle d’apaisement ?
Il fallait y voir un signe annonciateur. Le 14 septembre, une dizaine de familles palestiniennes de Gaza, toutes issues de factions rivales, ont participé à une « cérémonie de réconciliation » au nom de ce qui les unit au-delà de leurs différends politiques : la perte de proches lors des violents combats ayant opposé le Hamas au Fatah en juin 2007, lors du coup de force victorieux mené par les islamistes pour faire échec à celui que préparait le Fatah et s’emparer du pouvoir.
« Nous exprimons ici notre volonté de pardonner, malgré la douleur, pour mettre un terme à nos divisions et vivre une vie meilleure », a déclaré Fares Abou Qadoos, porte-voix des 400 familles concernées par ce sombre épisode de l’histoire palestinienne aux allures de guerre civile.
Face à l’ampleur de la crise humanitaire, le Hamas n’était plus en mesure d’assumer le fardeau
Quarante-huit heures après la cérémonie, le Hamas annonçait, par voie de communiqué, la dissolution de son comité administratif, sorte de gouvernement restreint mis en place au mois de mars pour protester contre celui de Ramallah, accusé de négliger les besoins de la population à Gaza. Outré par une telle défiance, le président Mahmoud Abbas avait alors engagé un impitoyable bras de fer avec les islamistes. En cessant de régler à Israël le coût d’approvisionnement en fioul de l’enclave palestinienne, il a délibérément pris en otage la population gazaouie, réduite à survivre avec quelques heures d’électricité par jour.
Mise à l’écart du Hamas
La stratégie du raïs a payé. Face à l’ampleur de la crise humanitaire, le Hamas n’était plus en mesure d’assumer le fardeau, aggravé par dix ans de blocus israélien puis égyptien, trois guerres dévastatrices et un isolement régional croissant. Récemment, le Qatar et l’Arabie saoudite ont tour à tour mis un terme à leur soutien financier. Tout en signifiant son renoncement à l’exercice du pouvoir, le mouvement islamiste a appelé à l’organisation d’élections générales, les premières depuis 2006. Selon Fawzi Barhoum, l’un des hommes forts du Hamas à Gaza, « il s’agit d’un vrai test pour Mahmoud Abbas et le Fatah ».
L’Autorité palestinienne se garde de tout triomphalisme, échaudée par les innombrables promesses de réconciliation non tenues. « Il y a encore de nombreux obstacles à surmonter, notamment liés à la capacité d’un gouvernement transitoire à travailler à Gaza. Cela passe par une mise à l’écart du Hamas dans la gestion des affaires, ce qui n’est pas simple », explique Abdullah Abdullah, membre du conseil révolutionnaire du Fatah.
Le président Sissi dans le jeu
En signe de bonne volonté, Rami Hamdallah, Premier ministre de l’Autorité palestinienne et proche d’Abbas, a accepté de se rendre à Gaza le 2 octobre avec l’ensemble des membres de son cabinet. Une première depuis 2015. Une visite qui n’est pas dénuée d’intérêt pour le Fatah, lequel aspire à reprendre possession des points de passage séparant l’enclave palestinienne des frontières avec Israël et l’Égypte. Le Caire, dont les services de renseignements sont redevenus les interlocuteurs privilégiés du Hamas, redouble d’efforts pour rapprocher les deux frères ennemis palestiniens.
« Nous attendons d’Abbas qu’il lève les mesures punitives contre notre peuple et reprenne le dialogue », réclame Ismaïl Haniyeh
Après des années de brouille, le président Sissi entend normaliser ses relations avec le mouvement islamiste, un temps accusé de connivence avec les jihadistes opérant dans la péninsule du Sinaï. Il ambitionne toujours d’installer à Gaza le redoutable et controversé Mohammed Dahlan. Bien que persona non grata en Cisjordanie, l’ancien chef de la sécurité préventive est perçu comme un possible successeur de Mahmoud Abbas, dont la cote de popularité a chuté (65 % des Palestiniens souhaitent sa démission).
Prudence
« Nous attendons d’Abbas qu’il lève les mesures punitives contre notre peuple et reprenne le dialogue », s’impatiente Ismaïl Haniyeh, chef du bureau politique du Hamas. Tel-Aviv, qui redoutait que les sanctions d’Abbas ne précipitent un nouveau conflit armé à Gaza, constate que le Hamas a cédé aux pressions. La prudence reste cependant de mise côté israélien. D’autant que le Hamas, tout en se disant prêt à respecter une trêve de longue durée avec l’État hébreu, refuse catégoriquement de désarmer. Ces dernières semaines, il s’est même rapproché de l’Iran, qui lui accorde un soutien militaire et lui propose une nouvelle base arrière au Liban. Un rapprochement qui n’est pas du goût d’Israël.
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