Football : la Turquie, le pays où la pelouse est plus verte

Une flopée d’internationaux étrangers a rejoint le championnat turc. Rémunérations élevées, très faible taux d’imposition, public enthousiaste… Pour eux, le jeu en vaut la chandelle.

Younès Belhanda (à dr.) sous les couleurs de Galatasaray, à Istanbul, le 20 juillet. © Seskim/Icon Sport

Younès Belhanda (à dr.) sous les couleurs de Galatasaray, à Istanbul, le 20 juillet. © Seskim/Icon Sport

Alexis Billebault

Publié le 4 octobre 2017 Lecture : 3 minutes.

Il a attiré ces derniers mois de nombreux internationaux étrangers séduits par son niveau, ses salaires et l’engouement populaire. Le championnat de Turquie est-il le nouvel eldorado du football européen ? Il est sans doute prématuré de l’affirmer, mais plusieurs signes montrent qu’il devient de plus en plus the place to be.

Les Français Gaël Clichy (Istanbul Basaksehir), Mathieu Valbuena (Fenerbahçe), Jérémy Ménez (Antalyaspor), Bafétimbi Gomis et Cédric Carrasso (Galatasaray), les Marocains Younès Belhanda (Galatasaray) ou Nabil Dirar (Fenerbahçe) et quelques autres l’ont rejoint. Certes, la Süper Lig turque avait déjà attiré des joueurs de renommée internationale (Emmanuel Adebayor, Samuel Eto’o, Wesley Sneijder, Robin Van Persie…), mais cet afflux estival a surpris par son ampleur.

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Championnat attractif

« Vu d’ici, c’est logique. Les clubs, dont la plupart sont dirigés par des hommes d’affaires, disposent de moyens de plus en plus importants (droits télé, vente de produits dérivés, recettes aux guichets, transferts), ce qui leur permet de proposer des salaires élevés aux joueurs étrangers », explique le défenseur camerounais Dany Nounkeu, qui évolue à Karabükspor, sa cinquième équipe turque depuis 2010.

Et puis le niveau du championnat s’améliore : il se situe entre la 5e et la 10e place de la hiérarchie européenne. « Toutes les équipes se renforcent, et les trois grands clubs d’Istanbul (Galatasaray, Besiktas et Fenerbahçe) font face à plus de concurrence », souligne le Camerounais Aurélien Chedjou, qui évolue à Istanbul Basaksehir, le club préféré du président Recep Tayyip Erdogan, qui fut lui-même joueur amateur dans sa jeunesse.

Argument financier

Cette évolution a été favorisée par l’assouplissement des quotas de footballeurs étrangers, en vigueur depuis 2015 (quatorze par club, avec la possibilité d’en aligner onze sur la feuille de match), ainsi que par une forte progression des droits télévisuels, qui sont passés de 362 millions d’euros pour la période 2012-2017 à 555 millions pour la période 2017-2022. Les clubs turcs, qui s’efforcent de rester mesurés sur le montant des transferts, privilégient les rémunérations versées aux joueurs, aidés en cela par un régime fiscal avantageux.

Les clubs turcs traînent cependant une mauvaise réputation : celle de ne pas payer les joueurs régulièrement

Le taux d’imposition des footballeurs est nettement moins élevé qu’en France (15 % contre 47 %) et, en Turquie, ce sont les clubs qui règlent les impôts de ces derniers. « Ce qu’on gagne en France en brut, ici, c’est du net. Sans parler des primes, qui peuvent être très intéressantes », poursuit Nounkeu. Des Gomis, Dirar, Belhanda ou Valbuena vont ainsi percevoir des salaires nets annuels compris entre 3 et 4 millions d’euros – des sommes que la plupart des équipes françaises ne peuvent offrir.

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Mauvaise réputation

Les clubs turcs traînent cependant une mauvaise réputation : celle de ne pas payer les joueurs régulièrement. « Ça arrive, mais ils finissent toujours par régler ce qu’ils doivent, et les délais n’excèdent pas trois mois, car on peut alors saisir la Fifa », reprend Chedjou.

« Il y a beaucoup de policiers et de militaires dans les rues. Je ne me suis jamais senti en danger, mais on se pose des questions » affirme le défenseur camerounais Dany Nounkeu

La Turquie a également mis en place une politique très stricte pour lutter contre la violence dans les stades, qui a longtemps entaché la réputation de sa Süper Lig. Les autorités ont imposé un système de fichage, par le biais d’une carte électronique où figurent les données personnelles des supporters. « Cette mesure a en partie vidé les stades, sauf pour les grosses affiches. Il y a moins d’ambiance qu’avant, mais la sécurité est maximale », poursuit Chedjou.

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Le contexte politique (coup d’État de juillet 2016, attentats de Daesh et des Kurdes du PKK) a accéléré le mouvement. « Il y a beaucoup de policiers et de militaires dans les rues. Je ne me suis jamais senti en danger, mais on se pose des questions. Certains joueurs ont envisagé de quitter le pays, d’autres ont rapatrié leur famille, notamment après le putsch. D’autres encore ont préféré renoncer à venir », explique Nounkeu. Mais, visiblement, la grande majorité s’est laissé tenter…

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