Maroc : Abdelkrim Benatiq ou l’art du rebond
Après avoir été l’un des plus jeunes membres de l’exécutif, l’actuel ministre délégué aux Marocains résidant à l’étranger, Abdelkrim Benatiq a connu quelques déboires. Avant de revenir aux affaires. Parcours.
La politique, Abdelkrim Benatiq est tombé dedans jeune. Très jeune. Ce natif du modeste quartier Taqadoum de Rabat, en 1959, n’est qu’un collégien de 13 ans lorsqu’il rejoint la Chabiba Ittihadia, les jeunesses de l’Union nationale des forces populaires (UNFP, future USFP). « Comme beaucoup de mes camarades de classe, j’avais d’abord été enrôlé par la Chabiba Islamiya [la mouvance islamiste], nous confie Abdelkrim Benatiq. Et c’est Driss Lachgar [actuel secrétaire général de l’USFP] qui a fini par nous convertir à l’esprit de gauche. C’est lui qui nous embarquait dans sa voiture pour nous emmener assister aux meetings de l’UNFP. »
La fibre militante de Benatiq va se développer avec l’âge et au rythme des rebondissements politiques que connaîtra le Maroc des années 1970. À la faculté de lettres de l’université Mohammed-V à Rabat, l’étudiant en littérature arabe fait ses gammes et s’impose déjà comme un tribun hors pair. Curieusement, après sa maîtrise, l’homme s’oriente vers le secteur financier. Il est alors recruté par la Banque marocaine pour le commerce et l’industrie (BMCI), filiale de BNP-Paribas.
Ascension
Au sein de l’établissement bancaire, il devient délégué syndical sous la bannière de la Confédération démocratique du travail (CDT), centrale proche de l’USFP. « Noubir Amaoui enseignait l’arabe à l’école de Taqadoum, où j’ai fait ma scolarité, nous raconte Benatiq. J’étais fasciné par ce personnage, qui était d’ailleurs le seul instituteur marocain de l’établissement à la fin des années 1960. »
Son dynamisme n’avait d’égal que son ambition
À la CDT, il gravit progressivement les échelons et prend la tête du syndicat des banques. Benatiq, à peine la trentaine, devient une star des milieux syndicaux et donne des sueurs froides aux tout-puissants présidents des banques.
C’est ainsi qu’il est repéré par Abderrahmane Youssoufi, qui, lors du remaniement de son gouvernement en 2000, le nomme secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie sociale, des PME et de l’Artisanat.
« À 41 ans, il était le benjamin de l’exécutif, nous raconte un ancien député socialiste. Son dynamisme n’avait d’égal que son ambition. » Benatiq ne restera que quelques mois au sein du département, avant d’être nommé secrétaire d’État au Commerce extérieur lors d’un nouveau remaniement ministériel, en juillet 2001.
Débâcle électorale
À la fin du mandat du gouvernement Youssoufi et après le retrait du leader socialiste du parti, Abdelkrim Benatiq tombe dans les oubliettes. Une traversée du désert qu’il met à profit en collectionnant les diplômes : DEA en linguistique et DESA en gestion du personnel, en plus d’un doctorat en droit et d’un diplôme en études diplomatiques et stratégiques.
Il ne refait surface qu’en 2005, quand il démissionne de l’USFP pour créer sa propre formation politique, le Parti travailliste, avec lequel il a l’ambition d’incarner la nouvelle gauche. Après des débuts prometteurs lors des législatives de 2007 (5 sièges) et des communales de 2009 (288 sièges), la désillusion est grande lors des législatives cruciales de 2011 (4 sièges).
« À l’image de nombreux “hizbicules” [micropartis], le Parti travailliste avait misé sur la fameuse alliance G8 pilotée par le duo RNI-PAM », explique un ancien membre du parti de Benatiq. Ce dernier est d’autant plus déçu qu’il n’a pas réussi à décrocher un siège de député dans son fief de Bejaad.
Retour au pouvoir
Deux ans après cette débâcle électorale, Benatiq est approché par son vieil ami Driss Lachgar – devenu entre-temps l’homme fort de l’USFP –, qui parvient à le convaincre de revenir dans le giron socialiste. Le Parti travailliste est ainsi absorbé par l’USFP et Abdelkrim Benatiq retrouve sa place au sein du bureau politique. Son soutien indéfectible à Driss Lachgar, objet de nombreuses critiques au sein du parti, se révélera payant.
En avril 2017, l’USFP est imposée au sein du gouvernement de Saadeddine El Othmani. Des trois postes proposés au parti socialiste, Abdelkrim Benatiq hérite du ministère délégué aux Marocains résidant à l’étranger (MRE) et des Affaires de la migration. Un retour aux affaires inespéré, mais guère surprenant de la part d’un politicien de carrière.
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